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Sur la Course des Caps – Boulogne-sur-Mer – Banque Populaire du Nord, les reporters embarqués, ou OBR (Onboard Reporters), sont de retour et accomplissent un travail remarquable. À bord des IMOCA, ils capturent de l'intérieur la première épreuve des IMOCA Globe Series 2025, livrant au fil des jours images saisissantes, vidéos immersives, interviews et récits venus tout droit du large.

Après quatre jours de mer, les reporters embarqués à bord des dix IMOCA toujours en lice sur la Course des Caps, une boucle de 2 000 milles autour de la Grande-Bretagne et de l’Irlande, ont trouvé leur rythme. À bord, ils jonglent entre contraintes techniques, promiscuité et conditions parfois musclées, tout en veillant à ne pas gêner les marins. Leur mission : raconter la course de l’intérieur.

Parmi eux, la Française Anne Beaugé, figure bien connue du monde de la voile, retrouve les embruns après une pause consacrée à la maternité. Habituée de l’exercice – elle avait notamment embarqué sur Biotherm lors de la dernière The Ocean Race – elle savoure son retour en mer.

« Je vais bien », confiait-elle hier à la Classe IMOCA, alors que Holcim-PRB, skippé par Nico Lunven, progressait vers les îles Orcades, alors en quatrième position. Caméra en main et drone dans les airs, Anne documente la vie à bord avec son œil affûté : interviews, vidéos, clichés du bord et vues spectaculaires de l’extérieur. Elle partage avec enthousiasme « les nuages magnifiques, les roches impressionnantes et les côtes incroyables » qui jalonnent un parcours aussi exigeant que somptueux, de la Manche au nord de l’Écosse, en passant par les rivages sauvages de l’Irlande.

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Elle raconte son retour à bord des monocoques de course au large les plus rapides au monde : « Après presque deux ans de pause, je me sens à nouveau chez moi avec cette nouvelle équipe – comme un poisson dans l’eau ! » confie-t-elle à propos de l’équipage de Holcim-PRB, composé, aux côtés de Nico Lunven, de Franck Cammas, de la médaillée olympique néerlandaise Annemieke Bes et du navigateur britannique Alan Roberts.

« Je retrouve le rythme de la course en IMOCA comme si ma dernière navigation datait d’hier », confie Anne Beaugé. Une immersion rapide pour la photographe et vidéaste embarquée, où elle conjugue discrétion et réactivité pour capter l’essence de cette première étape des IMOCA Globe Series 2025.

Sa priorité : ne jamais gêner l’équipage. « Avant tout, je fais en sorte de ne jamais représenter un souci pour eux – je ne dois surtout pas être un problème », explique-t-elle avec pragmatisme. Dans ce huis clos flottant, chaque geste compte, chaque espace est partagé, et l’OBR doit savoir s’effacer… tout en restant aux aguets. « Quand je peux, j’essaie de faciliter un peu la vie à bord. Si je chauffe de l’eau, je remplis aussi le thermos de café », sourit-elle.

S 250702 AB HOLCIM 72A3878© ANNE BEAUGE 33684713372

Avec une pointe d’humour, elle résume son rôle : « Je suis un peu comme une petite souris ». Son art consiste à se fondre dans le décor, à capter une émotion, une tension ou un échange sans jamais perturber l’action. « J’essaie d’intervenir au bon moment quand je veux capter une réaction à la caméra. J’évite absolument de distraire la personne à la barre – même si c’est parfois tentant, entre deux clics d’appareil photo », ajoute-t-elle en riant.

Être embarquée sur une course d’un tel niveau est, pour elle, une chance rare. « Je ressens la concentration, les accélérations soudaines, tous les mouvements du bateau… Quel privilège ! », souffle-t-elle, toujours émerveillée par la magie de ces machines volantes et la précision de leurs équipages.

Elle se remémore aussi le départ, donné dimanche dernier dans un vent léger au large de Boulogne-sur-Mer : un moment fort en intensité malgré les conditions calmes. « Les premières heures ont été très intenses, comme toujours lors d’un départ de course. Les conditions légères ont permis aux bateaux de rester à vue les uns des autres, ce qui a maintenu un rythme soutenu et demandé une vigilance constante », raconte-t-elle. Moins physique qu’un départ dans du gros temps, mais pas moins exigeant sur le plan stratégique et mental.

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« Je pense que ces conditions légères ont permis de réduire le stress – les premiers jours à bord ont été relativement faciles », observe Anne Beaugé. Sur Holcim-PRB, l’équipage a pu prendre ses marques sans se heurter à la brutalité d’un départ dans le gros temps. « Tout le monde était très concentré, mais il n’y avait pas de tension excessive, même si le passage de la ligne de départ et le contournement de la première marque ont généré un peu de pression », note-t-elle.

À bord, l’organisation tranche avec les habitudes de la course au large. Pas de quarts formels sur le bateau mené par Nico Lunven, mais un fonctionnement par binômes, plus souple, plus organique. « Les marins se relaient, mais passent beaucoup de temps à la barre. Je crois qu’ils aiment ça, ressentir le bateau, être dehors, barrer longtemps… ce n’est pas si fréquent en IMOCA », remarque la reporter.

À quelques milles de là, sur TeamWork-Team SNEF, Gauthier Lebec vit une expérience marquante. Reporter embarqué aux côtés de Justine Mettraux, Carlos Manera Pascual, Xavier Macaire et Marie Riou, il raconte une première partie de course plutôt calme… jusqu’au lever du jour le long de la côte irlandaise, un moment suspendu.

S 250702 093409 0207 GLEBEC 071© © Gauthier Lebec

« Ce fut un réveil matinal à 5h00 sur le pont pour capturer ces magnifiques images du Fastnet, puis le long de la côte irlandaise — un temps parfait », confie-t-il. « C’était tellement splendide que j’ai rapidement terminé le montage de mes images du Fastnet avant d’aller manger un morceau dehors, la caméra pendue autour du cou. Je voulais tout photographier, c’était juste magnifique », se souvient-il, encore émerveillé.

Si l’équipage de TeamWork-Team SNEF applique un système de quarts plus traditionnel, la cohésion s’est forgée en amont, dans une atmosphère plus relâchée, loin des tensions du pont. Après une journée peu satisfaisante lors des runs de vitesse à Boulogne-sur-Mer, l’équipe a pris le temps de se retrouver autour d’un dîner.

« Ensuite, nous sommes tous allés au restaurant en équipe complète, et j’ai vraiment senti que la tension retombait », raconte Gauthier Lebec. « On avait tous en tête : “OK, la vraie course va commencer maintenant.” Les choses sont devenues plus sérieuses. C’est à ce moment-là que la cohésion a vraiment commencé à se créer. »

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Au fil des milles, Gauthier Lebec observe avec attention l’organisation qui se met en place à bord de TeamWork-Team SNEF. « Le premier jour et la première nuit après le départ étaient peut-être un peu moins bien structurés, reconnaît-il. Mais ensuite, tout s’est mis à bien fonctionner », analyse-t-il. À mesure que les milles s’enchaînent, les automatismes se développent. Il remarque aussi une certaine souplesse dans la gestion des quarts, notamment chez Justine Mettraux et Xavier Macaire. « Ils font leurs relais, mais restent aussi disponibles : Justine pour surveiller les réglages du bateau, Xavier pour la navigation », précise-t-il.

Au-delà de l’observation technique, le reporter apprécie l’atmosphère chaleureuse à bord. « Je commence à connaître chaque personne, dit-il. Et honnêtement, c’est un vrai bonheur, l'ambiance est super cool. » Il souligne aussi ce regard unique que lui offre son poste : « J’apprends à les connaître à la fois personnellement et à travers l’objectif de ma caméra, ce qui donne une perspective totalement différente. Et je trouve comment aborder chacun au bon moment, pour filmer, photographier ou poser une question face caméra. »

À bord de Holcim-PRB, Anne Beaugé anticipait déjà un changement de décor, avec l’arrivée prochaine sur la façade ouest de l’Irlande. La remontée vers le nord, souvent plus exposée, s’annonçait plus technique et inconfortable. « Il faut anticiper des conditions plus rudes à bord, des déplacements plus limités, un sommeil plus perturbé – et trouver des moyens créatifs pour capturer cette ambiance en images », confiait-elle alors, lucide et déterminée.

Ed Gorman