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Certains marins du Vendée Globe et de l'IMOCA se concentrent sans relâche sur la victoire, sur les relevés de positions et les performances de leur bateau, d'autres pas.

La navigatrice britannique Miranda Merron a de forts instincts de compétitrice, mais des problèmes de budget l'ont empêchée de naviguer sur cette édition du tour du monde en solitaire près de la tête de la flotte.

Miranda Merron a réalisé une performance mesurée et solide en arrière de la flotte, terminant 22e à bord de son Campagne de France, un plan Owen-Clarke mis à l’eau en 2006 et qui a couru depuis sous les couleurs de Temenos, Mirabaud et Great American IV.

Miranda est un marin, un coureur et une voyageuse. Elle se réjouit de la possibilité de fouler des territoires océaniques que la plupart d'entre nous n'oseraient pas affronter et qu'ils ne connaîtront jamais.

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"J'ai une chance incroyable de naviguer sur des mers, surtout dans le sud, où la lumière et la faune sont incroyables et où la région est très isolée. J'ai un immense respect pour la nature et vous n'êtes pas là-bas de plein droit - vous aurez surtout de la chance de passer, c'est juste de l'humilité et du respect. Sur terre, je pense que nous prenons tout pour acquis et que nous abusons de nos océans et de nos poissons, mais en mer, vous êtes très vulnérables", déclare-t-elle.

Dommage que Mme Merron ait déjà décidé de ne pas écrire de livre sur son Vendée Globe car elle a manifestement beaucoup à dire. (Elle dit qu'il y aura plutôt un petit film...). Voici, par exemple, sa mémorable description du point culminant de son voyage de 101 jours : le moment où elle a passé le Cap Horn. L’extrémité de l'Amérique du Sud était éclairée par le soleil et lisez ce qu’elle dit de l'odeur à cet instant.

"C'était tout simplement magnifique",confie-t-elle à la Classe IMOCA. "Je suis arrivée très tôt le matin. Une grosse ligne de grains est passée sur mon dernier empannage, puis elle s'est un peu dégagée et j'ai pu voir le Cap Horn à travers la pluie. Puis le ciel était bleu et je n'avais pas vu une mer aussi plate depuis longtemps et je suis passée près des îles situées juste au nord-est du Cap Horn."

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"Je pouvais sentir la terre humide, c'était tout simplement divin",ajoute-t-elle. "C'était la première terre que je voyais depuis 69 jours. Il n'y a pas d'odeurs en mer, en dehors du diesel, des baleines, des bateaux de pêche et de l'odeur des navires eux-mêmes. Il est évident que mon bateau et moi-même ne sentons pas tout le temps la rose et donc, quand vous avez cette incroyable odeur de terre humide, cela est tout simplement envoûtant et vous respirez à pleins poumons".

Les futurs marins étrangers s'émerveillent de la façon dont les entreprises françaises soutiennent les skippers, surtout ceux qui ont un petit budget et qui ne gagneront pas de courses. Ce type de sponsoring - même à des niveaux modestes - est difficile à monter en Grande-Bretagne, par exemple, où la voile en solitaire est beaucoup moins visible qu'en France.

La relation de Miranda Merron avec Campagne de France est un parfait exemple d’un programme modeste qui met en valeur une entreprise que les Français rencontrent tous les jours dans leurs supermarchés et sur la table de leur cuisine. Le lien entre le marin et le sponsor a placé Miranda - qui partage son temps entre la Normandie et Hamble sur la côte sud de l'Angleterre - au cœur de la vie rurale française.

En effet, Campagne de France, qui produit du lait, du beurre, du fromage, du fromage frais et des yaourts, emploie 5 000 personnes dans les zones rurales et soutient plus de 800 producteurs laitiers. C'est pourquoi Miranda s'est retrouvée à danser avec un homme habillé en vache laitière noir et blanc sur le quai des Sables d'Olonne à l'arrivée. La discrète Miranda Merron s'est inquiétée surtout pour le garçon dans le costume : "Je savais que j'allais danser avec une vache",dit-elle en riant, "et le pauvre gars en costume avait un très bon sens de l'humour".

Cette Anglaise de 51 ans, qui a fait ses études à Cambridge et abandonné une carrière dans la publicité il y a 30 ans pour tenter sa chance en haute mer, apprécie cet aspect de ses responsabilités en tant que skipper du Vendée Globe et déclare que son attache est très forte avec la Normandie, une région de France, souligne-t-elle, qui a des liens étroits avec la Grande-Bretagne.

Vg2020 20210218 merron finishjml 8637b haute dfinition vi© © Jean-Marie Liot / Alea

"Ils trouvent tous cela extrêmement inspirant",dit-elle à propos des agriculteurs normands, dont beaucoup travaillent en équipe, mari et femme. "Mais je trouve leur travail extrêmement difficile, jour après jour, et incroyablement inspirant. Je me considère très chanceuse d'être celle qui a pu faire le Vendée Globe et revenir saine et sauve".Dans les semaines et les mois à venir, Miranda s'adressera à des agriculteurs, des écoles et d'autres publics pour remplir sa part du contrat de parrainage.

Miranda tient toujours à rendre hommage à son partenaire de mer et de vie, Halvard Mabire, sans les efforts et le soutien duquel elle affirme qu'elle ne serait jamais arrivée au départ dans un bateau qui a extrêmement bien résisté aux rigueurs du voyage. "Nous voulions nous marier l'année dernière",révèle-t-elle, "mais le Covid a mis son grain de sel, une partie de notre famille qui aimerait être là, ne pouvait pas et nous sommes désormais tous séparés". Le but est d'essayer de faire cela cette année.

Miranda s'est réjouie d'avoir réussi à réaliser le tour d'un parcours dont les conditions météorologiques étaient loin d'être idéales et dans un temps intermédiaire des deux précédents tours du monde de son bateau : 90 jours pour le skipper suisse Dominique Wavre en 2012-13 et 107 jours pour le navigateur américain Rich Wilson en 2016-17. Elle admet avoir eu du mal à se calmer dans la descente de l'Atlantique mais a ensuite trouvé son rythme dans le Grand Sud.

Elle souligne aussi un problème dont peu de skippers IMOCA parlent : l'étrange sensation d'être seul sur l'océan mais de savoir que des milliers de marins de salon dans le monde entier observent chacun de vos mouvements et pensent souvent qu'ils pourraient faire mieux.

"Je n'étais pas très bonne dans l'Atlantique jusqu'à ce que j'arrête finalement de m'inquiéter de mes performances et de ce que les marins en fauteuil pensaient de ma route",explique-t-elle. "J'ai cessé de me préoccuper de ça et je me suis dit "vous savez, je m'en fiche maintenant, je vais faire la course comme je veux" et puis j'ai commencé à faire de meilleures trajectoires."

"Si vous décidez de faire quelque chose à bord",poursuit-elle, "personne à terre ne sait, par exemple, que vous venez de traverser huit mètres de creux. A l'arrivée, je ne pouvais pas empanner - je ne pouvais pas aller au nord, même si cela aurait pu me faire entrer huit heures plus tôt, car c'était beaucoup trop dangereux et personne à terre ne le sait ça".

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Un autre stress unique de Miranda Merron était de naviguer sur ce parcours sans une assurance complète. Son bateau était couvert pour les incidents avec des tiers, mais s'il avait subi de graves dommages ou s'il avait été perdu, elle n'aurait eu aucun recours. Pour Miranda et Halvard, il s'agissait d'un risque calculé car la prime était trop élevée, compte tenu du budget global dont ils disposaient. Miranda a eu du mal à faire face à cette situation en mer. "Cette pensée était lancinante,"ajoute-t-elle. "C'était un pari et un effort difficiles et je ne le referai pas de cette manière".

Comme tous les ‘finishers’ de cette course, Miranda - qui songe déjà à retourner à la compétition en Class40 - a du mal à retrouver son mode de vie sur terre. "Je ne sais pas ce que je vais faire maintenant", dit-elle. "J'ai besoin de quelques jours de plus pour me rendre compte que j'ai fait le tour du monde toute seule. Pour l'instant, je veux manger, être propre et prendre des douches chaudes. Vous savez, deux heures après l'arrivée, la pression est retombée, l'adrénaline s'arrête et tout commence à faire mal".

Nous lui avons demandé quels conseils elle donnerait aux jeunes marins qui rêvent du Vendée Globe. "Tout est possible",a-t-elle dit, "mais c'est très difficile et il faut être prêt à manger beaucoup de pâtes".

Ed Gorman