Pour Jimmy Horel, embarquer en IMOCA pour 48 heures de navigation intense la semaine dernière dans le Golfe de Gascogne sur le Défi Azimut-Lorient Agglomération, fut un véritable baptême du feu.

Le Français de 32 ans, qui s'est fait connaître sur YouTube en parcourant l'Amérique du Nord pendant trois ans avec son van vintage Volkswagen, a fait ses débuts en IMOCA en tant que OBR (Onboard Reporter) et cette expérience s’est révélée inoubliable.

L’événement demandait à tous les concurrents d’embarquer un reporter. Pour Jimmy, ce fut avec Coup de Pouce-Giffard Manutention de Manuel Cousin et Clément Giraud où il a dû rapidement s’acclimater.

« C’est d’abord un défi quand on ne connaît pas l'équipe et les skippers, donc on doit rapidement se mettre dans le bain », explique-t-il. « D'autant plus que les conditions étaient très difficiles. Cela a ajouté un niveau de stress supplémentaire car, en tant qu'OBR, vous avez une mission et vous devez faire votre travail, même si les conditions sont dures. »

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Jimmy n'oubliera sans doute pas, la longue première partie de la course, lorsque les bateaux se sont heurtés à un vent de face, soufflant avec de violentes rafales et soulevant une mer agitée au large des côtes bretonnes. Au crépuscule de cette première journée, Jimmy était en difficulté.

« Le premier soir, j'ai eu le mal de mer », se souvient-il. « J'avais un seau dans une main et l'appareil photo dans l’autre. Je jonglais entre les deux - c'était intense ! Toutes les tâches du quotidien qui sont anodines à faire à terre deviennent extrêmement difficiles en mer à bord d’un IMOCA. C'est ce qui a été le plus compliqué : prendre soin de moi et dormir correctement. »

A l’avant de la flotte, à bord de L'Occitane en Provence de Clarisse Crémer et Alan Roberts, Anne Beaugé, plus expérimentée, était dans son élément. Ayant participé à quatre étapes de The Ocean Race en tant qu'OBR sur Biotherm de Paul Meilhat, Anne savait à quoi s’attendre. Elle avait en plus partagé plusieurs étapes avec Alan, marin britannique qui, dit-elle, ne semble jamais à court d'énergie.

 

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Cette course dans une météo des plus changeantes fut exigeante pour Anne. En effet, les concurrents ont connu des conditions allant de la brise soutenue à l'absence totale de vent. « Nous avons eu une phase vraiment brutale au près, avec une forte houle, de la pluie, des grains et un ciel gris. Puis, au portant, nous avons eu presque des alizés, avec du soleil et une mer d'un bleu profond, ce qui était très agréable. Nous avons aussi eu comme un semblant de ‘Pot au Noir’, avec le passage d'une dorsale samedi matin où pendant quelques heures, le vent était faible et très irrégulier. »

Ancienne retoucheuse d'images dans l'industrie de la mode, Anne Beaugé travaille comme photographe depuis neuf ans et est maintenant basée à Lorient. Tout en se concentrant sur la prise d'un maximum d’images à bord pendant la course, elle pensait aussi au concours photo et vidéo entre OBR organisé par la course. Et c'est sa superbe prise de vue au drone de L'Occitane en Provence dans un grain qui a remporté le concours.

« Habituellement, mes sujets sont les marins mais, cette fois-ci, j'ai effectué un vol tôt le matin car la lumière était dorée. Je n'avais pas vérifié le radar avant de décoller et un grain arrivait, j'ai donc dû atterrir en urgence et j'ai capturé la pluie sur l'eau, ce qui était magnifique », raconte-t-elle.

 

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Pour Jimmy, qui s'est rapidement remis de son mal de mer, le rôle d'OBR a été une véritable révélation. « En tant qu'OBR, vous observez beaucoup de choses », explique-t-il. « Vous êtes là pour fournir des photos et vidéos, mais vous êtes aussi un observateur qui ne peut rien toucher à bord. Vous n'êtes pas autorisé à participer à quoi que ce soit en rapport avec la navigation. Vous observez donc les marins et vous vous rendez compte du niveau de stress et d’intensité dans lequel ils sont. »

« J'ai trouvé très intéressant d’être comme une petite souris », poursuit-il. « Il fallait essayer de prendre le moins de place possible, de ne pas les gêner tout en capturant les moments clés de la meilleure des manières car il est important pour l'équipe et les fans de recevoir du contenu à terre. »

Les OBR voient de leurs propres yeux comment fonctionnent les duos de skippers. Selon Jimmy, Manu Cousin et Clément Giraud travaillent super bien en équipe. « De temps en temps, ils n’étaient pas d’accord et c’était intéressant de voir comment ils le géraient », se souvient-il. « L'un d'eux disait une chose et l'autre une autre, mais la décision finale revient toujours au skipper (Manu Cousin) - qu'elle soit bonne ou mauvaise, le dernier mot appartient au skipper, mais la communication entre eux a été excellente. »

 

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Quant à Anne, elle est ravie d’avoir pu voir l’entente en course de Clarisse et Alan. Le duo a débuté sa collaboration en juillet, lors de la Rolex Fastnet Race, avec la Transat Jacques Vabre en ligne de mire. « C'était génial de les voir évoluer ensemble », déclare-t-elle. « Ils découvrent tous les deux le bateau. Ils sont donc constamment en train d’essayer de le mener au mieux, de trouver la bonne vitesse et les bons réglages de voiles. »

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Le duo était toujours motivé par le fait d'atteindre les performances connues de l’IMOCA, l’ex-Apivia dessiné par Guillaume Verdier. « Ils voulaient tous les deux bien faire. Ils sont heureux de naviguer sur ce bateau parce qu'ils savent qu'il est bon et qu'ils doivent être à la hauteur des performances qu’il a déjà démontrées - c'est leur objectif », explique-t-elle.

Anne est également impressionnée par Clarisse depuis son retour dans la Classe avec un nouveau sponsor. « Elle n'a pas pu redémarrer aussitôt qu'elle l'aurait voulu, elle était donc un peu en retard par rapport à d’autres projets. Aujourd’hui, on sait vraiment qu’elle est heureuse sur l'eau, elle veut faire de son mieux et elle fait tout pour réussir », confie Anne. « Clarisse est une vraie compétitrice. Elle ne se laisse jamais aller et n'abandonne jamais. Elle est très sportive et aussi très intelligente. »

 

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Jimmy travaille pour différents projets, allant de la photographie d'entreprises et d’événements à la vidéo et au drone. Il a aussi suivi, à terre et de l’intérieur, l’aventure de Team Malizia pendant le tour du monde avec escales de cet hiver. Cependant, il aimerait davantage s’impliquer dans le métier d’OBR. « C'est difficile mentalement et physiquement, mais je trouve aussi cela gratifiant de pouvoir fournir de belles images et de faire partie de la course, » explique-t-il. « Je ne suis pas marin ou expert du milieu et je trouve dingue de faire partie d'un équipage comme cela qui prend le large dans des conditions si extrêmes. »

Entre les moments les plus stressants, il a également adoré apprendre à connaître Manu et Clément. À l'arrivée, il a compris tout ce que les skippers éprouvaient. « Je pouvais ressentir un grand soulagement - ils étaient très rassurés sur le plan émotionnel. C'était comme un poids qui s'enlevait de leur poitrine. C'était très beau à voir, ils se sont serrés dans les bras et se sont félicités, en applaudissant ensemble », raconte le reporter.

Contrairement à Jimmy, qui n’est pas marin, Anne a déjà participé à la Mini Transat en 2019 et fait deux saisons en Class40. Elle affirme cependant ne pas se sentir frustrée lorsqu’elle embarque en tant qu'OBR, un travail qu'elle trouve complètement passionnant.

 

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« J'aime beaucoup de choses dans mon métier », dit-elle. « D'abord, le fait d'être en mer. Ensuite, la façon dont je filme les marins. Ils ne se soucient pas de moi, ils sont juste concentrés sur leur course et leur performance en mer. C'est passionnant de capturer cela et de le partager avec le public à terre, car lorsque les marins reviennent de course, ils sont fatigués et vous pouvez voir le poids du manque de sommeil et le relâchement de la pression. En mer, il est important d'immortaliser tous les moments et d'essayer de montrer à quel point ils se donnent à fond, » ajoute-t-elle.

Les OBR n'étant pas autorisés sur la Transat Jacques Vabre, et la saison en solitaire commençant ensuite, il faudra attendre le Défi Azimut-Lorient Agglomération de l'année prochaine pour les voir à nouveau à bord des IMOCA. À la suite de The Ocean Race, de la Guyader Bermudes 1000 Race, de la Rolex Fastnet Race et du Défi Azimut, cette saison a prouvé que ces reporters des mers avaient un grand rôle à jouer à bord de ces bateaux de course, nous permettant de vivre à travers leurs objectifs les histoires du large.

Ed Gorman (traduit de l’anglais)