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A l’occasion de la journée mondiale de l’Océan, Alexia Barrier revient sur son engagement envers les océans avec son projet 4Myplanet. Elle nous raconte son parcours et comment elle est devenue navigatrice pour la science.

Nous sommes le 8 juin, c’est la Journée Mondiale de l’Océan. Et j’en profite pour vous donner des nouvelles. Ou pas tout à fait, plutôt je vais vous raconter une histoire, comment je suis devenue navigatrice pour la science. Cette histoire je l’ai déjà raconté à l’occasion d’un TEDx Talk à Monaco en 2016. Mais c’était en anglais et j’en connais certains.es d’entres vous qui n’ont pas trop d’affinités avec cette langue. Alors voici pour vous l’histoire de la naissance de 4myplanet et de mon engagement pour la science.

Quand j’étais jeune, j’étais basketteuse professionnelle. Ou presque…en fait, je jouais en équipe régionale… j’avais 12 ans. Un jour quelqu’un m’a dit « Alexia tu es trop petite pour jouer au basket ball… » Mon rêve alors s’effondre. Heureusement j’en avais un autre, un rêve que je gardais alors secret…
Cette fois-ci je garde ce rêve pour moi. Personne n’aura l’opportunité de pouvoir détruire celui là!
Ma première fois sur un voilier c’était quand mes parents on décidé de déménager de Paris à Nice. J’avais 3 ans. Quelle chance! Autrement c’étais pas gagné je n’étais pas franchement en route pour devenir navigatrice. Mes parents ne sont pas riches, ni connus dans le monde de la course à la voile… Et pourtant ils m’ont offerts quelque chose de précieux: ma passion pour la mer.

Travaillant et m’entraînant dur, à 20 ans je réalise que je suis une des meilleurs navigatrice de ma génération. Il était temps pour moi de passer le pas et d’aller chercher un sponsor pour m’attaquer à la traversée de l’Atlantique en solitaire.
Je travaillais alors comme monitrice de voile et serveuse dans un restaurant pour payer mes études et mes régates, je devait trouver ce sponsor mais je ne connaissais personne.
Le 10 octobre 2003, avec 20 euros en poche pour terminer le mois… Je saute dans ma voiture et conduis jusqu’à Marseille pour apporter un dossier de partenariat à mon amie Gine. Elle travaillait alors pour une marque de vêtements surfwear très connue, ROXY. Un mois plus tard j’ai mon premier rendez-vous et j’allais courir ma première course en solitaire, parmi 80 bateaux, mesurant tous seulement 6.50 mètres, la Transat 6.50 de La Rochelle en France à Salvador de Bahia au Brésil.

Depuis j’ai couru 17 courses Transatlantiques, et navigué avec les skippers les plus connus: Poupon, Peyron, Arthaud …Peut-être que vous ne les connaissez pas mais dans mon monde ce sont les Di Caprio, ou Angelina Joly … Ce sont des personnalités dans mon univers!
Le 21 juin, ma vie allait prendre un courant définitif. J’arrive en Europe, au départ des Etats-Unis, à la voile… pour la première fois je ne me suis pas rendue compte que j’approchais des côtes de part ce phénomène vraiment spécial, la magnifique odeur de la terre. J’ai su que j’approchais de la terre à cause de la tonne de déchets, d’ordures et de plastiques qui flottaient à la surface de l’eau!!! Je ne pouvais plus être seulement une navigatrice. Il fallait que j’agisse.

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Bien entendu je ne savais pas exactement quoi faire… Et je ne suis pas une scientifique! La seule chose que je savais c’est que mon prochain projet serais de naviguer autour du monde sur un voilier du Vendée Globe de 60 pieds. Mon objectif à toujours été de faire cette course autour du monde non-stop et sans assistance, le Vendée Globe. Alors pourquoi pas allier mes deux projets ensemble? La course et la préservation de l’Océan? Qu’est ce que j’ai à perdre?

J’allais convaincre les scientifiques que je ferais de la recherche océanographique pour eux!
J’ai commencé à en savoir plus sur l’Océan en lisant, parlant à des navires de recherche et des vrais scientifiques. Je voulais comprendre comment les instruments et les capteurs fonctionnaient et comment je pouvais les gérer en solitaire sur mon voilier monocoque de course de plus de 18 mètres.
Souvenez vous du Prince Albert Ier, qui il y a deux cents ans faisait déjà des expérimentations pour la science sur son navire l’Hirondelle, ils étaient à l’époque plus de 10 personnes d’équipage sur ce navire d’expedition… La technologie et les communications me permettent aujourd’hui de faire un grand voyage à la voile en solitaire. C’est juste incroyable!

C’était le premier septembre 2009.
Je prends la décision de collecter des donnée in situ en surface. Avec de moins en moins de budget les navires de recherché se font plus rares, ça aidera certainement la recherche portant sur l’observation de l’Océan. Je vais prendre des données de température et salinité.
Cela va me couter dans les 20000€ d’acheter l’instrument qui convient, un thermosalinomètre… Ouch!
Bon à un moment donné dans la vie il faut savoir arrêter de douter, et se lancer! Je veux faire une action pour l’Océan et je le ferais!
 J’ai finalement eu des supports incroyable pour cette aventure, S.A.S. le Prince Albert II de Monaco et sa Fondation, l’Institut Océanographique, le Ministère de la recherché en France, le Ministère de l’Education à Monaco… Jean-Victor Pastor et le Yacht Club de Monaco.
Plus d’1 millier d’enfants me suivaient désormais dans ce challenge!

Au même moment il m’a fallu convaincre les scientifiques. Au début ils remettait en cause mon manque d’expérience dans la recherche océanographique … bla bla bla
Vous savez, au départ quand on demande quelque chose, les gens vous répondent « non ». Vous ne l’avez jamais remarqué? Bon mais moi j’avais l’habitude ce n’était pas la première ni la dernière fois que j’allais rencontrer un « non ».
Finalement, j’ai trouvé un personne formidable avec qui échanger, Loick Petit de la Villeon en charge d’un programme européen sur l’Observation de l’Océan. Et quelques jours après l’Agence Internationale des Energies Atomiques de Monaco, qui me demande de leur rapporter des échantillons d’eau de mer. Ils en avaient besoin pour comparer la concentration de cette substance radioactive que l’on trouve à l’état naturel à la surface de la mer. Pour celles et ceux qui n’ont pas saisi, j’étais maintenant dans le Hollywood Studios de la recherche océanographique!
J’étais prête à appareiller avec mon bateau, mes supporters étaient là au départ et je ne savais pas encore jusqu’où j’irais dans ce challenge…

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J’ai quitté Monaco le 11 janvier 2010, avec tous les enfants de le Principauté dans le port venus pour m’encourager, ma prochaine escale allait être Cape Town en Afriques du Sud…

Durant la première nuit, la lune était timide, les rafales de vents violentes soufflants à plus de 70 km/h. Les fameuse vagues du Golfe du Lion me secouaient, j’avais l’impression d’être dans une machine à laver. Mais tout était parfait. J’ai pu dormir un peu et le traffic des cargos n’était pas trop intense. Le thermosalinomètre fonctionnait bien, j’avais déjà collecté plus de 900 données pour le programme Coriolis et GOSUD. Et j’avais également prélevé mon premier échantillon d’eau pour l’AIEA.

Le troisième jour j’ai du m’arrêter. J’était folle de rage de faire ce choix mais mon équipe à terre don’t Lionel Péan m’a convaincue. J’étais proche des îles Baléares. Et ils ont eu raisons car les toits des maisons à Valence s’envolaient, les rafales soufflaient à plus de 120 km/h.
Je repartait le jour d’après, cette fois -ci ma prochaine escale serait bien Cape-Town. Et je suis heureuse de pouvoir relancer mon thermosalinomètre.

Le 17 janvier, j’arrive près de Gibraltar. Avec un vent joueur et pas mal de cargos sur mon chemin qui me font sentir comme une trottinette sur l’autoroute au milieu des camions, un vrai cauchemar.
J’ai fait des micro-siestes de 5 à 10 minutes pour ne pas perdre ma lucidité, ne pas risquer de m’échouer sur la côté marocaine, ou rentrer dans un cargo, ou dans un des nombreux pécheurs marocains!

Après une semaine de navigation, j’ai hâte de quitter ce piège à souris et de rejoindre l’Ocean Atlantique. Je remplis ma troisième bouteille pour l’AIEA et j’ai 76500 données collectées avec le TSG.

Je suis allée à Cape Town, Rio de Janeiro et New York … Presque 5 mois en mer!

Quand je suis en route le 31 mai pour retrouver Monaco, j’ai vécu une expérience unique lors de mes derniers moment en mer de ce voyage. Alors que je dormais, soudain j’entends un grattement à l’étrave de mon bateau. Deux globicéphales étaient en train de se frotter à mon bateau, ils voulaient me dire quelque chose. J’étais proche des îles Baléares, une maman globicéphale était en train de donner naissance, 100 mètres à l’avant de mon bateau. Les autres mammifères de cette tribu nageaient autour d’elle pour la protéger.
Ca a été la dernière image que j’ai gardé dans mon coeur avant de rejoindre la Principauté, les enfants et les scientifiques qui m’y attendaient.

Qu’est ce que tout cela nous aura apporté?
Pour la première fois dans l’histoire, une femme est partie naviguer en solitaire pour la recherche scientifique.  40000km, soit l’équivalent d’un tour du monde complet.

J’ai fait ce voyage, qui a eu des conséquences pour le monde.

Le TSG à rapporté des informations utiles pour les programmes internationaux de recherche, Coriolis et GOSUD (Global Surface Ocean Underway Data). 1 million de données collectées au total. Ces données sont ensuite entrées dans une banque mondiale de données gratuite et accessible à tous les chercheurs et tous les étudiants qui travaillent sur l’Océan et le changement climatique.

C’est absolument incroyable ce que l’on a fait!

Enregistrer des données sur le tritium et l’iode méticuleusement analysées par l’AIEA. Présent à l’état naturel, à de fortes doses par exemple dans certaines espèces de végétaux, il peut devenir dangereux pour l’Océan. J’ai rempli une bouteille de 1,5 litres tous les 3 jours, après 150 jours en mer, je reviens avec 100 bouteilles d’eau collectée en surface.
Nous an savons plus sur la pollution radioactive avec ces échantillons.

Maintenant je suis certaine de quelque chose, je ne suis pas seulement une navigatrice, je suis une navigatrice et un outil pour la science. Et vous aussi, demandez vous, comment vous pourriez aider la science tout en poursuivant votre passion.