"Elle incarne l'esprit du Vendée Globe !", l’éloge n’est pas des moindres de la part d’Isabelle Autissier, mais c'est avec respect et admiration qu'elle décrit Pip Hare, navigatrice britannique et deuxième femme à boucler cette édition du Vendée Globe.

“Elle a bien fait les choses”, ajoute Isabelle Autissier, 64 ans, qui a suivi la course avec beaucoup d’attention. “ Elle est tellement heureuse et elle fait de son mieux. Elle a très bien géré les choses quand elle a dû faire face à de gros problèmes(sa mèche de safran a cassé au milieu du Pacifique), elle a réalisé les réparations parfaitement et a mené son bateau jusqu’à l’arrivée. ”

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Nous avons demandé à Isabelle Autissier, participante au Vendée Globe 1996-97 et première femme a avoir fait le tour du monde en solitaire en bouclant le BOC Challenge en 1990-91, ce qu'elle pensait de la course cette année. Elle a souhaité partager son enthousiasme pour cette édition, qu’elle dit être la plus grande depuis son lancement en 1989.
 
"Je dirais peut-être même que c’est la meilleure édition. A part la première bien sûr car c’était quelque chose de nouveau. Néanmoins, je n'ai jamais vu une régate comme celle-ci. Jusqu’à la fin il y avait du suspense, nous ne savions pas qui allait gagner et il y avait aussi le fait que le premier à franchir la ligne d’arrivée soit différent du vainqueur.”

"Tout cela rend ce Vendée Globe très spécial, très intéressant et de très haut niveau.”ajoute Isabelle Autissier, présidente d’honneur de WWF France. "Je trouve aussi très intéressant qu'il y ai eu si peu d'abandons par rapport aux précédentes éditions. Cela signifie que les bateaux et les skippers étaient bien préparés, ce qui est un très bon point."

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Elle était ravie de voir Yannick Bestaven, l’un de ses amis, originaire de sa ville natale de La Rochelle, remporter la course sur son Maître CoQ IV après une arrivée dont tout le monde se souviendra. “Je le connais assez bien," dit-elle. "Quand j’ai vu ce qu’il faisait dans les premiers jours de course, je me suis tout de suite dit qu’il pouvait faire quelque chose de bien, mais je ne pensais pas qu’il remporterait la course. J’ai été très impressionnée par ce qu’il a fait tout du long du parcours. Il était toujours au bon endroit, en phase avec la météo et il est revenu rapidement dans la course après s’être dérouté pour porter assistance à Kevin Escoffier."

La navigatrice sait à quel point il peut être mentalement éprouvant de devoir chercher un marin disparu – elle avait participé à la recherche du skipper canadien Gerry Roufs, disparu dans le Grand Sud lors de l’édition de 1996 – et elle sait combien il a dû être difficile pour Yannick de se remettre dans le rythme de la course après cela.

"Tu dois te remettre dans ta course, mais tu n’es pas du tout dans l’état d’esprit pour le faire,"dit-elle. "C’est assez stressant d’être impliqué dans ce genre d’événement mais Yannick l’a fait et il est revenu très vite dans la compétition.”

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Autissier fut aussi impressionnée par le skipper Allemand Boris Herrmann et la façon dont il a partagé son expérience avec toutes les personnes qui le suivaient à terre, grace à son enthousiasme et ses photos et vidéos. “La plupart des gens qui suivent la course ne savent rien de la course et de la compétition au large. Ils sont surtout intéressés par les histoires et ce qu'elle racontent - les humeurs des marins et la façon dont ils se battent. Avec Boris, nous avons découvert quelqu'un qui a communiqué tout cela",confie-t-elle au sujet du nouveau champion IMOCA Globe Series.

Jean Le Cam aussi se trouve sur la liste des skippers qui ont marqué Isabelle Autissier cette année. Elle se souvient d’avoir passé du temps avec lui à Puerto William’s dans le Sud du Chili, après qu’il ait été sauvé par Vincent Riou suite à son chavirage au large du Cap Horn lors du Vendée Globe 2008-09. Elle naviguait alors là-bas sur son propre bateau et a appris à le connaître, loin des pressions de la course. Elle aime l'honnêteté de Jean, c’est selon elle quelque chose qui s'est illustré tout au long de son cinquième Vendée Globe. "Il est très franc, très direct, il dit ce qu’il pense," dit-elle. 

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Elle était aussi ravie pour Clarisse Crémer. "Elle était merveilleuse – on n’a jamais eu le sentiment qu’elle était une pauvre petite perdue au milieu de l’océan," confie-t-elle au sujet du skipper de Banque Populaire X. "Elle était heureuse, elle se battait et faisait de son mieux pour délivrer la meilleure course possible et je suis très heureuse pour elle".

La navigatrice sait, autant que quiconque, que la malchance peut jouer sur cette course. Elle a dû abandonner deux tours du monde suite à des avaries sur ses bateaux dont l'un a coulé. Il n'est pas surprenant qu'elle ait une pensée particulière pour Sam Davies et Isabelle Joschke, qui ont toutes deux dû s'arrêter pour des réparations avant de poursuivre leur tour du monde hors course, comme elle avait pu le faire.

Lorsque Sam est arrivée au Cap à la suite de son avarie de quille, Isabelle lui a envoyé un message de soutien. "Je lui ai dit que je comprenais ce qu'elle devait ressentir car j'ai eu exactement le même sentiment quand j'ai dû arrêter mon Vendée Globe. Sam avait déjà dit qu'elle continuerait. Je lui ai seulement dit que ce serait une très bonne chose pour elle afin qu’elle puisse tenir et honorer la promesse qu’elle avait faite. Tu as promis de faire le tour du monde, lui ai-je dit, alors fais-le".

60 enfants cap horn© Sam Davies / Initiatives-coeur

Isabelle est une grande admiratrice du travail que fait la skipper d'Initiatives-Cœur pour l'association caritative qu’elle soutient et elle espère être aux Sables d'Olonne pour l’accueillir. "Je ne sais pas si je pourrai être aux Sables d’Olonne quand elle arrivera, mais j'aimerais bien",a-t-elle déclaré.

Diplômée en ingénierie nautique, Isabelle Autissier est bien connue pour son engagement en faveur de l'environnement et pour son travail au sein du WWF, dont elle est la présidente française depuis 2009. Elle se dit heureuse de voir plusieurs skippers du Vendée Globe contribuer à la recherche sur la météo et la qualité de l'eau, en déployant des bouées durant leurs périples, mais elle pense aussi que la course peut aller plus loin pour aider à protéger l'environnement et plus particulièrement l’océan.

CapHorn Isa Autissier   copie© Isabelle Autissier lors du Vendée Globe 1996-97 ©️ Bernadette Monthembault / DPPI

Elle estime que chaque projet Vendée Globe devrait mesurer et publier son empreinte carbone, afin que chacun puisse voir dans quelle mesure l’événement a impacté l’environnement. "Les skippers racontent des histoires merveilleuses mais une partie de l'histoire est notre empreinte. J'aimerais avoir la possibilité d'en savoir plus et peut-être d'avoir une limite. Tout comme vous avez une limite pour la taille des bateaux et beaucoup de choses à bord, vous pourriez avoir une empreinte carbone maximale pour le projet aussi, non ?"

Ed Gorman / IMOCA (traduit de l'Anglais)