Benjamin Ferré : « Il est rentré dans ma tête »

L’histoire du Vendée Globe retiendra ce duel haletant, marqué par une rivalité aussi acharnée qu’amicale entre deux jeunes navigateurs français. Benjamin Ferré et Tanguy Le Turquais se sont livrés une bataille de chaque instant, jusqu’à franchir la ligne d’arrivée avec un écart infime de 16 minutes, après plus de 84 jours de course autour du globe.
Aux commandes de Monnoyeur-Duo For A Job, Benjamin Ferré a bouclé son tour du monde en 16e position, premier skipper d’IMOCA à dérives, après 84 jours, 23 heures et 19 minutes de course. Son parcours s’étend sur 28 167 milles nautiques, parcourus à une vitesse moyenne de 13,81 nœuds.
Mais au-delà de la performance sportive, c’est l’esprit de camaraderie entre les deux marins qui a marqué cette édition. Tout au long de leur périple, Ferré et Le Turquais ont échangé messages et taquineries, entretenant une "bromance" teintée de compétition jusqu’aux derniers milles. Une rivalité exemplaire qui illustre toute la beauté du Vendée Globe : un combat contre les éléments, mais aussi une aventure humaine hors du commun.
À 34 ans, Benjamin Ferré a bouclé son premier Vendée Globe en larmes de joie, après une bataille acharnée avec Tanguy Le Turquais. Tout au long des 84 jours de course, ce dernier l’a poussé dans ses retranchements à bord de son IMOCA Lazare, un plan Finot/Conq de 2007. « Il est rentré dans ma tête » a reconnu Benjamin Ferré. « Il a l’expérience de ses années Figaro. Il mettait des décalages juste pour me faire douter. Tant que j’étais entre Tanguy et la ligne, ça allait. Mais à chaque fois, il faisait des décalages. Il savait que ça me faisait douter ! »
Tanguy Le Turquais a partagé le même ressenti. « Je n’aurais pas dit mieux, » déclarait-il, assis aux côtés de son rival lors de la conférence de presse. « Je le connaissais un petit peu avant de partir. J’avais surtout très envie de finir devant lui. » Plus tard, il a plaisanté sur sa plus grande frustration : « Il a vraiment progressé pendant le Vendée Globe, ses trajectoires se sont affinées, ses prises de risque. Et au bout d’un moment, je me suis dit que je n’allais pas l’avoir ! »
À 35 ans, Tanguy Le Turquais a annoncé que cette édition serait sa première et dernière participation au Vendée Globe. Mais il repart avec une expérience unique, façonnée par la relation particulière tissée avec Benjamin Ferré en mer. « Pendant trois mois, on a beaucoup échangé. C’était très particulier de créer une relation sans jamais se voir. On n’avait pas l’impression d’être en solitaire, mais plutôt de faire équipe face aux éléments. On naviguait dans les mêmes systèmes, alors on se comprenait. Ça a créé quelque chose d’exceptionnel », a-t-il expliqué.
De son côté, Benjamin Ferré a révélé avoir regardé de nombreux documentaires animaliers. Il a alors commencé à voir ses concurrents comme des animaux. Guirec Soudée, qui devrait terminer en 23e position à bord de Freelance.com, est devenu « un petit singe à qui on disait toujours 'Attention, ne fais pas ça c’est dangereux', mais qui y allait quand même ». Quant à Tanguy Le Turquais, après mûre réflexion, Ferré l’a finalement associé… à un kangourou.
« À moment donné, j’ai regardé un épisode sur les kangourous. En fait, les kangourous ils sont sympathiques, avenants, jovials, tu as envie de leur faire des câlins. Mais en fait ce sont des combattants de l’espace ! Et donc Tanguy c’était mon petit kangourou qui, avec ses petits sauts, voulait toujours se remettre à côté de moi. Et ça a duré le temps d’un Vendée Globe. »
Si le face-à-face entre Benjamin Ferré et Tanguy Le Turquais a captivé les observateurs, la course des IMOCA à dérives ne s’est pas limitée à leur duel. Jean Le Cam, mentor de Ferré et doyen de la flotte à 65 ans, a longtemps imposé son rythme, menant la catégorie jusqu’au passage du Cap Horn. Mais des vents trop faibles l’ont ensuite contraint à rétrograder, et il a finalement terminé à la 20e place à bord de Tout Commence en Finistère – Armor Lux.
D’autres skippers ont également dû composer avec les aléas de cette édition. Le Kiwi-américain Conrad Colman (MS Amlin) a franchi la ligne en 21e position, tandis que la benjamine de la course, la Française Violette Dorange (DeVenir), est toujours en mer, poursuivant son tour du monde.
Pendant ce temps, Ferré et Le Turquais ont mené un match race haletant dans la remontée de l’Atlantique, rythmé par des avaries majeures. Benjamin Ferré a bien cru son Vendée Globe terminé dans l’océan Indien lorsqu’une pièce de son vérin hydraulique a cédé. Il a ensuite dû faire face à la casse de deux taquets de drisse et à plusieurs pannes, mettant à l’épreuve ses talents de bricoleur, lui qui avoue ne pas être un expert en technique.
De son côté, Tanguy Le Turquais a dû réparer en urgence une cloison structurelle pour préserver son IMOCA et rester dans la course. Plus tôt, dans l’océan Austral, il a vécu un incident spectaculaire : la casse complète de toutes les lattes de sa grand-voile. Une mésaventure documentée dans une vidéo marquante, où l’on voit le skipper passer d’une colère froide au soulagement total, avant de s’atteler à des réparations de fortune.
Tanguy Le Turquais a pris du recul sur cette aventure, affirmant qu’elle avait redéfini sa perception de lui-même. « Ce que j’ai le plus découvert, c’est moi-même, mes capacités, mes limites. Je venais voir comment j’allais réagir quand j’étais dos au mur, seul. Quand on est seul, on n’a pas le choix de trouver des solutions. » a-t-il ajouté. « Je suis quelqu’un d’assez téméraire, je n’ai pas de limites. Avec ce Vendée Globe, j’ai l’impression de les avoir atteintes. »
Un sentiment partagé par Benjamin Ferré, qui admet avoir traversé des moments de doute. « Je suis naturellement joyeux et optimiste, mais les épreuves étaient bien réelles. Les larmes, les galères – tout y était. C’est aussi ça qui rend le Vendée Globe magique. »
Même une fois la ligne d’arrivée franchie, l’esprit de camaraderie entre les deux navigateurs est resté intact. Tanguy Le Turquais n’a pas tardé à taquiner Ferré sur son manque de compétences en bricolage. « Il ne sait même pas faire la différence entre un tournevis cruciforme et un tournevis plat ! » a-t-il plaisanté. « Moi, je suis super bricoleur, je suis mécanicien de formation. J’avais vraiment envie de le battre car c’est pas un mec qui débarque qui va m’apprendre à faire du bateau ! »
Benjamin Ferré a tenu à saluer celui qui a joué un rôle clé dans son parcours : Jean Le Cam. Il a révélé que le doyen de la flotte faisait partie des cinq personnes qu’il a appelées après avoir franchi le Cap Horn. « Il y a quatre ans, personne n’aurait imaginé que je ferais le Vendée Globe, mais Jean, lui, y croyait, » a-t-il confié. « Il m’a ouvert des portes, aidé à trouver des sponsors, partagé son savoir. Hier, face à Tanguy, j’étais à ma limite. Je me suis demandé : ‘Qu’est-ce que Jean me dirait ?’ Je me suis dit qu’il me dirait de naviguer comme si c’était le premier jour, d’être lent mais précis dans mes gestes. Alors, d’une certaine manière, une part de Jean a franchi la ligne avec moi. »
Pour Tanguy Le Turquais, ce Vendée Globe sera le seul et unique. « Pour moi, le Vendée Globe est une aventure unique – et elle doit le rester, » a-t-il déclaré. « Je ne serai pas de retour dans quatre ans. Ce que nous avons vécu pendant ces trois mois était hors du commun. Je n’ai pas envie de faire mieux. »
« Nous avons terminé la course. Combien d’autres ont essayé sans jamais y parvenir ? Ce Vendée Globe était une expérience unique dans une vie, et j’en suis incroyablement heureux d’y avoir participé, » a-t-il conclut.
Ed Gorman (traduit de l’anglais)
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