14 02 230126 AMR 11HRT 0206

Les équipes sont limitées dans le nombre de voiles qu'elles peuvent utiliser pendant la course. Faire les bons choix est essentiel pour la performance...

Les voiles sont le moteur du bateau et conçues au millimètre près. Non seulement elles doivent avoir la bonne taille et la bonne forme, mais elles doivent également être fiables et durables. La plupart des voiles doivent tenir sur l'ensemble du tour du monde.

Les voiles sont également chères, c'est pourquoi l'IMOCA et les règles de The Ocean Race fixent une limite maximale du nombre de voiles autorisées pendant la course.

Thomas Jullien, jaugeur IMOCA, explique ces limites : "Selon la règle de classe, les bateaux sont autorisés à naviguer avec un maximum de huit voiles à bord, dont une doit être le tourmentin, qui est obligatoire. Ensuite, il y a une règle spécifique à The Ocean Race, selon laquelle chaque équipe est autorisée à utiliser un total de 11 voiles plus le tourmentin sur l'ensemble du tour du monde."

326586768 571484711696621 3374107718838315364 n

Le tourmentin est une petite voile triangulaire très robuste, conçue pour encaisser les pires conditions de vent. Il peut y avoir des moments où les bateaux n'utilisent que le tourmentin, dans des conditions apocalyptiques qu'ils préféreraient ne pas croiser, mais qu'ils pourraient pourtant rencontrer dans les mers du Sud par exemple.

Le tourmentin mis à part, toutes les autres voiles sont conçues pour atteindre la vitesse maximale plutôt que pour des raisons de sécurité. "Il y a des voiles évidentes, comme la grand-voile et les voiles d'avant J2 et J3", explique Thomas Jullien. "Celles-ci ne sont pas obligatoires mais personne ne s'en passe."

Une limite de 11 voiles ne laisse pas beaucoup de place pour les rechanges, c'est pourquoi chaque voile doit être suffisamment solide pour réaliser le bateau un tour du monde. Si une grand-voile est irréparable, l'équipe n'aura pas d'autre choix que de la faire remplacer par une nouvelle, dans le quota des 11 autorisées. Avoir déjà atteint son quota de voiles et ne pas avoir de grand-voile de secours serait une catastrophe pour une équipe.

Dans le domaine des voiles, il arrive que quelqu'un propose un concept révolutionnaire, une "solution miracle" à laquelle personne n'a pensé. Même si Thomas Jullien en a été témoin, en tant que jaugeur de la Classe, il est tenu de rester discret. Les détails de l'inventaire de chaque équipe restent confidentiels. "Quelqu'un pourrait me demander de tamponner une voile délirante au Cap et il serait alors intéressant de voir si les gardes robes deviennent de plus en plus typées ou non", spécule-t-il.

"Il n'y a pas de magie là-dedans. Plus vous dédiez une voile pour certaines conditions, moins elle est performante dans d'autres conditions. Jusqu'à présent, je ne pense pas que quelqu'un ait inventé une voile magique qui soit parfaite dans toutes les conditions. Il s'agit donc de déterminer les conditions que vous pensez rencontrer et le degré de spécialisation de vos voiles pour ces conditions. Ou bien voulez-vous des voiles offrant une palette plus large de vitesses et d'angles de vent, et qui vous permettront de moins changer en fonction des conditions de vent et de vagues."

S 14 02 230203 CHD GUYOT 6505© Charles Drapeau / Guyot environnement - Team Europe

En d'autres termes, tout ce qui concerne la conception des voiles relève du compromis. La solution généralement retenue est celle de chercher une bonne vitesse moyenne dans un éventail de conditions et d'angles de navigation, plutôt que de viser un angle d'attaque particulier.

Un autre compromis consiste à déterminer la résistance de vos voiles. Une voile plus solide est généralement une voile plus lourde, ce qui est idéal pour la brise soutenue et les conditions difficiles, mais moins pour des vents plus faibles où une voile plus légère passera mieux qu'une voile lourde. Comme l'explique Will Harris de Team Malizia, l'équipe allemande est très à l'aise avec son choix de voiles plus lourdes que la moyenne. "Nous avons vu d'autres équipes se battre avec des voiles endommagées lors de la deuxième étape et nous avons réussi à éviter tout cela", explique le marin britannique."Nous pensons que notre choix d'opter pour des voiles légèrement plus lourdes sera probablement bon pour la troisième étape également."

La préservation des voiles est en tête des priorités de chaque équipe, comme le précise Thomas Jullien. "Je pense que l'une des façons de comprendre cela est de voir ce qui est arrivé à GUYOT environnement - Team Europe au tout début de la première étape à Alicante où ils ont eu ce problème d'enroulement avec la voile J-0. S'il s'agissait d'une course de grand prix ou d'une course courte, vous auriez déroulé et réenroulé le J-0 sur le même angle de vent. Vous auriez pris le risque de ne pas changer de cap au portant, mais de tirer très fort jusqu'à ce que le mauvais pli se corrige. Vous ne voulez pas faire cela lors de la première étape de The Ocean Race. Au lieu de cela, vous vous mettez plein vent arrière, vous déroulez la voile sans la charger, vous vous assurez qu'elle est bien ré-enroulée, puis vous reprenez le cap et la course. C'est lent, mais cela permet de préserver la voile. C'est un changement d'état d'esprit important".

14 02 230125 ANA MALIZ 1005693© Antoine Auriol / Team Malizia

Et lorsque la voile est endommagée, il est essentiel de pouvoir la réparer efficacement, d'abord en mer, puis à terre sur une escale. Les voileries ont certainement été très occupées à Cape Town pour s'assurer que chaque équipe quitte le quai pour la plus longue étape de l'histoire de la course avec une garde-robe complète de voiles performantes.

La prochaine étape va certainement mettre à l'épreuve les hommes et le matériel comme jamais auparavant, et il sera intéressant de garder un œil sur la façon dont les équipes s'en sortent.

Source The Ocean Race