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La course en équipage en IMOCA sur The Ocean Race occupe les esprits depuis plusieurs mois, voire pour certains depuis des années. Dans les bases des équipes et les bars de la côte atlantique française, les discussions sont allées bon train sur la performance des bateaux, la manière dont les équipages se débrouilleraient et sur la résistance du matériel.

Nous avons déjà quelques premières réponses, après une première étape palpitante, remportée de façon très convaincante par Kevin Escoffier et son équipe sur Holcim-PRB. Ils sont arrivés cette nuit à Mindelo, dans le nord-ouest de l'archipel du Cap-Vert, suivis moins de trois heures après par Charlie Enright et son équipage de 11th Hour Racing Team-Mãlama.
 
Deux heures et 45 minutes plus tard, ce fut au tour de Boris Herrmann de Team Malizia, tandis que Paul Meilhat, skipper de Biotherm, et Benjamin Dutreux sur Guyot Environnement-Team Europe devraient compléter le podium, respectivement en quatrième et cinquième position.

14 00 230121 TOR PEM 24584© Sailing Energy / The Ocean Race (Sailing Energy / The Ocean Race (Photographer) - [None]

 
Il s'agissait ici d'un sérieux test pour les hommes et les femmes à bord, comme pour les bateaux. Ces 1 900 milles depuis Alicante ont été aussi bien marqués par des vents légers, que par du vent de face violent, avant des conditions océaniques musclées. Dans l'ensemble, les pionniers de cette nouvelle aventure s'en sont plutôt bien sortis. Les équipages ont fait face à des conditions horribles en début d’étape, puis les foilers ont affiché des vitesses spectaculaires une fois lâchés dans l’Atlantique.

Certains marins ont souffert de mal de mer, d’autres n'ont pas pu manger ni dormir pendant les deux premiers jours, mais les trois premiers équipages sont arrivés à Mindelo en se parlant encore - en fait, ils semblent tous assez heureux, voire soulagés. Loin de s'effondrer sous ce genre de pression, ils semblent surtout se renforcer en tant qu'équipe.
 
Les bateaux, quant à eux, ont accumulé de longues listes de "choses à faire" sur lesquelles les équipes navigantes doivent travailler pendant cette courte escale (en effet, seuls les marins sont autorisés à bricoler sur ce ‘pit-stop’). Mais, jusqu'à présent, il n'y a aucun signe d'avarie qui pourrait empêcher un bateau de poursuivre, dès mercredi, la course vers Cape Town en Afrique du Sud.

14 00 230107 TOR JOF 16982© Sailing Energy / The Ocean Race (Sailing Energy / The Ocean Race (Photographer) - [None]

Dans l'équipage de Malizia, Will Harris, nous a donné un peu plus de détails sur la liste des travaux à effectuer, qui compte une quarantaine de lignes. Le Britannique confie que la plupart d'entre eux étaient de petits problèmes liés au gréement ou au matériel, des "problèmes de performance" donc mais pas structurellement critiques. Néanmoins, il y a bien un ou deux problèmes plus importants à régler. Il s'agit du joint de l'arbre d'hélice, qui fuit lorsque le bateau navigue à plus de 15 nœuds. Cela signifie qu'un membre de l'équipage doit écoper cette partie du bateau toutes les 20 minutes, ce qui constitue une ‘distraction’ majeure.
 
À Mindelo, les marins du Team Malizia vont essayer de fabriquer un couvercle pour arrêter la propagation de la fuite. Ils espèrent que cela fonctionnera jusqu'à ce que le bateau atteigne Cape Town. Il est à craindre que l'entrée d'eau ait endommagé l'un des deux dessalinisateurs du bord, ce qui pourrait le mettre hors service et réduire de moitié sa capacité de production d'eau. L'autre problème important de Malizia est le ‘constricteur’ (coinceur) de l'écoute de grand-voile dans le cockpit, qui s'est cassé. Il s'agit d'un dispositif qui permet à l'équipage de bloquer l'écoute de grand-voile et de libérer sa drisse pour d'autres tâches. Le constricteur étant hors service, l'écoute a dû rester en permanence sur un winch, ce qui réduit la flexibilité de l'équipage lors des manœuvres. Will tentera d'effectuer les réparations à Mindelo.
 
Malgré les vitesses impressionnantes sous le vent des Canaries, le mot d'ordre à bord des trois premiers bateaux semble avoir été d'essayer de naviguer prudemment. Dans ses commentaires à quai, Kevin Escoffier a mentionné que son équipage ne naviguait pas la plupart du temps à 100% de son potentiel. "Je ne veux pas que les autres pensent qu'ils peuvent nous rattraper à certaines vitesses", a-t-il déclaré. "Quand les autres (ont accéléré), nous avons accéléré deux fois plus, pour montrer qu'il nous en restait sous le pied".
 
Sur Mãlama, Jack Bouttell, a indiqué que le même principe primordial de prudence était à l'ordre du jour. "Évidemment, en naviguant en solo sur des IMOCA, on touche les limites beaucoup plus tôt qu'en équipage", a-t-il déclaré. "Mais les bateaux sont assez fragiles, donc il faut gérer la vitesse par rapport au bateau et ne pas faire trop de folies. Nous essayons toujours de trouver cette limite car, à certains moments de l'étape, nous avons vu des petites choses se casser qui n'en valaient pas la peine pour le gain de vitesse. Donc oui, c'est un jeu d'apprentissage pour le moment - jusqu'où pouvons-nous pousser le bateau tout en restant dans la course."

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Au sein de Team Malizia, l'accent a été mis sur les nouveaux foils, installés à Alicante, et la charge qu'ils pouvaient supporter, comme l'explique Will. "Nous avons navigué de manière très prudente sur cette étape avec les foils", a-t-il déclaré. "Nous devions être très prudents avec eux. Il semble que nous ayons eu quelques bons rappels à l'ordre pendant l'étape. Jusqu'à présent, tout va bien, ils sont en bon état et semblent très bien fonctionner. Mais nous devons naviguer à 70% de leur capacité et les amener jusqu’au Brésil, sinon nous aurons de sérieux problèmes."
 
"C'était fou"a-t-il ajouté, "parce qu'à chaque fois qu'une alarme se déclenchait sur le bateau, on se disait "J'espère que ce n'est pas les foils". Il faut être très vigilants, être prêts à utiliser le pilote automatique en permanence, et ralentir pour empêcher la surcharge."

Kevin sait par expérience, en tant que membre de Dongfeng Race Team, vainqueur de la Volvo Ocean Race 2017-18, combien cette course est longue et combien le destin d'un équipage peut changer au cours des 32 000 miles de compétition. Naturellement, il ne tire pas trop de conclusions sur les performances relatives de chaque bateau après cette étape.

"Le bateau est génial", a-t-il résumé. "Nous avons toujours été rapides aussi bien au près qu'au portant et au reaching. C'est une première victoire avec ce nouveau bateau, après une très belle Route du Rhum, mais cela ne veut rien dire sur le résultat final car il y a encore beaucoup à faire."

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Cependant, cette étape montre que Mãlama de 11th Hour Racing Team est dans le rythme - ce que nous attendions tous sans pouvoir en être sûrs - tandis que Team Malizia, qui craignait d'être lent dans des conditions légères, ne l'a pas été en pratique. Selon Will Harris, c'est une erreur tactique dans la zone de transition au large de Cabo de Gata, et non un manque de vitesse du bateau, qui leur a fait perdre du terrain.
 
L’Anglais a déclaré que le point faible de leur bateau se situe plutôt dans des conditions dites ‘mediums’ - 10-20 nœuds et pendant le décollage. Cependant, dès que le vent monte, la fusée conçue par VPLP est phénoménale. "Dès que le vent souffle à plus de 20 nœuds, le bateau se réveille et décolle. Je pense que nous avons un réel avantage car la première moitié de la course va se dérouler dans ces conditions. Nous allons donc aborder la prochaine étape en confiance", a déclaré Harris.

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Laissons le dernier mot à un nouveau venu dans la Classe, le talentueux Tom Laperche, élément clé de l'équipage d'Escoffier. Comment a-t-il vécu sa première course en IMOCA ?
 
"C'était vraiment intéressant pour moi de découvrir ce que c'était, et d'apprendre à piloter le bateau", a déclaré le vainqueur de la Solitaire du Figaro 2022, âgé de seulement 25 ans. "Le bateau a beaucoup de potentiel. Il va assez vite mais nous devons encore progresser. Les foils sont difficiles à contrôler à grande vitesse. Ils peuvent aller très vite, mais cela demande des réglages très fins donc, quand on navigue en solo, on ne peut pas rester longtemps à 100% de son potentiel. En équipage, il y a toujours quelqu'un à portée de main pour régler l'assiette de vol, l'équilibre du bateau et l'équilibre des voiles, c'est donc certainement plus efficace."
 
Ed Gorman (traduit de l'Anglais)