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Sans aucun abandon, portée par une flotte de 18 IMOCA au coude-à-coude et des vitesses flirtant avec les records, la Classe IMOCA a offert un final de saison d’une intensité remarquable sur la Transat Café L’OR.

Par ailleurs, la grande classique en double entre Le Havre et la Martinique a sacré un vainqueur incontestable avec Charal, tout en révélant une diversité marquante : des marins non-français à bord de cinq des six premiers IMOCA, cinq navigarices dans le top 8, et un top 4 composé de foilers issus de quatre architectes différents.

Pour Antoine Mermod, président de la Classe IMOCA, cette édition restera comme « un très bel événement », porté par un village départ particulièrement animé au Havre et un village d’arrivée tout aussi chaleureux à Fort-de-France, en Martinique.

Entre les deux, les meilleurs marins de la Classe ont affronté un beau panel de conditions météorologiques sur 5 500 milles d’une course océanique intense, bouclée en 12 à 20 jours, et arrivée samedi dernier.

« Nous avons tout eu : du près et du vent fort dans la Manche, typiques d’une fin d'octobre, »décrit Antoine Mermod. « Puis, une phase de course assez complexe et tactique, avec du petit temps dans le golfe de Gascogne et un regroupement aux abords des Canaries. Ensuite, un long run dans les alizés, avec des vitesses rarement observées auparavant à ce cap. C’était incroyable. »

Mermod s’est d'ailleurs réjoui de voir les 18 bateaux franchir la ligne d'arrivée de l’épreuve, confirmant une tendance de fond : la fiabilité grandissante de la flotte, déjà perceptible lors du dernier Vendée Globe. « Le niveau de fiabilité en IMOCA est aujourd’hui le résultat du travail de tous : des fournisseurs, des architectes, et d'un coefficient de sécurité adapté à ce pour quoi les bateaux sont conçus. Cela tient aussi à la qualité des équipes techniques qui connaissent parfaitement leurs bateaux et maîtrisent les exigences de ce type de course. Et puis les skippers : ils naviguent extrêmement bien, savent gérer le gros temps, anticiper, aller vite et naviguer proprement. »

Jérémie Beyou et Morgan Lagravière, à bord de Charal, ont été des vainqueurs exemplaires, portés par une démonstration éclatante de vitesse au portant qui les a menés à couper la ligne après seulement 11 jours, 19 heures et 45 minutes. Les deux hommes ont avalé 5 467 milles à la moyenne impressionnante de 19,3 nœuds.

« Ils ont été de très grands vainqueurs, car ils avaient parfaitement préparé cette course », souligne Antoine Mermod. « Ils ont réussi à faire progresser le bateau par rapport à l’an dernier comme par rapport à l’édition précédente. Et le duo Jérémie - Morgan a manifestement très bien fonctionné. Ils étaient focalisés sur la victoire et ont su performer ensemble, peut-être mieux que leurs adversaires. »

Un autre duo s'est également distingué : l’Italo-Américaine Francesca Clapcich et le Britannique Will Harris, sur 11th Hour Racing (anciennement Team Malizia). Leur deuxième place constitue le meilleur résultat féminin en IMOCA depuis 20 ans. « Le bateau est rapide, c’est une très bonne machine, et là encore, les deux skippers ont parfaitement travaillé ensemble. Ils étaient prêts, et c’est un résultat fantastique, notamment pour Francesca, qui débute avec ce bateau : difficile d’imaginer meilleur départ. »

Le fait que Charal soit le seul bateau 100 % français dans le top-6, en termes de nationalité des skippers, illustre à quel point la course au large en IMOCA n’est désormais plus un territoire exclusivement tricolore. « C’est très remarquable, » note Antoine Mermod, fervent défenseur de l’internationalisation de la Classe, « et cela montre que cette ouverture devient une réalité. »

Autre motif de satisfaction : la forte présence féminine, avec cinq femmes dans le top 8 : Justine Mettraux, Sam Davies, Violette Dorange et Élodie Bonafous et Francesca Clapcich. « C’est très positif, et prometteur pour l’avenir », se réjouit-il.

Sur les pontons de Fort-de-France, les conversations allaient bien sûr bon train autour de la vitesse de Charal, offrant à Morgan Lagravière une troisième victoire consécutive sur l’épreuve en IMOCA.

Nicolas Andrieu, directeur du bureau d’etude et responsable technique chez Beyou Racing, explique que ces performances en nette hausse s’expliquent en partie par un jeu de voiles renouvelé notamment le grand J0, et par une gestion du mât optimisée.À l’inverse, les appendices du foiler signé Sam Manuard n’ont pas évolué depuis dix-huit mois.

Au-delà des voiles, l’élément déterminant a été le temps passer à barrer le bateau manuellement dans les alizées. « La plupart du temps, le pilote automatique est très efficace, mais au VMG, si l’on veut tenir une route rectiligne, il faut anticiper énormément les vagues, l’angle de gîte… » explique Andrieu. « Aussi sophistiqués soient-ils, les pilotes ne voient pas ce qui arrive devant. Un skipper, si. C’est toute la différence. »

Et comme les principaux concurrents barraient eux aussi dans les alizés, d’autres paramètres ont fait la différence, à commencer par la complémentarité exceptionnelle du duo Beyou - Lagravière. Selon Andrieu, ils ont su repousser les limites d’un bateau pourtant étudié, affiné et optimisé depuis plusieurs années au même niveau que ses rivaux.

« Ils ont dépassé toutes nos courbes de performance, »résume Nicolas Andrieu. « Nous allons devoir les mettre à jour, car il y a peut-être encore du potentiel. Ils ont vraiment été excellents : ils ont explosé tous les polaires que nous avions jusqu’ici. »

Comment ont-ils fait ? « Ce sont deux marins talentueux, et ils avaient parfaitement saisi l’importance des alizés et de l’engagement nécessaire à la barre pour atteindre ces vitesses. Toute leur préparation s’est concentrée là-dessus. »

« Morgan connaît un immense succès, avec trois victoires consécutives sur cette course, » poursuit-il. « Mais il est aussi arrivé au moment où le bateau était optimisé, et ce qu’il a apporté, c’est son expérience de barreur et de ces deux dernières victoires. »

Après plusieurs années ponctuées de top cinq sur les IMOCA Globe Series, Nicolas Andrieu savoure pleinement de voir son équipe enfin récompensée.

« On était excités de les suivre, et je dois dire que je suis très fier de l’équipe. À Beyou Racing, cela fait quatre ans que nous investissons dans un groupe solide et dans une ingénierie de haut niveau. C’est extrêmement satisfaisant de voir que cela paie enfin. Il y a aussi de la fierté : la machine que nous avons conçue et optimisée a enfin livré tout ce que nous espérions. »

Ed Gorman (traduit de l'anglais)