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Le cap Horn est déjà loin dans le sillage des équipages de The Ocean Race, alors que la bataille pour la victoire à Itajaí s’intensifie entre le leader Team Malizia et le chasseur, Holcim-PRB.

Pourtant à bord, personne n’oublie cette expérience à part ; celle de franchir cette semaine la mythique porte entre le Pacifique et l'Atlantique, au pied du cap le plus redouté des marins. Au cours des siècles, le cap Horn a été un symbole d'espoir, de danger et de délivrance. Sur cette course, il marque aussi un tournant dans la validation de ce nouveau format de tour du monde en équipage en IMOCA.

La sortie de l'océan Austral a démontré que ces foilers peuvent produire des courses au contact même dans les mers les plus difficiles de la planète. Ces IMOCA ont tenu des vitesses ahurissantes sur des distances sans précédent et offert une compétition plus serrée que jamais, se battant même tous à vue au Point Nemo !

Tout au long de la traversée, l'objectif des hommes et femmes embarqués dans l’aventure était le cap Horn. En effet, il représente à la fois un objectif personnel pour compenser toutes les privations du Grand Sud mais aussi un impératif pour la suite de la compétition, car il s'agissait bien d'atteindre le Horn en un seul morceau, avec un bateau en état de marche pour la suite de l’étape jusqu’au Brésil.

14 03 230328 ROG BIOTH 0031 1© Ronan Gladu / Biotherm

L’IMOCA a recueilli les impressions de deux nouveaux cap-horniers pour mieux comprendre ce que cela signifie pour eux de passer le majestueux pic rocheux, à l’extrême pointe de la Terre de Feu.

À bord de Biotherm, qui ferme actuellement la marche à 450 milles de Team Malizia, Anthony Marchand, marin très expérimenté, a visiblement beaucoup réfléchi à la question. "Avant d'être une question de fierté personnelle, je suis heureux pour l'équipe", confie-t-il. "Nous avons réussi à franchir la plupart des pièges du Grand Sud pour atteindre ce "cap de la délivrance", comme je l'appelle... ce cap Horn."

"C'est aussi un moment de fierté pour moi, en tant que marin, car c'est un passage symbolique", poursuit-il. "Le fait d'être ici sur The Ocean Race, un monument international très symbolique pour moi, qui me faisait rêver quand j'étais enfant, et le fait d'avoir franchi le cap Horn pour la première fois grâce à ce projet Biotherm, sont deux sources profondes de satisfaction et de plaisir combinés".

14 03 230328 ROG BIOTH 0007 1© Ronan Gladu / Biotherm

Mais le marin de 38 ans rappelle que le Horn n'est qu'un tournant dans la course, et qu'il reste encore beaucoup à faire. "Nous ne sommes qu'à mi-parcours de The Ocean Race en termes de points, le cap Horn est un point de passage important mais nous devons continuer à faire avancer la machine", admet-il.

Sur l'IMOCA skippé par Kevin Escoffier, qui a longtemps mené cette étape marathon depuis Cape Town, le jeune Tom Laperche, bizuth des mers du Sud, nous a envoyé une vidéo depuis le cockpit pour répondre à nos questions. Une fois de plus, le passage de ce grand cap est lourd de sens et de signification pour le régatier de 25 ans.

"C'est formidable d'avoir franchi le cap Horn", lance-t-il. "C'est une expérience forte. Après avoir longtemps navigué dans le Grand Sud, c'était une première pour moi. J'avais beaucoup d'images en tête, et puis surtout le cap Horn, tourner à gauche, sentir que ça se réchauffe vite, mais en même temps, on voit bien qu'après ce passage, on va avoir des conditions encore plus dures et plus complexes à gérer".

14 03 230327 JUC HOLCIM 8857 1© Julien Champolion / polaRYSE / Team Holcim-PRB


Tom espérait voir le rocher et le phare et il n'a pas été déçu. "Nous avons pu voir le phare du cap Horn", relate-t-il. "C'était très agréable de passer en fin de journée et de voir ces belles couleurs et les grandes falaises qui tombent dans l'eau. C'est passé très vite…"

Le vainqueur de la Solitaire du Figaro 2022 a pu faire le bilan de sa première expérience dans le Grand Sud et de cet énorme apprentissage. "C'était une grande expérience pour moi parce que nous avons passé beaucoup de temps dans ces mers du Sud, en équipage, à vivre au rythme des phénomènes météorologiques, avec des schémas que nous ne connaissons pas dans l'Atlantique Nord, c'est passionnant", déclare-t-il.

Et d'ajouter : "C'était un plaisir de voir que cela se passait bien entre nous à bord, qu'on maîtrisait le bateau et les conditions - on a fait des erreurs, il y a des petites choses à améliorer, mais je suis très content de l'expérience".

14 03 230328 AMR 11HRT 0003 2© Amory Ross / 11th Hour Racing / The Ocean Race

Pour Antoine Mermod, président de la Classe IMOCA, le Horn représentait un droit de passage pour un projet défendu depuis plusieurs années. Il s'est réjoui de la régate ultraserrée dans le Grand Sud et aussi que les quatre bateaux aient passé le Horn dans un ‘bon’ état général.

"C'est tout d'abord un grand moment pour les marins, les équipages et toutes les équipes à terre car, dans une course autour du monde, tourner autour de l'Antarctique est très risqué, très difficile et très long", déclare Antoine. "C'est un engagement énorme et le résultat de mois et d'années de travail pour beaucoup de personnes. C'est aussi un soulagement, mais nous sommes fiers parce que c'est une grande réussite pour la plupart des équipes et je pense que c'est très, très impressionnant ce qu'ils ont fait."

Il évoque ensuite l'importance pour l'avenir de The Ocean Race et de l'IMOCA de voir ces équipages de retour en toute sécurité dans l'Atlantique et toujours en pleine compétition. "C'est la première fois que nous essayons cette course en équipage dans les mers du Sud avec l'IMOCA, et c'est la première fois que nous les voyons courir à une telle vitesse", nous explique-t-il. "Il y a beaucoup de choses que nous ne savions pas et que nous apprenons tous les jours, mais passer le cap Horn est un moment très spécial."

220507 ES IMOCA 6001© Eloi Stichelbaut - polaRYSE / IMOCA


Antoine souligne le rôle des reporters embarqués (OBR) dans cette étape qui, selon lui, apportent une toute nouvelle dimension à la couverture des courses IMOCA, surtout depuis que les organisateurs de la course ont permis aux équipes de choisir leur OBR et leurs contenus, plutôt que des organisateurs les sélectionnent et les dirigent pour eux.

"Les OBR sont vraiment quelque chose de nouveau pour nous à l'IMOCA", déclare-t-il, "et j'espère qu'ils encourageront nos skippers à partager davantage et à pousser plus loin leurs communications lorsqu'ils courent en solitaire. Dans le monde de The Ocean Race, ils étaient beaucoup plus forts que nous dans ce domaine, mais je pense que nous apprenons beaucoup et la couverture des passages du Cap Horn en a été un très bon exemple."

Ed Gorman (traduit de l'anglais)