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La question de savoir comment les marins du Vendée Globe appréhendent l'ennui est presque ignorée de nos jours. En effet, on se concentre davantage sur la compétition, mais chacun des skippers doit quand même affronter près de trois mois de solitude et cela n'est pas si facile.

Le navigateur français Maxime Sorel, skipper de V and B-Mayenne, s’est classé 10e. Il révèle une technique intéressante utilisée pour éviter de subir l’ennui et a solitude, mise en oeuvre dès la première partie de son voyage qui a pourtant duré 82 jours et 14 heures.

Cet ingénieur de 34 ans, spécialisé en génie civil et maritime, basé à Concarneau en Bretagne, explique qu'il a tout simplement écrit. « J'ai rapidement résolu le problème de l'ennui »,déclare-t-il à la Classe IMOCA. « Durant la descente de l’Atlantique Sud, j’ai écrit pour répondre à mes questions, couché sur le papier ce que je ressentais et trouvé le moyen de penser aux choses différemment. »

La technique a bien fonctionné car, à partir de ce moment-là, le temps s’est écoulé plutôt rapidement pour le jeune skipper qui a notamment remporté la Transat Jacques Vabre 2017 en Class 40 avant de s’engager sur ce Vendée Globe, plus intéressé par le défi sportif que l’introspection.

« Je savais au départ que je ne faisais pas le Vendée Globe pour aller chercher cette solitude mais bien pour la compétition », poursuit-il. « Et je fais partie de ceux qui trouvent que c’est génial de pouvoir échanger avec ceux qui nous soutiennent à terre. »

Vg2020 20210130 vandb finishjml 5281b haute dfinition vi© Jean-Marie Liot/Alea

Maxime entretient une relation de longue date avec son co-sponsor, le détaillant français de bières, vins et spiritueux V and B, et il s'est notamment entretenu régulièrement avec le personnel de l'entreprise pendant son tour du monde. Jean-Pierre Derouet, co-fondateur de l'entreprise, a fait le tour des 230 magasins en France pendant la course, et a parié avec Maxime qu'il terminerait avant que son marin ne rentre aux Sables d’Olonne. Mr Derouet n'a pas tout à fait réussi à battre Maxime, qui a parcouru 28 000 milles en mer un tout petit peu plus vite que lui. « Je serai d’ailleurs en Mayenne ce vendredi pour partager la fin du périple avec eux »,confie Maxime depuis Les Sables d’Olonne.

Le skipper a adoré sa course, même s'il a dû faire face à quelques signes de problèmes structurels sur son bateau. En effet, l’IMOCA de 2007 a des similitudes avec le PRB de Kevin Escoffier, et le passé de ce bateau est mouvementé, puisqu'il a dû abandonner trois Vendée Globe et une Barcelona World Race.

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Mais le skipper de V and B-Mayenne se projette déjà sur le prochain projet avec l’intention de se doter d’un foiler plus moderne pour l’édition 2024 et il y a travaillé même pendant sa course. « J’ai déjà avancé sur la suite »,confirme-t-il. « J'ai travaillé sur les budgets et organisé déjà à des réunions. L'idée est d'aller un peu plus loin et de continuer à grandir, avec un autre bateau, une équipe plus grande, et un projet encore plus axé sur la compétition. Notre objectif est d’être sur la Transat Jacques Vabre (24 octobre) avec un autre bateau ».

Avant le départ du Vendée Globe, Maxime confiait également avoir découvert il y a peu ce que signifiait vraiment "sans assistance et sans escale". Nous lui avons donc demandé comment sa vision de ces deux défis avait évolué durant ces semaines passées en mer.

Vg2020 20210131 sorel backstage5832b 1 haute dfinition vi© Bernard Le Bars/Alea

Il a alors répondu de deux façons. « D’abord l’aspect sportif et technique où cela a été encore plus compliqué que ce que j’imaginais. C’est-à-dire que si tu n’as pas tout pensé avant le départ et que si tu n’as pas une équipe qui connait ton bateau par cœur, la moindre galère devient vraiment compliquée à gérer. Et au quotidien, pour veiller sur le bateau, il faut une méthodologie très précise pour ne rien laisser passer. »

Puis, sur le plan plus personnel, Maxime parle d’un voyage presque irréel et évoque ce désir de s'arrêter, de faire escale, par curiosité surtout. « J’ai fait le tour du monde, c’est vrai, mais je n’ai vu que de l’eau, à part un caillou près de l’Ile Macquarie (sud de la Nouvelle-Zélande), mais sinon aucune côte. Alors que je me disais dans ma tête, que je passais près d’ethnies incroyables, de grandes villes, et finalement, c’est assez bizarre, tu as l’impression d’être sur un simulateur parfois, et je me disais que j’aurais bien envie de le faire avec escales ! »

Vg2020 20201220 sorel photo3162b haute dfinition vi© © Maxime Sorel / VandB - Mayenne

Le marin a délivré une course très solide à bord de son ‘vieux’ VPLP-Verdier de 2007, sans foils. Il confie également qu’il s'attendait à ce que Benjamin Dutreux (OMIA-Water Family) et Damien Seguin (Groupe APICIL) soient rapides avec leurs IMOCA légèrement plus puissants mais il a tout de même été surpris par leurs performances et le différentiel de vitesse. Malgré cela, il dit avoir maintenu le rythme et conservé un écart qui ne s’est jamais trop creusé.

Pour lui, le top 10 était l'objectif et il l'a atteint, malgré une fin de course éprouvante, alors qu’il régatait avec une puissante dépression dans l’Atlantique Nord. « Ma carrière se construit, année après année »,explique-t-il. « Quand on prend la mer, avec le plateau de rêve au départ, on se dit que le top 10 est difficile, mais on sait aussi qu’il y aura des abandons et là, cette année, il y en a eu peu, donc je suis d’autant plus heureux du résultat. »

Après la casse de PRB, Maxime Sorel révèle que son équipe et lui étaient sur le pied de guerre, et le skipper effectuait régulièrement des inspections détaillées de son bateau pour vérifier les dommages potentiels. C'est au cours de l'une de ces inspections, après avoir passé le Cap Horn, qu'il a repéré une petite fissure sur le pont. Il a immédiatement entrepris une réparation sur les conseils des architectes. Mais il y a ensuite pensé jusqu'à l'arrivée.

Vg2020 20210130 vandb finishjml 5300b haute dfinition vi© Jean-Marie Liot/Alea

« J'ai fait un véritable contre-la-montre pour passer devant la dépression dans le golfe de Gascogne et la réparation a tenu »,déclare-t-il. « Voilà, mon bateau est au port maintenant, il y a un peu de travail dessus et c'est normal après un tour du monde mais il va bien ».

Enfin, le retour aux Sables d’Olonne a dépassé ses attentes. « Je ne pensais qu’il y aurait autant de monde compte tenu de la situation actuelle. C’était aussi bon de retrouver la famille. Mon frère gère le projet avec mon père et cette fois-ci ma mère a aussi joué un rôle pour me donner des nouvelles régulièrement à bord. Je suis content d’être rentré et de travailler à fond pour la suite de notre projet. »

Ed Gorman (traduit de l'Anglais)