C’est décidément bien là l’histoire de ce Vendée Globe 9ème du nom, l’éternel recommencement d’un scenario qui voit systématiquement l’arrière revenir sur les leaders.

Ces derniers, toujours emmenés par Charlie Dalin, fantasmaient depuis le début de la semaine sur une jonction parfaite entre l’alizé et les dépressions en circulation dans l’Ouest des Açores. Cette transition idéale pour mettre franchement le cap vers la Vendée et les Sables d’Olonne va pourtant mettre un peu de temps avant de se réaliser, suffisamment pour permettre à la queue du gruppetto de recoller de nouveau aux marins à qui les lauriers Sablais semblaient hier encore promis.

Une main dans le dos
 
Et l’on ne vous parle pas là du jeu des bonifications plus que jamais passible de bouleverser une hiérarchie d’arrivée encore si imprévisible ! Dans ce concert d’incertitudes, Thomas Ruyant, parti sur ce tour du monde avec pour ambition suprême de jouer les premiers rôles, tient dans cette adversité que l’on connait, parfaitement son objectif. Il ferraille toujours et encore en avant garde, une main attachée dans le dos, face aux fines lames de l’épreuve. Loin de subir ce si accablant handicap bâbord, le petit lion Dunkerquois continue de rugir, de batailler, de refuser l’abdication. Il tient pour l’heure la dragée haute à ses concurrents les plus proches, calés sur la même trajectoire dans le débordement de l’anticyclone en déplacement vers Madère. Il ne peut en revanche contrôler deux électrons libres, Louis Burton parti loin dans l’Ouest privilégier la vitesse dans un large crochet qui lui permet de conserver de la pression, et en son Sud Est Damien Seguin, sur une philosophie totalement opposée, qui tente de couper le fromage en pariant sur l’évacuation rapide des zones de calmes. Pour tous, ça sent l’écurie, et à l’impatience d’en finir, s’ajoute une farouche volonté de jeter jusqu’au dernier mille ses dernières forces, et d’entretenir ainsi jusqu’à mercredi prochain le suspens final.
 
Mercredi aux Sables ?
 
« Depuis que j’ai cassé mon foil lors de la descente de l’Atlantique, je n’ai dû avoir que 25 % d’allure favorable sur mon seul foil valide. »Toute la frustration de Thomas Ruyant s’exprime en cette simple sentence. Le skipper de LinkedOut se montre pourtant incapable de la moindre résignation. Ne pas pouvoir régater à armes égales décuple sa rage, son envie de défier toujours et encore un sort si peu favorable. « Je n’aurai aucun regret en franchissant la ligne »affirme-t’il au moment d’aborder ce matin le délicat contournement de l’anticyclone de Madère. « Je soigne aujourd’hui mes trajectoires. C’est dur de voir à chaque classement revenir les concurrents et de les savoir plus rapides. Je prends une claque à chaque relevé ! »Vous avez dit « compétiteur » ? La menace est partout sur le plan d’eau. « On va vivre une arrivée groupée, c’est sûr ! »Ruyant acceptera quoi qu’il arrive le verdict des classements. « Je vois les vainqueurs aux Sables mercredi 27 janvier prochain, et moi dans la nuit du 27 au 28 » précise-t’il. « Je n’aurai aucun regret. Il me reste peut-être 24 heures de bâbord amures en route vers les Açores. Avec le ralentissement du jour, les différentiels de vitesse avec mes concurrents vont se lisser. Le rush final se fera au portant vmg. Dans toutes ces configurations, je vais tout donner, et advienne que pourra ! Il est temps d’arriver. Je vois de plus en plus l’usure et la fatigue du bateau. Des petits points de rouille et des algues qui apparaissent ça et là. De nouveaux petits bruits aussi. On réalise ainsi le chemin parcouru, le rythme qu’on a tenu et l’incroyable dureté de ce tour du monde. Question avitaillement, je commence aussi à me lasser du lyophilisé. Vivement du frais ! »

Source TR Racing team