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Vendredi 3 mai, alors que Paul Meilhat navigue en troisième position de The Transat CIC, son IMOCA heurte un OFNI. Un événement non sans conséquence, qui endommage le foil et le puit bâbord de son IMOCA Biotherm, et contraint alors le skipper à ralentir. Après trois jours de silence, il met des mots sur cette épreuve.

"Biotherm navigue en 3e position à la sortie du centre dépressionnaire en route vers New York. Ça tape modérément, je suis dans le cockpit et je ne bouge pas du tout. Je regarde derrière, les 2 safrans sont en place et n'ont pas décroché. J’espère que c'est la quille car, considérant la faiblesse de l’impact, il ne devrait pas y avoir de dégâts. Dernière option, le foil, j'abats pour le faire sortir de l’eau à la contre-gîte et je vois que l'enveloppe externe a disparu.

Je vais à l'intérieur pour m’apercevoir des dégâts sur le puits en constatant une légère voie d'eau. Il va falloir y aller très mollo mais on peut naviguer. D’abord, on analyse d'un point de vue sécurité puis technique, ça occupe.

Qu'est-ce que tu as tapé ? Je n'en sais rien, mais peut-être verrons-nous des dégâts en inspectant.

Plutôt habitué aux aléas technico-course à la large ces dernières années, nous n'avons pas besoin de beaucoup communiquer avec l'équipe pour savoir ce qu'on doit faire : on va juste "faire avec". À terre, ils se mettent en ordre de marche et en mer je rumine ou l'inverse. J’ai encore des haubans et même des aériens qui fonctionnent, je ne vais pas commencer à me plaindre.

La première sensation qui arrive ensuite, c'est la fatigue, liée au relâchement de la pression car si la course n'est pas terminée officiellement, elle l'est en partie dans ma tête.

Alors on dit oui les valeurs et tout et tout, il n'empêche que la course, tu la fais pour gagner. Voilà c'était la petite parenthèse du sportif de haut niveau frustré qui va finir la course.

Puis, je repense à l'équipe technique, au sponsor, à tous ceux qui suivent le projet. Des mois de labeur au chantier pour que chaque détail se rapproche de la perfection. On y était à la perfection sur cette course, pas une ligne de job list. La douleur n'en est que plus grande. Puis, des sentiments qui surviennent plus complexes à exprimer.

C’est la même chose que doit se dire le cavalier qui tombe de cheval et qui sait que s’il ne remonte pas rapidement, ce sera compliqué, sauf que lui a le choix de ne pas remonter, nous non, on doit continuer. Difficile et bénéfique à la fois car le temps va faire son travail et cette fin de course servira sans doute de sas pour digérer ce gros coup au moral.

Ça commence à en faire pas mal d'expériences, de frustrations.

On en revient plus fort, j’ai entendu une fois cette comparaison : À chaque épreuve de la vie, on ajoute une brique dans son sac à dos. Le sac étant de plus en plus lourd, on devient de plus en plus fort, mais ce n'est pas forcément ma philosophie de vie. J'ai envie de garder cette insouciance, finalement d'être plus roseau que chêne.

J'étais venu chercher de la confiance dans le binôme marin/bateau sur ces transats aller-retour. On va dire que j'ai gagné en confiance en moi car sportivement ça se passait bien et un peu perdu confiance dans le bateau alors il faudra y retourner pour s'amuser égoïstement mais surtout le partager avec le plus grand nombre.

J'aime toujours autant la mer et la compétition donc ça devrait s'arranger.

J’ai 5 jours pour y penser..."

Paul Meilhat