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ROAD TO THE VENDÉE GLOBE #8 : Dans le nouvel épisode de notre série, Ed Gorman s'entretient avec Ari Huusela, le pilote de ligne qui vise à devenir le premier Finlandais à terminer le Vendée Globe.

Parfois, quand Ari Huusela est seul en mer, il regarde le ciel et voit les traînées de vapeur des avions qui traversent loin au-dessus de l’océan et s'imagine en train de faire son métier, celui de commandant de bord d'un Airbus 350 de Finnair.

"Je vois les lignes dans le ciel laissées par les avions,"confie Ari, 58 ans et père de deux grands enfants, "et je m’imagine à quel point ce serait agréable d'être là-haut dans un cockpit confortable, bien au chaud à boire du café et sachant que nous arriverons à destination dans à peine trois heures."

IMG 7533© Niina / Stark

Mais Ari Huusela aime se défier sur l'océan et, comme tant de skippers solitaires du Vendée Globe, c'est un personnage remarquable dont la façon simple, modeste et terre à terre de faire les choses lui ont valu des amis et des supporters non seulement dans sa Finlande natale, mais aussi en France.

Vous n'avez peut-être pas entendu parler de Ari Huusela - qui se décrit toujours comme un marin "amateur" - mais chez lui, à Helsinki, c’est un nom presque familier. Les Finlandais se sont vraiment unis derrière leur marin solitaire qui vise à devenir le premier skipper de ce pays à terminer le célèbre Vendée Globe.

Lorsqu'il est parti d'Helsinki fin août pour la France à bord de son bateau de 2007, l'IMOCA conçu par Owen Clarke et baptisé STARK (du nom de la première chaîne finlandaise de matériaux de construction), des milliers de personnes sont venues le voir partir.

Environ 200 bateaux de toutes sortes l'accompagnaient, les restaurants sur les quais étaient remplis de supporters enthousiastes, l'hélicoptère des garde-côtes tournait au-dessus de lui et un avion DC3, piloté par ses collègues de la compagnie aérienne, est venu mouiller ses ailes en son honneur.

"J'avais l'impression de partir déjà sur le Vendée Globe et, d'une certaine manière, c'est ce que je faisais, car je commençais mon voyage vers la ligne de départ",de remémore-t-il. "J'étais stupéfait, par le nombre de personnes qui me suivent et par le soutien que je reçois. Ils veulent vraiment que je sois sur la ligne de départ et que je puisse boucler la boucle. C'était vraiment super d'avoir ce genre de soutien de la part des marins et des supporters finlandais. »

 

Erik lähteenmäki sailpix© Erik Lähteenmäki

Les médias nationaux ont consacré beaucoup de place à Ari qui a été aussi largement couvert par la télévision, et ce, depuis le début de sa carrière en solo sur la Mini Transat 1999. "Ils ont été très enthousiastes à l'idée de me suivre car il n'y a pas eu d'autre marin finlandais en solitaire. C'est plutôt une aventure humaine pour eux. Il y a tellement d'angles différents à découvrir - la santé, l’alimentation, les aspects sportifs et de gestion de projet - et j'ai eu beaucoup de couverture dans les journaux économiques également, ainsi que dans les médias grand public".

Ari a déjà accompli un voyage intéressant jusqu'au départ des Sables d’Olonne. Il n'a commencé à naviguer qu'à 24 ans et tout au long de sa carrière sur l'eau, il a conservé son emploi au sein de la compagnie aérienne nationale, d'abord comme mécanicien puis comme pilote. Après ses débuts sur la Mini, il a réussi à trouver le temps d'effectuer cinq transatlantiques, ce qui lui a donné un bon niveau d'expérience, tant en solitaire qu'en équipage réduit.

Sa première course dans la Classe IMOCA fut la Route du Rhum 2018 et depuis, il a terminé la Bermudes 1000 Race 2019 puis la Transat Jacques Vabre la même année, aux côtés du navigateur irlandais Mikey Ferguson. Son mot d'ordre sur ce Vendée Globe est la sécurité, un principe directeur qu'il suit aussi bien dans les airs qu'en mer.

 

Image c 1180 664© Transat Jacques Vabre

"La sécurité et terminer la course sont ma priorité et cela influence beaucoup mon état d'esprit", explique-t-il. "C'est la même chose quand je pars travailler. Les plannings et l'économie passent bien loin derrière la sécurité lorsque nous prenons l'avion avec des passagers à bord : c’est exactement la même idée."

Huusela va courir contre une poignée de bateaux du même millésime que son IMOCA et qui n'ont pas été modernisés avec des foils. Il vise un tour du monde en 100 jours mais il aura à bord de la nourriture et des provisions pour une durée de 120. Il emporte de nombreuses pièces de rechange et une réserve d'eau de secours en cas de panne de son dessalinisateur.

"Bien sûr, il sera difficile d’atteindre les 100 jours et peu importe si cela doit prendre jusqu’à 120. Je ferai surtout de mon mieux en me concentrant sur ma navigation et le maintien de mon bateau en bon état. J’essaierai aussi de prendre soin de moi, c’est important pour terminer et ensuite nous verrons à quelle position dans le classement."

Cependant, Huusela est plus compétitif qu'il ne le croit. Lors de la Route du Rhum 2018, il a terminé 11e sur 20, une performance dont il est fier à juste titre. C'est au cours de cette course que le skipper français Sébastien Destremau et lui se sont percutés au milieu de l'Atlantique, un événement qu’il a beaucoup marqué Huusela et a affecté sa confiance pendant un certain temps.

"C'était un choc terrible et je le revis encore si je ferme les yeux et que j'y pense,"confie le Finlandais qui se réveillait tout juste d'un profond sommeil au moment de l'accident. "Ces choses peuvent arriver et nous avons, vu sur cette même course, un skipper heurter un cargo et Alex Thomson s'échouer - cela nous rappelle à quel point ce genre de navigation est exigeant."

Depuis cet incident, le skipper a modernisé son radar et ses systèmes d'alerte et affirme que lors de ses dernières courses et entraînements, il s'est senti beaucoup plus en confiance pour s’endormir lorsqu'il navigue en solitaire.

Le projet Vendée Globe de Ari Huusela est géré par sa femme, Niina Riihela, qui a piloté toutes ses campagnes depuis 2007. Son fils de 33 ans est un ancien soldat des forces spéciales finlandaises qui travaille maintenant dans la sécurité, aidant par exemple à garder des lieux comme l'ambassade finlandaise à Kaboul en Afghanistan. Ari dit que les amis de son fils lui disent que son père est fou mais, comme le marin le souligne lui-même : "Il y a toutes de sortes de folie dans ce monde."

CJari Salo SailingImages DSC6580© Jari Salo


Sa fille de 29 ans, qui a travaillé et étudié en Afrique du Sud et ailleurs en Afrique, lui a dit à maintes reprises qu'il était temps pour lui de prendre sa retraite de ce genre de navigation. Mais Ari s'inspire du skipper américain, Rich Wilson, qui avait 66 ans lorsqu'il a terminé le dernier Vendée Globe. Le Finlandais a donc encore quelques années et quelques courses en lui.

Normalement, à cette époque de la préparation du départ, des milliers de passionnés de course se pressent sur les pontons des Sables-d'Olonne. La pandémie de Covid-19 signifie que les nombres sont limités, mais Huusela dit que l'atmosphère est toujours fantastique dans la capitale du Vendée Globe.

"C'est tellement incroyable d'être ici après toutes ces années, depuis ma première visite sur ces pontons en 1996", dit-il. "Maintenant, je suis enfin ici avec mon propre bateau et je vais être sur la ligne de départ, c'est très excitant."

"Le sentiment est presque irréel mais j'essaie de garder l'esprit concentré et de me détendre en me disant que tout va bien, que j'ai fait mes devoirs et que tout va bien et que mon bateau est très solide et bien préparé."

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