2 11 transat jacques vabre 2019sans foils mais au r 1600 1200

La flotte de la 14e Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre s’étire ce dimanche matin sur 1000 milles (1 852 km) du premier Multi50 Groupe GCA – Mille et un sourires au dernier Class40 Terre Exotique…

Les plus rapides ont déjà la moitié de la course dans le tableau arrière et s’apprêtent à déborder l’archipel du cap Vert tout en cogitant sur la meilleure façon d’amadouer le Pot-au-noir. Ce gros tronçon de la Route du café, appelée Zone de Convergence Intertropicale, reste un endroit redouté des skippers qui subissent bien plus qu’ils ne maîtrisent les caprices du vent. A l’arrière, entre Madère et les Canaries, en route vers l’alizé tant désiré ! La dorsale se montre moins douloureuse que prévue avec toujours un peu de vent pour avancer. Derrière les leaders de chacune des classes (Groupe GCA – Mille et un sourires en Multi50, Charal en IMOCA et Crédit Mutuel en Class40), les duos cravachent sans relâche pour rattraper leur retard.

Banque Populaire dans le rétroviseur de Charal

Première nuit plus « tranquille » pour Charal en tête des Imoca malgré le sifflement continue des appendices dès que les 15 nœuds de vitesse sont dépassés. A ces allures portantes, pas de haute voltige pour les foilers, mais un coude à coude permanent avec les IMOCA à dérives. Banque Populaire réalise décidément un superbe parcours en deuxième position entre Charal et Apivia. Les stratégies se mettent en place mais pas de projection trop lointaine : « On prend les choses les unes après les autres. On va déjà négocier le cap Vert et ensuite on regardera le Pot-au-noir de plus près. Le Pot-au-noir n’est pas top en ce moment, on n’aimerait pas y être mais ça devrait s’arranger, on croise les doigts » expliquait Christopher Pratt ce matin. Dans le nord-ouest des Canaries, les retardataires reprennent des couleurs et le moral est au beau fixe. « Ce soir le matou est maté et nous sommes passés, en route vers un alizé tant désiré, et super affûtés pour aller jouer dans les pattes du prochain félin, le vrai Pot au Noir. » écrit Yannick Bestaven sur Maître CoQ à 140 milles de Pure, le dernier du premier groupe des IMOCA.

Les mots des skippers 

- Christopher Pratt - Charal 

Ça va bien, on arrive à se reposer, les conditions sont meilleures. Au-dessus de 15 nœuds, les foils sifflent en permanence donc on s’échange un casque anti bruit pour faire le vide surtout quand le bateau va vite. Là, on est à 18/20 nœuds de moyenne, c’est rapide sans plus, on a 20 nœuds de vent, on descend vers les îles du Cap Vert tranquillement. On ne sait pas encore par où on va passer, on profite des conditions calmes de la nuit pour se reposer, étudier la stratégie du passage du Cap Vert. Il fait noir, jamais vu autant de noir depuis que je fais de la course au large. Il y a eu un tout petit peu de lune en début de nuit mais là, c’est vraiment tout noir ! On a toujours le ciré, c’est humide, mais le jour, nous sommes en short et blouson étanche, il ferait même plutôt trop chaud pendant les manœuvres ! On n’a jamais vraiment eu froid sur cette transat. On barre pas mal mais quand il n’y a pas de repère comme en ce moment, on laisse le pilote. Les foils sont dehors mais ce ne sont pas des allures favorables pour ces bateaux. On a hâte que les angles se resserrent pour que le potentiel de Charal puisse s’exprimer complètement ! Le Pot-au-noir n’est pas top en ce moment, on n’aimerait pas y être mais ça devrait s’arranger, on croise les doigts. On prend les choses les unes après les autres... C’est tout de même plus simple car il y a moins d’empannage. Là, je vais rallumer mon téléphone pour écouter des podcasts, notamment un sur les femmes puissantes avec une interview d’Amélie Mauresmo !

- Benjamin Dutreux - Water Family

Tout va bien à bord de Water Family !
Je viens de prendre le quart en remplacement de Thom. On est bien fatigués ce soir...
Et pour cause:
Le passage de Madère ne fut pas si simple ! Même si les fichiers météo nous ont prévu un scénario parfait sur un bord, ce n'était pas le même cinéma dans la réalité. Le vent s'est mis à refuser à une cinquantaine de mille de Madère, on ne passe plus en un bord, on est dans un système bizarre avec pleins de grains de pluie... On évoque alors la solution de passer à l'est mais trop de risque de rester bloquer dans les dévents des hauts points culminants de l'île. On est alors contraint de faire un virement en travers de la route pour passer à l'ouest et on perd du temps précieux sur nos poursuivants... mais c'est ça aussi les aléas, ce n'est pas une science exacte.
Quelques temps plus tard on reçoit un appel de Sylvie de la DC qui s'étonne de notre trajectoire (juste pour souligner qu'ils passent nuit et jour du temps à scruter les routes des bateaux pour s'assurer d'aucune avarie ou problème).
Au passage de Madère, ça y est enfin on abat un peu et  le vent adonne ! ENFIN ! Le bateau revient à plat, plus de gîte scabreuse, maintenant place au surf avec le vent dans le dos ! Je peux vous dire que ça fait du bien !
AVARIE de grand GENNAKER :
Voulant être plutôt conservateur et toujours dans notre phase d'apprentissage, on envoie le grand gennaker, un peu plus petit et plus stable que le spi. Mais quelques heures plus tard, BAM, Thomas lève la tête, et on constate la voile déchirée... Cette voile n'aura pas beaucoup navigué avec nous mais elle en aura fait des milles avant nous !
Du coup hop c'est reparti, on roule, on affale et on décide d'envoyer le grand spi car les conditions sont bien maniables. On a envoyé qu'une seule fois cette voile à bord du bateau avec Nico pendant les essais. Elle est immense !
Nous voilà donc avec 3 changements de voile plus tard en route vers les alizés ! On devrait faire un empannage dans les heures qui suivent. Cap au sud, en route vers de belles glissades !!
Avec tout ça, on n’a pas eu beaucoup le temps de s'occuper de José, mais il va bien ! Il nous conseille de nous reposer un peu et il a bien raison, la route est encore longue !
A très bientôt 

- Yannick Bestaven - Maître CoQ

Hello la terre, petit mot de la nuit depuis Maitre CoQ. Nous glissons doucement sous un ciel étoilé, et le bateau m'a dit "vas au bureau leur écrire un mot, ca fait longtemps, tu exagères" . J'ai dit
"Ok c'est toi le patron". Alors me voilà le clavier sur les genoux, avec ma petite lampe frontale, pour vous conter l'actualité des gars de l'Ouest.

Pour revenir sur l'écriture, il faut bien avouer que côté communication, rien ne vaut une bonne petite option Sud : bateau à plat, rien qui ne valdingue au bureau, bref rien à voir avec une option ouest qui vous remue le mobilier et vous fait sécher les cours du soir parce que... c'est difficile et voilà tout. Mais revenons à nos moutons et voici en quelques mots la journée qui vient de se dérouler : un entraînement au Pot-au-noir. Passer l'axe de cet anticyclone a été une bonne grosse corvée. Deja parce qu'on y laisse un bon paquet d'énergie a régler, déplacer les poids, changer de voile, et quand c'est fini on recommence... Mais ça, c'est le job. Le côté pervers, c'est quand ce gros chat d'anticyclone veut jouer avec vous, petite souris, et vous fait croire dix fois que vous êtes passés avant de vous remettre sa grosse patte dessus en faisant tomber le vent. Ce soir le matou est mâté et nous sommes passés, en route vers un alizé tant désiré, et super affûtés pour aller jouer dans les pattes du prochain félin, le vrai Pot-au-noir. Je vous laisse le bateau m'appelle. Il a l'air content.

Yannick