Trading places

  • La flotte progresse doucement vers les Canaries
  • Petit temps, pleine lune, des conditions de rêve
  • Spirit of Hungary a passé Gibraltar

Les duos de la Barcelona World Race auraient choisi de faire un tour du monde version voyage, ils ne seraient pas loin d’être les plus heureux des hommes et des femmes. Malheureusement, tous les tandems engagés sont des obsessionnels de la vitesse, du dixième de nœuds gagné, du pouième d’écoute relâchée, du chouia de drisse de grand-voile pour redéfinir le creux, des angles de barre au petit poil pour ne pas perturber les écoulements laminaires sur le safran. A bord, on se déplace sur la pointe des pieds, on retient son souffle et même les mots se font rares comme s’ils allaient épuiser le vent.

Le dilemme canarien

Devant leurs étraves, se profile l’archipel des Canaries et d’ici quelques heures, se posera le dilemme de savoir par où aborder cette difficulté. Certains pourraient bien être tentés de laisser les îles de Lanzarote et Fuerteventura à tribord, passant entre les deux îles les plus orientales et la côte africaine, garantie d’avoir un vent clair. Les plus audacieux pourraient tenter le passage à l’intérieur de l’archipel, notamment dans le canal à l’est de Gran Canaria afin d’y chercher les effets venturi. Mais gare aux effets de site en aval des îles… Enfin, certains pourraient être tentés d’aller se recaler dans l’ouest pour bénéficier par la suite d’un angle plus favorable pour attaquer la descente vers le Pot au Noir, premier grand passage à niveau de ce tour du monde. Mais là encore, il faudra se méfier des effets de site. On à déjà vu, par régime d’alizés, des voiliers se faire piéger dans des calmes à plus de 50 milles dans l’ouest de l’archipel, du fait de la trainée laissée derrière elle par le Teide de Tenerife (3718m).

Guerre psychologique

Bernard Stamm et Jean Le Cam ont bien tenté une première incursion dans l’ouest, mais leur entreprise n’a pas été teintée jusqu’ici d’un franc succès. Plus proches du centre de l’anticyclone positionné sur Madère, les deux compères ont constaté que leur vitesse chutait de plus en plus. Ils ont finalement été contraints de revenir à une route plein sud comme le reste de la flotte. Qu’importe, le ton est donné : il y aura des attaques, des tentatives, des coups d’intox et des bottes secrètes. Jusqu’ici la bagarre est à fleurets mouchetés, mais chacun redoute le coup de maître d’un concurrent qui pourrait prendre la poudre d’escampette à la faveur d’une option particulièrement inspirée. Autant dire que tout ce petit monde se surveille du coin de l’œil : résultat, on communique au minimum, on évite de dévoiler ses intentions. Les coups d’intox font aussi partie de la panoplie du coureur du large.

Tous en Atlantique

D’autres n’ont pas ces états d’âme. Pour l’équipage de Spirit of Hungary, l’essentiel était de sortir de la nasse de la mer d’Alboran. C’est chose faite depuis cet après-midi puisque Nandor Fa et Conrad Colman ont coupé la longitude de Tarifa à 16h39 (TU+1). C’est pour eux une nouvelle course qui commence. Devant eux, les frères Garcia (We Are Water) profitent du vent pour continuer de progresser à près de dix nœuds, quand Aleix Gelabert et Didac Costa (one Planet One Ocean & Pharmaton) ne devraient pas tarder à empanner pour faire route au sud, sous peine de se faire piéger par l’anticyclone des Açores qui a pris ses aises jusqu’à Madère. Il reste que pour ces deux bizuths du tour du monde, la Barcelona World Race commence sous les meilleurs auspices. Sut le plus ancien bateau de la flotte, les deux complices font un début de course remarqué à une quarantaine de milles seulement de l’équipage de Renault Captur, qui associe Sébastien Audigane, un circumnavigateur multirécidiviste, à un marin régatier dans l’âme, Jörg Riechers. Aleix et Didac savent qu’il leur sera difficile, dès que le vent montera de résister à la puissance des bateaux des générations suivantes, mais ce qui est pris n’est plus à prendre. Carpe Diem.

 

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