Transat Café L’OR I une partie d’échecs dans le petit temps pour la flotte IMOCA au large des Canaries.

Après cinq jours en mer, le groupe de tête de la flotte IMOCA, forte de 18 bateaux engagés dans la Transat Café L’OR, se retrouve resserré dans une vaste zone de vents faibles au nord des Canaries, avec 11th Hour Racing actuellement en tête.
Sur la route vers la zone de calmes au nord des Canaries, Jérémie Beyou et Morgan Lagravière (Charal) ont longtemps mené la descente vers le sud, talonnés par Sam Goodchild et Loïs Berrehar à bord de MACIF Santé Prévoyance. Mais, au cours des dernières vingt-quatre heures, une option légèrement plus à l’ouest choisie par Francesca Clapcich et Will Harris sur 11th Hour Racing s’est révélée judicieuse. Le duo en a profité pour prendre les commandes, entraînant dans son sillage plusieurs concurrents ayant opté pour la même trajectoire.
Au classement de midi, 11th Hour Racing filait à 8,4 nœuds, avec 8,6 milles d’avance sur Charal, deuxième, tandis que MACIF Santé Prévoyance pointait deux milles plus loin, en troisième position. Derrière, Teamwork-Team SNEF restait en embuscade à moins d’un mille, et Allagrande MAPEI complétait le top 5, à un peu plus de onze milles du leader.
Les prochaines vingt-quatre heures s’annoncent décisives. Les skippers vont devoir tirer le meilleur de leurs IMOCA dans les vents faibles, avant d’aborder les Canaries, désormais à moins de cent milles dans le sud. À cet instant, ils devraient enfin accrocher les premières brises venues de la côte africaine, prélude aux alizés de nord-est qui les lanceront vers l’Atlantique.

Depuis la terre, une observatrice avisée suit avec attention cette course palpitante : Abby Ehler, navigatrice britannique chevronnée, habituée de la Volvo Ocean Race et de The Ocean Race. Cette année, elle a embarqué sur deux étapes de The Ocean Race Europe à bord d’Allagrande MAPEI, au sein de l’équipage mené par Ambrogio Beccaria.
Ehler souligne que les neuf premiers IMOCA, désormais regroupés en moins de vingt milles évoluent désormais dans des conditions météorologiques similaires. « Ils sont coincés presque au centre de la dorsale et tentent de faire le saut pour attraper les alizés », explique-t-elle. « Dans les vingt-quatre prochaines heures, il n’y aura sans doute pas plus de trois à quatre nœuds de vent. Ils vont devoir simplement essayer de gagner du terrain vers le sud. »
Selon elle, chaque duo devra mobiliser toutes les ressources à sa disposition, des données numériques aux observations directes sur l’eau, pour affiner sa stratégie. « Dans le petit temps, tout se joue sur une combinaison de facteurs », explique-t-elle. « Les marins analysent tous les modèles météo pour tenter d’y discerner une tendance commune. Lorsque les prévisions convergent, cela donne davantage de confiance pour tracer la route. »
« Mais lorsque les modèles divergent, il faut alors se fier à son instinct ou observer attentivement les moindres indices visuels susceptibles de confirmer l’un des scénarios », poursuit-elle. « C’est une phase délicate : le vent est très faible, maintenir les bateaux en mouvement relève du défi, et la clé reste clairement de descendre vers le sud. »

Concernant les infimes écarts dans le groupe de tête, Ehler souligne que 11th Hour Racing a profité d’un peu plus de pression à l’ouest, ce qui lui a permis de dépasser Charal et MACIF Santé Prévoyance, positionnés entre dix et vingt-cinq milles plus à l’est.
« Pendant la nuit et tôt ce matin, ils évoluaient dans une zone nettement plus favorable », précise-t-elle. « Mais si l’on regarde la situation actuelle, avec la légère différence de direction du vent entre ces deux groupes, la suite promet d’être passionnante. Au cours de la dernière heure, MACIF Santé Prévoyance et Charal ont retrouvé un peu plus d’air : on pourrait presque assister à une convergence. »
« Je suis vraiment impressionnée par ces deux-là », confie-t-elle. « D’après ce que je sais, ils n’ont pas une grande expérience du double. Ils ont certes beaucoup navigué en équipage, notamment sur The Ocean Race en 2023 et The Ocean Race Europe cette année. Will connaît parfaitement le bateau pour avoir fait le tour du monde à son bord, mais ils n’ont pas beaucoup navigué ensemble. Francesca, issue de la voile olympique, s’est pleinement investie dans la course au large et le double. Chapeau à eux, c’est un duo à suivre de près. »

Revenant sur les premières étapes de cette traversée de l’Atlantique entre Le Havre et la Martinique, Abby Ehler souligne que la navigation dans le golfe de Gascogne n’a pas été aussi éprouvante qu’elle peut l’être à cette période de l’année. Selon elle, le véritable test s’est joué plus tôt, dès la sortie de la Manche.
« Ce fut une nuit difficile pour s’extraire de la Manche, en essayant de rester proche de la côte pour éviter le pire », raconte-t-elle. « J’imagine que la mer devait être terrible. Physiquement, les exigences sont énormes pour maintenir le bateau sur sa trajectoire, surtout si près de la terre et des autres concurrents. Ils ont dû être épuisés après ça. »
Abby Ehler identifie également un élément à surveiller : les conditions météorologiques à venir pourraient bien favoriser Yoann Richomme et Corentin Horeau sur Paprec Akéa. Contraints de revenir au Havre après avoir heurté une bouée et endommagé leur gréement, les deux hommes occupent actuellement la 17e place, à 530 milles du leader, mais progressent à 23 nœuds à l’ouest de Lisbonne. « Yoann a clairement envie de rattraper le temps perdu », note Ehler. « Pour lui, il y a une réelle opportunité de revenir dans le jeu si la situation évolue comme prévu. »
Derrière le groupe de tête, la « division dérives droites » reste menée par Nico d’Estais et Simon Koster sur Café Joyeux, 11es au classement général, à 171 milles de 11th Hour Racing. Ils sont talonnés par Louis Duc et Masa Suzuki sur Fives Group-Lantana Environnement, à une trentaine de milles, tandis que Fabrice Amedeo et Andreas Baden, sur FDJ United-Wewise, occupent la troisième place de cette catégorie, à une centaine de milles derrière Duc et Suzuki.
— Ed Gorman
Info Teams
PODCAST. Pos. Report #236 avec Jérémie Beyou
Ce 236e épisode de Pos. Report reçoit Jérémie Beyou, vainqueur en Imoca de la Transat Café L’Or aux côtés de Morgan Lagravière à bord de Charal.
•••Sam Goodchild sacré champion IMOCA Globe Series pour la deuxième fois
Au terme d’une saison 2025 parfaitement maîtrisée et ponctuée de trois victoires, le Britannique Sam Goodchild décroche pour la deuxième fois en trois ans le titre de champion des IMOCA Globe Series.
•••