200712 2

Après avoir passé le waypoint Gallimard, Fabrice Amedeo n'a pas pu s'empêcher de "prendre la plume".

Je suis parti des Sables d’Olonne plein de bonnes intentions et notamment avec celle d’écrire un journal de bord pour partager ce bonheur d’être seul au large, loin du monde habité, au contact du monde, le vrai, celui de cette nature sauvage et envoûtante que l’on trouve sur les océans. Mais la régate a vite pris le dessus. Ma trajectoire, mon réglage de voile d’avant, le vent monte, il faut choquer, vite me reposer quelques instants. Ces moments trempés à vivre à quatre pattes comme un chien quand le bateau avance à plus de 20 nœuds sur une mer démontée au large de l’Irlande, le royaume des dépressions, même l’été. L’imagination et l’inspiration ont fondu au contact du feu de la compétition qui brûlait en moi.

Mais je ne pouvais passer le wayoint Gallimard sans tenter de prendre quelques instants ma plume malgré la fatigue et l’intensité de la régate. La route est encore longue mais je reviens vers vous avec la rétine emplie de ces éclairages bleus des latitudes septentrionales, ce gris de la mer en Irlande, ce rouge du lever de soleil avant-hier, là au milieu de nulle part, où la nuit est encore si courte. Et depuis quelques heures, une nouvelle vibration en moi : ce bonheur absolu vécu cette nuit. La mer était plate. Le vent à la meilleure allure pour aller vite. Et voilà que nous avons déboulé des heures durant à 20 nœuds. Ivresse de la vitesse mais aussi sentiment de voler sur les flots, de courir sur les eaux.

J’avais déjà vécu de tels moments à bord de mon Newrest - Art & Fenêtres, mais à 118 jours du Vendée Globe, cette nuit prend un sens tout particulier. C’est pour de tels moments que je pars et que je me prépare depuis trois ans. Naviguer à grande vitesse dans les mers du Sud. En avant des dépressions, quand le vent sera déjà là mais l’océan encore lisse. Là-bas, aucune limite, aucune restriction : tout donner pour ressentir cette jouissance extatique en moi, cette puissance dans les entrailles de mon compagnon de carbone. Cette page est à écrire, il me reste quelques mois pour être au rendez-vous.

Fabrice

Newrest – Art & Fenêtres