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Nous savions que cette transat s’annonçait lente mais l’entame de cette 15e édition s’avère une véritable épreuve de navigation dans le tout petit temps.

Partis dimanche, les 21 équipages IMOCA en course se battent pour traverser le Golfe de Gascogne en direction du Cap Finisterre… sur une mer d’huile.

Après s’être élancée avec une brise de nord-ouest dimanche, la flotte a vu le vent s’évanouir dans l'ouest de Cherbourg, alors que les premiers tentaient de gagner sur la route face à une puissante marrée contraire. Depuis, c'est une grande bataille au ralenti.

Les deux faits marquants de ce début de course ont été le démâtage de Bureau Vallée, qui a mis un terme brutal à la course de Louis Burton et Davy Beaudart dès la première nuit, et la domination précoce d'APIVIA, skippé par Charlie Dalin et Paul Meilhat.

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A l’heure actuelle, les perspectives à long terme pour les skippers ne s'annoncent pas du tout faciles. Ils devraient bénéficier d'un passage assez rapide le long de la côte espagnole pour contourner le Cap Finisterre mais le vent recommencera à faiblir le long de la côte portugaise.

"Les conditions seront très légères à l'ouest de Gibraltar - ce sera principalement du vent portant mais pas très rapide",explique Christian Dumard, consultant météo officiel de la Transat Jacques Vabre. "Je dirais qu'il n'y aura pas de grandes options sur cette phase mais beaucoup de petites – afin de bien positionner son bateau plus ou moins dans l’ouest, en fonction du timing."

Dans l'ensemble, cette première partie de transat s'annonce très usante, avec de nombreuses manœuvres, des réglages constants, une vigilance à l'égard des conditions locales et des changements d'angle et de vitesse du vent permanents, le tout avec la pression d'éviter à tout prix les zones de calmes plats.

L’Anglaise Miranda Merron, concurrente du dernier Vendée Globe, ne participe pas à cette course mais l’observe en coulisses. Selon elle, ces quelques jours seront tout simplement épuisants pour les équipages. "Tout le monde pense que les petits airs ne sont que du plaisir, mais c'est en fait un travail incroyablement usant. Tout le monde sera bientôt très fatigué",confie-t-elle.

"Le côté positif, c'est qu'il n'y a pas de mal de mer (sourire) et que, d'un point de vue du matériel, il y aura moins de casse. Néanmoins, dans ces conditions, il faut être au top tout le temps. Quand vous ne réglez pas, vous devez dormir, et j'imagine que tout le monde étudie aussi la météo avec beaucoup d'attention, probablement plus que s'il s'agissait d’aborder une dépression", ajoute-t-elle.

Ce qui est d'ores et déjà très clair, c'est qu’aucune des équipes n'a choisi l’option l'ouest après Brest, l'instinct grégaire leur dictant de prendre la route la plus ‘douce’ vers le sud et les alizés (même s’ils s’annoncent faibles).

Christian Dumard explique que cela est dû à l'incertitude du mouvement de la très grande dépression qui est étendue dans l'Atlantique. C'est elle qui pourrait ouvrir la trajectoire vers l'ouest mais il y a également le risque qu'une grande étendue sans vent s'ouvre une fois que cette dépression se sera évacuée vers l'est.

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"Je pense que le problème avec l'option occidentale est que chaque jour, vous avez un itinéraire qui semble favorable, mais si vous l'examinez plus en détail, vous voyez que le scénario est incertain", explique le météorologue, "vous pourriez gagner un peu mais perdre beaucoup (de ce côté du parcours)".

Selon Christian, ce type de temps pour le début d'une Transat Jacques Vabre ou d'une Route du Rhum est très inhabituel mais, pour cette période de l'année, cela n’est pas sans précédent. "Si vous regardez les statistiques, ce n'est pas le type de situation auquel vous vous attendez la plupart du temps",poursuit-il. "Mais cela arrive - ce n'est pas la première fois que cela se produit - parfois en novembre nous avons de belles conditions météo".

Il affirme aussi que la course a été plus lente que ce qu'il avait imaginé. "Je dirais que cela va prendre au moins 18 jours parce qu'ils sont déjà en mer depuis deux jours et qu'ils sont tout juste au sud de la Bretagne",a-t-il déclaré.

Sur le plan d'eau, la flotte des IMOCA s'est divisée en deux groupes. Les huit premiers bateaux sont menés par APIVIA, suivi de Charal (Jérémie Beyou et Chris Pratt), LinkedOut (Thomas Ruyant et Morgan Lagravière) et 11th Hour Racing-Mālama (Charlie Enright et Pascal Bidégorry). Ils s'étalent sur 19 milles nautiques, avec Romain Attanasio et Sébastien Marsset comme poursuivants sur Fortinet-Best Western.

Puis vient un deuxième groupe de sept bateaux, positionné à 30 milles au nord-est, mené par le trio Kostum-Lantana Paysage (Louis Duc et Marie Tabarly), Prysmian Group (Giancarlo Pedote et Martin Le Pape) et La Mie Câline-Artisans Artipôle (Arnaud Boissières et Rodolphe Sepho).

Pour l'instant, l'avantage dans les deux groupes revient aux bateaux les plus au sud, qui sont les premiers à profiter du nouveau vent et qui ont ainsi la possibilité de prendre de l'avance. Mais la flotte pourrait facilement recommencer à se comprimer dès que les vents légers reviendront au Portugal...

Ed Gorman