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On dit souvent en voile que les courses se gagnent à terre avant même que le bateau ou le skipper ne prenne la mer, et cela n’a jamais été aussi vrai que pour la préparation technique du Vendée Globe.

Dans seulement 40 jours, la mythique course en solitaire autour du monde s’élancera des Sables d’Olonne. Au-delà de l’épreuve de navigation et de course, le Vendée Globe représente un véritable défi pour les équipes à terre, qui doivent préparer méticuleusement à la fois le bateau et le skipper pour un périple de plusieurs semaines sans assistance.

Dans la classe IMOCA, la fiabilité est le maître mot. Ce terme, qui englobe la durabilité du bateau et de tous ses composants—qu’il s’agisse de la structure, du mât, du gréement, des systèmes ou de l’électronique— est fondamental pour garantir une performance optimale en mer.

À l'approche de la 10e édition du Vendée Globe, qui partira le 10 novembre, nous avons rencontré deux experts impliqués dans cette préparation. Ils partagent leurs méthodes pour affronter les rigueurs de cette compétition exigeante et s'assurer que chaque détail technique est sous contrôle.

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Simone Gaeta, directeur technique, est un pilier de l’équipe Teamwork-Team SNEF skippée par Justine Mettraux. Reconnu comme l’un des préparateurs les plus expérimentés de la Classe IMOCA, il a débuté sa carrière sur le Vendée Globe en 2004-2005 avec Sébastien Josse sur le bateau VMI, avant de collaborer avec des figures emblématiques comme Armel Le Cléac’h et Kojiro Shiraishi.

Pour Gaeta, la clé du succès réside dans la capacité à trouver des solutions simples face aux défis techniques. “La perfection, c’est lorsque nous avons éliminé tout ce qui est superflu,”explique-t-il. “Les solutions doivent être accessibles pour le bateau et Justine, sans compromettre la performance.”

Un des principaux enjeux techniques auxquels il a fait face avec Justine Mettraux a été le remplacement des foils de l’ancien Charal 1. Anticipant cette tâche, ils ont opté pour une approche proactive afin d’assurer une transition réussie. Depuis, l’équipe s’est concentrée sur le test des nouveaux foils et de l’ensemble électronique à bord de Teamwork-Team SNEF.

“Le bateau a été mis à l'eau en 2018 avec des foils de première génération,” détaille Gaeta. “Nous avons réussi à les changer l’année dernière, ce qui nous a permis de les tester et de bien comprendre leur fonctionnement avant le Vendée Globe. Nous avons également consacré beaucoup de temps à l’électronique, car la course en solitaire nécessite un équipement électronique fiable, et il est crucial d’être à l’aise avec tout ce que nous avons.”

 

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Une question cruciale pour les équipes à terre est celle des pièces de rechange à emporter. “Le véritable défi réside dans le choix des pièces,” souligne Simone Gaeta. “Vous ne pouvez pas transporter un second bateau, et certaines réparations peuvent être trop complexes. Il est donc essentiel de déterminer ce qui est réellement utile pour Justine et ce qui ne l'est pas.”

À l’opposé de l’expérience de Simone Gaeta, Vittoria Ripa Di Meana aborde son premier Vendée Globe au sein de l’équipe de Sam Davies sur Initiatives-Coeur. En tant que responsable du mât, du gréement et d'une partie de l'accastillage, elle adopte une approche pragmatique.

“Notre philosophie dépend beaucoup de nos objectifs pour le Vendée Globe,”explique Vittoria. “Nous nous efforçons de ne pas compliquer les choses qui peuvent rester simples. Notre priorité est donc de simplifier, de limiter les coûts et de passer plus de temps à naviguer qu’à terre à peaufiner des détails.”

L’objectif ultime des équipes engagées dans le Vendée Globe est ce mot magique : fiabilité. “Notre philosophie est que, une fois qu’un système fonctionne, il doit continuer à fonctionner,” explique Vittoria Ripa Di Meana. “Cela nous a beaucoup aidés au cours des deux dernières années et demie. Nous avons expérimenté, et lorsque quelque chose fonctionne, nous passons à autre chose, en nous concentrant sur les problèmes restants. Aujourd'hui, nous avons un bateau suffisamment fiable pour que nous puissions lui faire confiance. Cela permet également au skipper d’avoir confiance en son bateau et de le pousser à des vitesses de plus en plus élevées.”

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Ripa Di Meana souligne également que le temps joue un rôle essentiel dans l’usure des équipements à bord. “Dans l’IMOCA, ce qui casse est souvent lié à l’usure due au temps. C’est une question de nombre de milles parcourus,” indique-t-elle. “Nous essayons donc d’évaluer la durabilité de chaque élément sur le bateau. Combien de temps peuvent-ils durer ? Actuellement, nous réfléchissons aux pièces de rechange nécessaires.”

En matière de pièces de rechange—qu’il s’agisse de bouts, de pièces mécaniques pour le moteur, de composants électroniques ou de matériaux de réparation pour les voiles et la coque—Ripa Di Meana souligne l'importance de faire des choix stratégiques. “Chaque département tient des données sur les éléments qui se cassent le plus fréquemment. Ainsi, nous savons quelles pièces de rechange sont indispensables, celles qui ne nécessitent même pas de discussion,” précise-t-elle. Un exemple emblématique est la descente du foil, utilisée pour contrôler sa position, qui est particulièrement vulnérable à l’usure et pour laquelle des pièces de rechange sont essentielles.

 

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Une part essentielle du travail de Vittoria Ripa Di Meana et Simone Gaeta consiste à préparer leur skipper pour d’éventuelles réparations en mer. Cela inclut la familiarisation avec chaque élément à bord et la compréhension des problèmes potentiels ainsi que des solutions possibles. “Oui, nous faisons cela,” confirme Gaeta. “Justine a réussi à consacrer du temps à cette préparation, en travaillant avec l’équipe pour mieux connaître le bateau et envisager ce qu’elle pourrait faire si un problème survenait.”

Cependant, Ripa Di Meana souligne que cette préparation technique s'ajoute à de nombreux autres aspects de la campagne de Sam Davies. “Nous essayons de maximiser ce temps,”dit-elle. “Nous établissons des procédures pour les situations qui nous préoccupent le plus, même si cela ne concerne que notre équipe à terre. Cela nous permet de savoir que nous avons déjà réfléchi à ces scénarios et que, si un problème se présente et qu’elle se réveille en pleine nuit, nous serons en mesure de lui répondre.”

Ripa Di Meana souligne également que Davies est l'une des skippers les plus expérimentées de l’IMOCA. Avec son parcours en ingénierie, elle a eu de nombreuses occasions de se familiariser avec la gestion des situations de course. “Elle a navigué intensivement ces deux dernières années sur ce bateau, elle a donc acquis une précieuse expérience en mer,” précise-t-elle.

Travailler dans une équipe à terre pendant une campagne de Vendée Globe comporte également son lot de stress. Une fois la course lancée, l’équipe reste sur la terre ferme, espérant que leur travail résistera à l'épreuve. “Pour moi, la partie la plus stressante est durant les courses,” confie Ripa Di Meana. “Si vous n’avez pas de nouvelles du bateau, cela pourrait être bon signe, mais vous êtes dans l’angoisse de ne pas savoir ce qui se passe. Et quand un message arrive, vous espérez souvent qu’il ne concerne pas un problème !”

 

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Simone Gaeta partage les mêmes sentiments. “Je pense que je vais ressentir un certain stress,” admet-il. “Je vais probablement vérifier la météo en continu. Pour nous, un problème à bord n'est pas nécessairement un mauvais signe, mais cela reste un moment intense. Nous devons alors chercher des solutions et rester en contact avec le skipper pour trouver le meilleur moyen de résoudre les problèmes et avancer, qu’il fasse jour ou nuit.”

De son côté, Vittoria Ripa Di Meana aborde le quatrième Vendée Globe de Sam Davies avec une touche de superstition. “Nous espérons qu'elle montera sur le podium,”déclare-t-elle. “C’est évident, elle navigue mieux que jamais. Cependant, la réalité d'une telle course est que vous devez être fier de votre performance au départ, et ensuite, tout dépend de ce qui se passe sur l’eau…”

 

Ed Gorman (traduit de l'anglais)