Yoann Richomme et Antoine Cornic : L'histoire de deux bizuths au cœur de l’Océan Austral

En voyant sa performance sur le Vendée Globe, sa maîtrise, sa régularité exceptionnelle et son esprit de compétition, on en viendrait presque à oublier que Yoann Richomme est l’un des débutants de cette flotte désormais forte de 38 concurrents.
Actuellement, lancé à pleine vitesse au portant, à 620 milles à l’est du cap Leeuwin, à l’extrémité sud-ouest de l’Australie, Yoann Richomme, skipper de Paprec Arkéa, occupe une solide troisième place. Il se trouve à moins de 400 milles du leader Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance).
Si l’écart reste conséquent, il se réduit peu à peu, et dans l’histoire du Vendée Globe, des écarts similaires ont déjà été comblés. Avec encore 12 700 milles à parcourir, Yoann Richomme est loin d’être écarté de la course à la victoire. D’ailleurs, rappelons que, sur les neuf éditions précédentes, six ont été remportées par des bizuths.
Lorsqu’il répond aux questions de la Classe, depuis son bateau situé à 950 milles au sud des côtes australiennes, le double champion de la Solitaire du Figaro (2016 et 2019) se montre serein et confiant quant à son parcours jusqu’ici.
« Déjà un mois en mer, et c’est drôle, je n’ai pas l’impression que ça fait si longtemps, » confie Yoann Richomme. « C’est ma plus longue période en mer, c’est sûr, mais tout se passe bien. Je suis dans mon rythme, je navigue proprement, et mon bateau est en excellent état. Honnêtement, je ne pourrais pas demander mieux. »
Interrogé sur sa capacité à gérer son effort sur une course aussi exigeante, le skipper de Paprec Arkéa laisse entendre qu’il évolue encore loin de ses limites. « Franchement, je ne trouve pas ça très dur, » admet-il avec sincérité. « Oui, on est fatigués – c’est toujours le cas – mais ce n’est pas insurmontable. On n’a pas eu tant de manœuvres à faire. Ce qui fatigue vraiment, c’est le mouvement constant du bateau, ça secoue tout le temps, et ça finit par être agaçant. Mais sinon, je donne tout ce que j’ai. Le reste, c’est beaucoup d’attente devant l’ordinateur, à surveiller les voiles et à optimiser chaque détail. »
Pendant ce temps, les performances fulgurantes de Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) et de Sébastien Simon (Groupe Dubreuil) ont impressionné les suiveurs de la course, notamment dans l’Atlantique Sud et les premières latitudes de l’océan Austral. Mais Yoann Richomme, qui a opté pour une trajectoire plus au nord afin d’éviter le pire de la plus grande dépression de la course, ne partage pas cet enthousiasme. Toujours en lice pour le podium, voire pour une première victoire, il délivre un message clair : rien d’extraordinaire ne se joue en tête de flotte.
« Je ne pense pas qu’ils aient vraiment poussé si fort, » analyse Yoann Richomme. « Ils ont pris des risques, tenté un pari, et ça a payé. Mais je ne crois pas qu’ils aient navigué plus intensément que moi, ni plus vite. »
Pourtant, rattraper Charlie Dalin et Sébastien Simon reste un défi de taille, d’autant que le skipper du Groupe Dubreuil, malgré la perte de son foil tribord, continue d’afficher un rythme impressionnant. Yoann Richomme reste pragmatique : « Je n’ai pas de stratégie particulière pour remonter. J’essaie simplement de faire de mon mieux. Je pense que je suis plus rapide que Sébastien la plupart du temps, donc je vais essayer d’exploiter cet avantage. Mais avec les longues périodes à tribord amures à venir, il ne sera pas gêné par son foil endommagé puisqu’il sera sur le bâbord. Cela rendra évidemment la tâche plus difficile. »
Si rattraper les leaders est un objectif, le skipper de l’IMOCA bleu et rouge est tout aussi concentré sur la défense de sa troisième place. Pas question de se laisser dépasser par Thomas Ruyant (Vulnerable), actuellement à environ 180 milles à l’ouest de Paprec Arkéa. « Élargir l’écart avec Thomas Ruyant est une priorité, » insiste-t-il, affichant clairement son refus de céder du terrain à ses poursuivants.
« Mon objectif principal, si je puis dire, c’est de m’éloigner des poursuivants, car je déteste avoir quelqu’un dans mon rétroviseur, » explique Yoann Richomme. « Je mets tout en œuvre pour éloigner Thomas le plus possible. Et bien sûr, cela me rapproche directement de la tête de la course. Je donne toujours 100% et je n’ai jamais ralenti. »
À bord de son Antoine Koch-Finot Conq, Yoann Richomme n’a jusqu’ici rencontré que peu de problèmes à part quelques réparations sur son siège de cockpit à amortisseurs sur-mesure. « Tout semble fonctionner normalement, » indique-t-il, soulignant une vigilance constante sur l’état de son bateau.
Plus loin dans la flotte, à la 31e place, le rookie Antoine Cornic poursuit sa route malgré les embûches. À la barre de Human Immobilier, un bateau de 2005 équipé de dérives droites, il a perdu une voile d’avant après un « départ au tas » dans une rafale. Ancien restaurateur, Antoine Cornic, 44 ans, a quitté son métier pour revenir à la voile et relever le défi du Vendée Globe, après avoir pris part à la Mini Transat en 2001.
Depuis une position à environ 630 milles au nord-ouest des îles Kerguelen, Antoine Cornic a confié à la Classe qu’il ne regrettait pas un instant sa décision de viser le Vendée Globe. « Ce qui m’a poussé à quitter la restauration, c’est ce profond désir de retrouver la mer, de me mesurer aux autres, et enfin de réaliser ce rêve que je porte depuis toujours : participer au Vendée Globe, » raconte-t-il. « Il m’a fallu 20 ans pour en arriver là, pour tourner la page d’une vie que j’avais construite à force de travail acharné. Mais aujourd’hui, je suis heureux d’avoir sauté le pas, et encore plus heureux d’être ici, au cœur de cette aventure unique. »
« Ça n’a pas été facile – ni pour moi, ni pour ma famille, » admet-il. « Il a fallu tout réorganiser. Ce n’est pas comme se lever le matin, aller au marché aux poissons, travailler sur son menu et accueillir ses clients. C’est un tout autre métier. Mais je ne regrette rien, et je compte savourer chaque moment de cette expérience. »
Émerveillé par les albatros qui l’accompagnent, Antoine Cornic fait pourtant face à des conditions extrêmes. Le froid, notamment, commence à se faire sentir, tout comme l’humidité omniprésente à bord. « Tout est trempé et tout est froid. Il fait 6 degrés à l’intérieur du bateau en ce moment. Ce sont des lieux où presque personne ne s’aventure, et on comprend vite pourquoi, » conclut-il, entre résilience et admiration pour la nature qui l’entoure.
Ce qui distingue Antoine Cornic, c’est sa capacité à transmettre son sens de l’aventure. En tant que rookie dans cette course hors du commun, il est évident que le Vendée Globe correspond pleinement à ses attentes. « C’est ma première fois dans l’océan Austral, » confie-t-il. « C’est incroyable de regarder la carte sur l’ordinateur et de réaliser qu’on est en plein milieu, dans un endroit où il n’y a rien, dans un environnement inconnu ! Pourquoi sommes-nous ici ? Je n’ai toujours pas de réponse. Cela fait quatre semaines que je suis en mer ; je ne suis pas loin des Kerguelen, mais il me reste encore plus de la moitié de l’océan Indien à traverser. »
« C’est une expérience unique et incroyable de naviguer dans ces eaux, » ajoute-t-il. « Je tente de savourer chaque instant, malgré les difficultés et la complexité de la situation, mais je suis vraiment heureux d’être ici. »
Ed Gorman (traduit de l’anglais)
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