Sans titre

Chaque jour, à 5h du matin et à 10h, les skippers sont appelés depuis la terre pour prendre des nouvelles du bord et des conditions de mer. Voici ce que Jérémie Beyou (Charal), Damien Seguin (Groupe Apicil), Miranda Merron (Campagne de France) et Clarisse Crémer (Banque Populaire X) nous racontent ce lundi 6 juillet...

Damien Seguin, Apicil – 05h00

 « J’ai des problèmes d’énergie à bord. Je me suis rendu compte que quand le bateau tapait - et il faut dire que ça tapait pas mal dans les vagues quand on était au près – en montant sur l’Irlande, j’ai remarqué que toute la fixation moteur où se trouve la production d’énergie avec l’alternateur avait complètement cassé. J’ai regardé rapidement ce que je pouvais faire et je me suis rendu compte que malheureusement je ne pouvais pas du tout réparer. Ça paraissait compliqué de continuer comme ça au près sans pouvoir recharger les batteries du bord donc j’ai pris la décision avec l’équipe de rentrer à Port-la-Forêt.

J’ai plusieurs sources d’énergie à bord, on a des hydro générateurs qui permettent de fabriquer de l’électricité avec la vitesse du bateau. La problématique, c’est quand on va à des allures faibles ou alors au près quand ça tape beaucoup on ne peut pas trop s’en servir ça ne produit pas assez pour au moins étaler la consommation qu’on a à bord avec le pilote automatique et les ordinateurs. Après en complément on a des panneaux solaires mais pour ça il faut du soleil pour que cela puisse produire. Après la plus grosse source de production ça reste le moteur thermique qu’on a à bord qui est couplé soit à une génératrice soit à un alternateur qui produit de l’énergie. Moi j’étais un petit peu dans l’impasse quand je me suis rendu compte de la casse du support d’alternateur parce que les panneaux solaires ne sont pas encore installés sur le bateau donc je n’avais pas cette source là et comme je disais, en étant au près dans une mer formée les hydro générateurs ne produisent pas suffisamment donc j’étais un petit peu coincé et vu les conditions météo de la nuit et des prochains jours, il n’était pas question de commencer cette longue traversée comme ça. On a donc pris la décision de faire demi-tour.

La mer était assez formée, je voyais bien que le bateau était sollicité. Malheureusement ça fait partie des casses matériels, la course au large est un sport dépendant de ces choses-là.

Là, j’ai passé l’île de Sein, je ne suis plus très loin du port d’attache du bateau. Je vais retrouver l’équipe technique à Port-la-forêt et on va étudier les différentes solutions qui s’offrent à nous. Je devrais arriver au petit matin vers 7h30/8h. On va tout de suite se mettre au travail. Je ne sais pas encore si c’est réparable ou non. 

Il y a beaucoup de déception, je n’ai pas fait demi-tour de gaité de cœur. J’étais bien avec le bateau, je me sentais bien, j’étais dans un bon petit groupe de bateaux. C’est la première fois que je fais demi-tour sur une course. »



Jérémie Beyou, Charal -  05h53

« La mer s’est un peu arrangée mais il y a toujours des bons paquets ! Là, tribord amures on a vraiment la mer de face donc ce n’est pas facile de faire avancer vite le bateau. Le vent a un peu molli donc c’est quand même un peu moins désagréable. J’ai réussi un peu à dormir, je ne sais plus quand… Hier matin ? Et puis cette nuit un petit peu, je n’aurais peut-être pas dû d’ailleurs. C’est tonique comme début de course et là c’est parti pour les enchaînements de dépressions donc on n’a pas beaucoup de temps pour manger dormir prendre soin de soi. Je n’ai pas eu le temps de faire un tour du bateau non plus, il faudrait que j’arrive à tenir debout dans le bateau pour le faire. La mer doit se calmer donc ça sera plus propice un peu plus tard dans la journée. Nous avons pas mal manœuvré cette nuit au large des côtes irlandaises. L’idée c’était d’aller chercher une mer plus plate et un peu moins de vent en se rapprochant de la côte. Malheureusement ça n’a duré qu’un temps. Au niveau des conditions, ça rappelle un peu la Solitaire du Figaro. Pour chaque virement de bord, selon les voiles que tu as à l’avant, il faut compter entre 20 et 30 minutes entre le début du matossage et la fin de la manœuvre. Cette nuit, on a quand même eu 35 nœuds avec la mer qui allait avec, je suis passé sous deux ris et J3, ce qui ne facilite pas les manœuvres, mais comme ça le bateau était un peu moins volage.  Le problème, c’est plutôt la suite là, comment va se présenter la dépression à venir. On se demande comment on va arriver à la Bouée COI-UNESCO et comment on va en revenir. Je ne sais pas encore si je retourne vers la côte ou pas, la météo n’est pas tout à fait claire selon moi. »

 





Miranda Merron, Campagne de France – 09h00

"Au niveau météo, ce n’est pas très clair, la première petite dépression passe très vite mais je pense que ça va être assez désagréable, il va falloir faire attention. J’ai bien l’impression d’être à l’école, car j’ai à peine navigué depuis le mois de décembre au retour du Brésil. On a navigué seulement 4 jours, dont 1 seule journée avec un peu de vent. Je pars en solitaire sur 3600 milles sans avoir eu le temps de m’entraîner car on travaillait sur le bateau. Je commence à me rappeler comment ça marche et j’apprends des trucs tout le temps ! Quand on fait une erreur une fois on ne la refait pas deux fois. Malgré moi j’ai pu dormir, mais je ne l’ai pas bien géré. C’est compliqué de trouver les bons réglages au près quand le vent change de force tout le temps… Tant pis, je suis en entraînement ! Je n’ai pas assez mangé, comme d’habitude.

Un virement de bord sur mon IMOCA, c’est monstrueux comme boulot, surtout quand il y a de la mer et du vent comme ça. Rien que de matosser les voiles… Après si on a le temps, il faut matosser tout le reste du matériel. Vider les ballasts, descendre la dérive, vérifier que tout est clair, ne pas oublier de remettre la quille au milieu… (J’ai déjà essayé ça !) C’est vrai que ça prend beaucoup plus de temps sur un IMCOA que sur un Class40. Plus il y a de la mer, plus c’est difficile. Ça peut foirer assez facilement ! Et après c’est vraiment embêtant. C’est à peu près le même effet que lorsqu’il vire intempestivement à cause d’un problème de pilote.

Pour la météo, ce n’est vraiment pas clair, je n’ai pas encore de stratégie. Il faut vraiment que je m’y mette… Je vais regarder dans les feuilles de thé dans le fond de ma tasse et voir si j’y vois un peu plus clair !"

Clarisse Crémer (Banque Populaire X) - 10h10

« Je suis un peu fatiguée, parce que le rythme a été soutenu pour un début de course, avec pas mal de choses à faire. Ce matin, c’est un peu plus calme, mais ça va vite changer : on va se faire passer dessus par une dépression.

Je suis contente, je navigue en compagnie de bateaux que je n’imaginais pas avoir comme voisins. Jusqu’à présent, je ne me préoccupe pas trop de la performance, je cherche surtout à ne pas faire de bêtises. Je cherche surtout à préserver mon rythme, sans trop m’occuper des autres, pour ma première course en solitaire sur ce bateau.

Côté météo, je fais deux grosses sessions de lecture par jour, et je fais simple, pour essayer de garder les idées claires, et fonctionner sur des schémas précis. Ce n’est pas facile à lire, d’autant que les tactiques varient selon la vitesse qu’on adopte.

Banque-Populaire X est un bon compagnon qui ne me pose pas trop de soucis. Cela ne fait même pas 48 heures que nous cohabitons, j’en saurai plus sur notre couple dans une dizaine de jours ! »