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Quarante skippers et leurs bateaux sont déjà réunis aux Sables d’Olonne, à l’approche du départ prévu le 10 novembre prochain. Chacun d’eux possède une histoire unique à raconter, témoignant de leur capacité à surmonter des obstacles pour participer à ce classique qui se déroule tous les quatre ans.

Nous avons interrogé deux marins – le Néo-Zélandais/Américain Conrad Colman et le Suisse Ollie Heer – sur leur parcours pour atteindre le départ du célèbre tour du monde en solitaire, tous deux confrontés à des défis qui auraient découragé des âmes moins déterminées à réaliser leur rêve.

Âgé de 40 ans, Conrad Colman a passé les trois dernières années à lutter sans relâche pour obtenir un soutien financier pour son deuxième Vendée Globe. Il avait déjà participé à l'édition 2016-2017, où il avait terminé à la 16e place. Avant cela, il avait déjà fait le tour du monde lors de la Global Ocean Race en Class40 et dans la Barcelona World Race.

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Le navigateur Kiwi confie que ses problèmes financiers ont souvent perturbé ses nuits, entre inquiétude et travail acharné. Il passe ses journées sur le bateau, s'investit dans la vie de famille le soir, puis consacre ses nuits à la recherche de sponsors lorsque tout le monde dort.

« Cela affecte absolument tout, » déclare-t-il à la Classe lors de son convoyage vers Les Sables d’Olonne. « Je vous déconseille de parler à ma femme pour cet article ! Cela occupe tout mon esprit. Je me demande sans cesse : ‘quand est-ce que ça va devenir plus facile ?’ J'aurais pensé qu'après avoir construit un profil international, avoir déjà participé à la course et invité des gens à embarquer pour ma quatrième aventure autour du monde, cela serait plus simple. Mais mettre en place un projet pour le Vendée Globe n'est facile pour personne, à aucun moment. »

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Conrad Colman est convaincu que le chemin pour arriver au départ du Vendée Globe est plus difficile que de participer à la course elle-même. « La course ne m'effraie pas du tout, » déclare-t-il. « En fait, c’est parce que je peux enfin savourer la pureté de l'événement, qui m'a toujours attiré. Une fois le coup de canon tiré, tout repose sur mes épaules. Ce que je trouve vraiment difficile, c'est que je peux donner 500 présentations, offrir le meilleur de moi-même à chacune d'elles, sans qu'il y ait de lien direct entre mes efforts et les résultats obtenus, comme c'est le cas sur le bateau. Cela dépend de la chance et de la capacité à rencontrer la bonne personne au bon moment, et c'est manifestement ce qui nous a fait défaut cette année. »

Oliver Heer partage un parcours similaire. Non seulement il a peiné à trouver des financements pour son premier Vendée Globe, mais il a également dû se battre jusqu’au bout pour garantir sa qualification.

Son chemin a été si ardu qu'il peine à croire qu'il est enfin arrivé aux Sables d’Olonne. « Je ne sais même pas par où commencer, » confie-t-il lorsqu'on lui demande quel a été le plus grand défi. « Il y a quatre ans, j'étais ici en tant que boat captain du bateau d'Alex Thomson, nourrissant déjà le rêve de participer un jour au Vendée Globe. Aujourd'hui, quatre ans plus tard, être ici avec mon propre bateau, c'est réellement gratifiant. Mais cela a demandé beaucoup d'efforts. Les gens ont tendance à sous-estimer la difficulté. Même quand tu leur expliques à quel point c'est compliqué, à quel point cela a été éprouvant, ils ne comprennent pas vraiment. »

 

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Oliver Heer a été en difficulté dès le début, ayant manqué plusieurs des premières courses du cycle, avant de devoir abandonner la Transat Jacques Vabre en 2023, l'empêchant de participer au Retour à La Base. Toutefois, chaque revers, ainsi que les critiques qu’il a subies, l’ont davantage motivé à atteindre son objectif. « Plus les gens doutent de moi ou, d’une certaine manière, me rabaissent, plus cela me donne d’énergie pour prouver qu’ils ont tort. Je me suis dit : ‘Maintenant, je veux le faire encore plus. Je veux réussir,’ » confie-t-il.

Interrogé sur ses conseils à un jeune rêvant de participer au Vendée Globe, après tout ce qu’il a traversé, le skipper suisse répond : « Tout d’abord, lance-toi, si c’est ton rêve. N’hésite pas. Cependant, ne sous-estime pas le côté business de cette aventure. En réalité, tu es marin un tiers du temps ou, si tu as de la chance, la moitié du temps. L’autre moitié, tu es un homme d’affaires, et il est essentiel de bien prendre en considération cet aspect. Tu dois développer certaines compétences dans ce domaine, sinon tu rencontreras des difficultés, c’est certain. Mais vas-y, sans hésiter… »

 

Conrad Colman, quant à lui, a également eu l'occasion de répondre à la même question, et il n’a pas résisté à l’envie de rire de son parcours. « Choisissez bien vos parents, car être millionnaire peut vraiment aider », plaisante-t-il. « Je garde un œil sur le loto EuroMillions, et de temps à autre, je me dis : ‘Eh bien, ça pourrait être la solution à tous mes problèmes.’ Cependant, une partie de ma frustration provient du fait que je sens que j’ai tant à offrir… Je suis un skipper expérimenté, un bon communicant avec un projet intéressant. J’aimerais simplement trouver des personnes aussi passionnées que moi pour cette aventure. »

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Les difficultés de Conrad ont été en partie allégées — mais loin d’être complètement résolues — grâce à la signature d’un partenariat avec MS Amlin, une entreprise d’assurance et de réassurance, présente en France, aux Pays-Bas, en Belgique et au Royaume-Uni. Malgré ce soutien, il continue de chercher des partenaires supplémentaires et le fera jusqu’au coup de canon, dans moins de trois semaines. « Ce n’est pas trop tard», lance-t-il avec un sourire. « Mettez ça dans votre titre — il n’est pas trop tard pour me rejoindre. »

Cette course acharnée à terre a des conséquences : Conrad Colman a parfois du mal à trouver son rythme une fois en course. « Il me faut un moment pour me détacher de l’aspect business et entrer pleinement dans la compétition, car je traîne un stress de fond permanent. Et dès qu’un problème survient sur le bateau — ce qui arrive inévitablement sur un IMOCA — tout ce stress revient en bloc. Je me dis alors : ‘Oh non, Seigneur, comment vais-je financer cette réparation et garder le bateau opérationnel ?’ »

Oliver Heer, quant à lui, a été plus chanceux. En juillet, il a conclu un accord de sponsoring avec Antistress AG, fabricant suisse de vitamines et micronutriments, connu sous la marque Burgerstein Vitamine. Ce partenariat couvre la majorité de ses coûts, et son bateau arbore désormais le slogan « Tut Gut », signifiant « Bon pour vous ». L’accord ayant été signé tardivement, les préparatifs du bateau se poursuivent aux Sables d’Olonne.

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« Je mentirais si je disais être complètement reposé et en pleine forme pour le départ du Vendée Globe », admet-il. « Ces deux dernières années et demie ont été très intenses. Remonter le chenal des Sables d’Olonne et amarrer mon bateau dans le village de course procure une telle montée d'adrénaline que cela fait oublier toutes les épreuves des dernières années. J’ai vraiment hâte d’y être, et rien que d’y penser me donne un regain d’énergie. Je serai donc prêt, plein d’enthousiasme et d'énergie. »

Malgré les épreuves traversées, ces deux marins envisagent déjà une nouvelle participation en 2028. Oliver Heer planifie déjà sa prochaine campagne, avec en ligne de mire une participation à The Ocean Race en 2027. Conrad Colman, quant à lui, adopte un ton plus prudent à propos de ce qui pourrait être son troisième Vendée Globe.

« Tout dépend du projet », explique-t-il. « Si je parviens à établir une bonne connexion avec des partenaires et à lancer une campagne solide dès le départ, alors oui, bien sûr, je suis prêt à repartir pour quatre ans. C’est un rêve que j’ai toujours eu, et il est toujours là. Cependant, je ne repartirai pas sur quatre ans d'acharnement. Ce ne serait pas juste pour ma femme et mes enfants. J’ai besoin de plus d’équilibre et de stabilité, et je ne peux l’obtenir qu’en évitant de revivre une situation de stress aussi intense que celle dans laquelle je me trouve actuellement. »

Ed Gorman (traduit de l'anglais)