Charal

Jérémie Beyou (Charal) a pris la tête ce mardi après avoir choisi de contourner par l’ouest la dépression qui a secoué toute la nuit une bonne partie de la flotte. Engagé sur la même route, Charlie Dalin (Apivia) est 2e, tandis que Thomas Ruyant (LinkedOut), leader encore lundi, n’a pas été payé de son pari plein nord (3e). Kevin Escoffier, contraint à bricoler, a cédé du terrain.

La deuxième dépression, que la flotte de la Vendée – Arctique – Les Sables d’Olonne a affrontée hier, recelait une part de vérité. Encore fallait-il trouver où elle se cachait. Leader encore lundi, Thomas Ruyant a bien cru la voir, cette vérité, tout là-haut, par le nord. Du vent, de la vitesse, un putatif passage à niveau à traverser… C’était tentant. Dans la nuit tempétueuse, le skipper de LinkedOut a bien cru pouvoir tirer un net bénéfice de son audace – le jeu en valait la chandelle - mais, au bout de ce long souffle de 30 nœuds, avec rafales à 35 nœuds, veillait une dorsale garde-barrière qui sanctionna le Nordiste.

Jérémie Beyou et Charlie Dalin ont joué le confort du contournement de dépression à très grande vitesse - le CDTGV – et ont émergé en tête. Ce matin, le skipper de Charal devant, le solitaire d’Apivia pas loin derrière. Ce dernier raconte les conditions de navigation, remplit son carnet de contrôle continu en ce jour de résultats du baccalauréat, et se dit prêt à tout : « On a rencontré une fois encore du vent fort cette nuit. La mer est cabossée et les changements de direction de vent successifs nous donnent une mer croisée. Mes concurrents étaient rapprochés, mais on commence à prendre des options différentes. On verra celle qui paiera le mieux dans quelques jours. Je ne me débrouille pas trop mal pour une première en solitaire, pourvu que ça dure ! APIVIA tape tout le temps, il n’y a pas vraiment d’allure confortable où l’on peut être au calme, d’autant plus quand la mer est formée. Mais ça fait partie du job. Avec la vitesse vient l’inconfort, et je suis prêt à en payer le prix si c’est pour aller plus vite ». 

 Kevin Escoffier cède du terrain

Collé au trio d’IMOCA flambant neuf, Kevin Escoffier, 4e hier, a cédé du terrain ce mardi matin. Dans le tout petit vent de la dorsale, le skipper de PRB a ralenti, freiné, stoppé, jusqu’à se laisser glisser en marche arrière (à la vitesse de 9 nœuds, quand même). Contrairement aux premiers échos de pontons, ce tonique Moonwalk n’avait aucun lien avec la « Fisherman’s nap », la fameuse sieste du pêcheur qui parfois engonce le marin dans l’oreiller, mais plutôt avec un souci technique assez sensible : le décollement de cloison de barre d’écoute. Le skipper de PRB a pris le temps d’affaler la grand-voile par deux fois en peu de temps (ce qui induit deux renvois de GV) pour opérer sa grand-voile trouée depuis la veille et partiellement réparer sa cloison de barre d’écoute. Une nouvelle session de bricolage devra avoir lieu lors de la prochaine accalmie. 

Montant en puissance au fil des heures, Boris Herrmann (Seaexplorer – Yacht Club de Monaco) s’est emparé de la quatrième place devant Isabelle Joschke (MACSF), malmenée mais solide dans la tempête, hier, et devant Samantha Davies (Initiatives Cœur) qui, elle aussi, rehausse ses performances au fil des heures de navigation. 7e, Kevin Escoffier (PRB) s’est intercalé entre la skipper britannique et Clarisse Crémer (Banque Populaire X), désormais 8e. Oui, il faudra compter avec ce trio féminin lors du Vendée Globe !

 Qui va piano va Unesco

La sortie de la dépression des leaders, puis le franchissement de la dorsale et de ses vents calmes a créé un break, entre les trois leaders et le reste de la flotte. Il n’est pas manifeste, Boris Herrmann ne comptant que 35,9 milles de déficit sur Jérémie Beyou, mais une petite scission s’est bel et bien creusée. Jusqu’à quand ? Des vents faibles vont s’imposer, qui vont contraindre les trois premiers à effectuer probablement un grand arc de cercle par l’ouest pour rejoindre à petite vitesse la bouée COI-Unesco, située au 62°N 25W, dans le sud-ouest de l’Islande. Les vents seront faibles aussi pour les poursuivants, mais leur trajectoire pourrait être plus directe. Est-ce que cela rebattra les cartes ? Ce n’est pas certain. Mais l’enchaînement des situations météo, qui ne cesse depuis le départ des Sables d’Olonne, samedi, n’a pas fini de jouer des tours à la flotte.

ILS ONT DIT

Isabelle Joschke (MACSF), 5e : « Je ne m’attendais clairement pas à ça. C’est hyper chouette et, en même temps, ce n’est pas simple. Je suis aussi surprise par ma 5e place provisoire. Ça a été hyper éprouvant la dernière nuit, c’était impressionnant. J’ai même décidé de lever le pied parce que c’était invivable. Sur l’eau, il y avait quelque chose d’assez indescriptible. Le bateau allait trop vite pour moi, je ne supportais plus d’être à bord. Ça n’a pas duré très longtemps, ça s’est radouci. Heureusement, parce que je me demandais comment j’aurais pu faire pour tenir aussi longtemps. Quelque chose s’est joué dans ma navigation d’entraînement en janvier et février, au cœur de l’hiver. Je suis partie toute seule, j’ai engrangé énormément d’expérience, et c’est clair que je ne saurais pas tenir ce rythme sans cette expérience ».

Maxime Sorel (V and B – Mayenne),10e : « Les 24 premières heures, je l’ai joué safe, pour ne pas abîmer le bateau, la mer était cassante. J’ai tenu le rythme, un peu décroché par les copains de devant. Depuis deux jours, j’ai renvoyé de la toile et « tactiqué » en mer d’Irlande, ce qui a un peu payé. La mer est moins cassante, c’est plus sécurisant. Dans la mer, le bateau a à peine le temps de retomber qu’il s’envole à nouveau. Je commence à remettre du charbon dans la machine. Il y a beaucoup de foilers qui vont vite, je ne suis pas mécontent d’être dans le coup ». 

Armel Tripon (L’Occitane en Provence), abandon (fissures de lisses dans l’étrave) : « Le moral est bon, il est reparti à la hausse. La déception est passée, il faut aller de l’avant. La vue de ce bateau blessé, l’abandon, le devoir de faire demi-tour et remonter un plan de bataille, c’est le lot de ce genre de projet ambitieux avec un départ sur un bateau neuf. On a encore le temps de bien faire les choses, ce n’est pas mal. Ce n’est pas le bruit qui m’a alerté : il y en a tout le temps. Je fais des tours de garde permanent autour de la zone qui a été abîmée courant juin (l’étrave), et j’ai constaté la présence de ces fissures. Au petit matin, j’ai vu ces deux lisses fissurées de manière assez nette. On avait prévu un chantier conséquent, de manière à renforcer le bateau dans sa globalité – tous les bateaux neufs renforcent leur fond de coque -, et ces premières navigations montrent qu’on découvre, avec le vol, des forces qu’on ne connaissait pas. Nous sommes des précurseurs. Tout le monde avance pas à pas. Je rentre à la Trinité-sur-mer, l’équipe m’attend avec la même énergie, la même envie (que fin juin, pour une réparation express, ndlr). On part sur un chantier de quatre semaines, minimum, pour repartir fin août pour aller chercher la qualification pour le Vendée Globe ».

Classement du mardi 7 juillet (16h00 HF)

17 skippers en course

1 – Jérémie Beyou (Charal) à 2757, 4 milles de l’arrivée
2 – Charlie Dalin (Apivia) à 11,7 milles du leader
3 – Thomas Ruyant (LinkedOut) 24,7 milles du leader
4 – Boris Herrmann (Seaexplorer – Yacht Club de Monaco) à 35,9 milles du leader
5 - Isabelle Joschke (MACSF) à 47,1 milles du leader
6 - Sam Davies (Initiatives Cœur) à 53,3 milles du leader
7 – Kevin Escoffier (PRB) à 68,8 milles du leader
8 - Clarisse Crémer (Banque Populaire X) à 81,0 milles du leader
9 – Yannick Bestaven (Maître-CoQ) à 85,0 milles du leader
10 Maxime Sorel (V and B – Mayenne) à 92,1 milles du leader

Abandons : Armel Tripon (L’Occitane en Provence), Damien Seguin (Groupe APICIL), Sébastien Simon (ARKEA – PAPREC)