200705 1

Météorologue de la Vendée – Arctique – Les Sables d’Olonne, routeur émérite quand les courses ou les records le permettent, Christian Dumard insiste sur la complexité de la tâche sur la route de l’Islande.

Christian, cela semble difficile d’élaborer une stratégie sur cette Vendée – Arctique – Les Sables d’Olonne…
 
Christian Dumard : « Depuis le départ, les systèmes se succèdent rapidement, et le jeu est complexe. Il y a beaucoup de placements à opérer, des analyses à faire et refaire en fonction de son placement, de son évolution sur l’eau. Les marins en tête ont passé ce jour la deuxième dépression - le peloton de derrière devrait le faire dans la journée -, il faut désormais franchir la dorsale anticyclonique avec une bascule de vent et des vents qui vont mollir. Les solitaires enchaînent beaucoup de manœuvres, beaucoup de travail de navigation, et un travail jamais fini sur la stratégie ».

La météo du mardi 7 juillet

Pourquoi est-ce si complexe ? 
C. D. : « Les marins font une stratégie sur un terme moyen, puis sur 24 heures, qui doit être adaptée en permanence : il suffit d’une variation, d’un vent plus lent ou plus rapide de trois ou quatre nœuds pour que la vitesse d’avancée soit conséquente, et donc que la position atteinte ne soit pas celle estimée. Les marins viennent et reviennent sur la météo pour rectifier le plan initial. Il y a beaucoup de travail de navigation, en termes de manœuvres aussi. Comme les systèmes et les conditions changent tout le temps, il faut beaucoup se recaler, avec des empannages ou des virements de bord à enchaîner. Et il faut toujours regarder ce que font les autres, plus encore avec les variations ». 
  
Ces nouveaux IMOCA, si rapides, ont une façon de faire différente ? Y a-t-il une révolution en cours ?
C. D. : « C’est une évolution. La façon d’appréhender la météo, et de jouer les systèmes, est un peu différente. Il faut se placer. Plus un bateau va vite, plus il a la capacité de se placer par rapport à un système météo, et de choisir ses conditions. Un bateau lent subit et fait ce qu’il peut ; un bateau qui se déplace à 22 nœuds dans un système qui donne 30 nœuds, peut choisir sa météo et le point de passage, exactement où il veut. Mais trouver ce point de passage demande beaucoup de travail ». 
 
C’est un contexte à tenter des coups météo ?
C. D. : « Thomas Ruyant est allé chercher un peu plus de vent dans le nord, en misant sur le fait de couper plus court. Il est passé assez vite, mais les deux poursuivants aussi, qui allaient plus ouest. Ça ne se joue pas à grand-chose, la météo n’est pas une science tout à fait exacte. Il faut parfois un brin de réussite pour que ça passe bien. Mais le jeu est ouvert : le déplacement des systèmes météo fait que les premiers vont devoir prendre une route un peu longue, un arc de cercle un peu plus large vers l’ouest, tandis que ceux qui sont juste derrière vont pouvoir faire une trajectoire un peu plus directe. Du coup, les écarts entre les trois premiers et les suivants devraient ne pas se creuser. Même des bateaux d’ancienne génération devraient maintenir un peu d’écart, voire gagner un tout petit peu. Le retour sera compliqué aussi, avec des bulles anticycloniques et probablement une dépression ».
 
Le passage à la bouée COI – Unesco se fera par grand jour… quelle que soit l’heure de passage ?
C. D. : « Les marins ont déjà de très longues journées, avec des nuits de quatre ou cinq heures seulement. A la bouée, il fera jour tout le temps, l’eau sera à 10 degrés et la température de 8 à 10. Cela ressemble à ce qu’ils rencontreront dans le grand sud dans quelques mois ».