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Ce mercredi 3 février, à 16 heures, 44 minutes, 25 secondes (heure française), Clarisse Crémer a franchi la ligne d’arrivée des Sables d’Olonne après 87 jours, 02 heures, 24 minutes et 25 secondes à l’issue de ce Vendée Globe.

Première femme de cette édition, elle termine donc à 6 jours, 22 heures, 39 minutes du vainqueur, Yannick Bestaven. La navigatrice de Banque Populaire X, qui a découvert la course au large il y a cinq ans et l’IMOCA il y a 2 ans, a réussi son pari, celui d’aller au bout de son premier tour du monde.

L’ambiance

87 jours seule autour du monde. Le sourire et l’émotion de Clarisse, ce mercredi après-midi en remontant le chenal, sont à la hauteur du défi qu’elle vient de réaliser. À 31 ans, elle s’offre la 12e place de cette édition et devient la femme la plus rapide du Vendée Globe, dépassant le record d’Ellen MacArthur (94 jours et 4 heures en 2000-2001) et faisant mieux que Samantha Davies (95 jours et 4 heures en 2012-2013). La navigatrice de Banque Populaire X, avec sa bonne humeur communicative et sa capacité à ne rien lâcher, s’inscrit ainsi avec panache dans l’histoire de la plus prestigieuse des courses au large.

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La course de Clarisse

Qu’est-ce qui lui passait par la tête, le 8 novembre dernier, quand elle a descendu seule les pontons, à saluer la haie d’honneur formée par les autres équipes avant de s’apprêter à disputer son premier tour du monde ? Clarisse Crémer affichait un large sourire et débordait d’enthousiasme mais tout s’entremêlait, comme une sensation de vertige. Pourtant, la trentenaire n’est pas le genre de personnalité à entreprendre à moitié. Elle l’a montré durant ses études (HEC), en créant une start-up puis en décidant de tout quitter pour mieux se retrouver, en Bretagne aux côtés de son compagnon devenu mari, Tanguy Le Turquais.

« Cette opportunité, c’est aussi une responsabilité »

C’est Tanguy qui lui fait découvrir le goût du large. C’est à ses côtés qu’elle se prend à rêver d’une transatlantique en voyant les regards chargés d’histoires et d’anecdotes de ces téméraires qui s’élancent sur la Mini-Transat. Elle s’y engage à son tour en 2017, découvre les joies de mener seule son bateau au milieu de nulle part, voit que ça marche (2e) et se lance en Figaro. Banque Populaire lui propose alors de mener le projet IMOCA. Elle parle d’une « occasion en or »,mais ne balaie pas les questions sur sa légitimité. « Je sais que d’autres skippers auraient pu avoir ma place. Cette opportunité, c’est aussi une responsabilité ».

Et c’est ce qui l’accompagne tout au long de son apprentissage express, d’abord aux côtés d’Armel Le Cléac’h (6e de la Transat Jacques Vabre) puis en solitaire, le temps d’un convoyage et de la Vendée Arctique Les Sables (12e). Ensuite, place au Vendée Globe, à la découverte du grand monde et d’une descente de l’Atlantique qui ne lui pardonne rien. Les fronts à répétition, la dépression tropicale Thêta, les quelques travaux à faire à bord (notamment l’hydrogénérateur arraché)… Tout s’accumule, la fatigue s’y ajoute et les doutes rongent. Une nuit, Clarisse écrit : « j’ai peur, je flippe grave. Je sais que chaque coup de vent hypothèque un peu la santé de mon bateau ». Elle n’hésite pas à parler de ses « petits coups de moins bien ».

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L’impression « d’avoir gagné mes galons de navigatrice »

Mais les mots ne disent pas tout car Clarisse s’accroche, se bat, puisant en elle la force de caractère dont elle a fait preuve en Mini et en Figaro. « Je n’ai jamais eu envie d’abandonner »,confiait-elle récemment. "J’ai appris à éteindre mon cerveau, à continuer à avancer, à m’alimenter, à dormir, à me ménager ». Son caractère de battante a trouvé un sacré terrain de jeu. Les mers du Sud, les dépressions qui s’enchaînent, la zone d’exclusion des glaces à longer et, pour finir avec le Pacifique qui n’en a que le nom, des creux de plus de 7 mètres et des rafales dépassant les 40 nœuds.

À l’issue d’une énième bataille face aux colères de Neptune et d’Eole, Banque Populaire X a franchi le Cap Horn. Ce rocher sombre qui découpe la mer offre « un moment d’émerveillement », l’impression « d’avoir gagné mes galons de navigatrice » et le soulagement « d’y être parvenue sans être découragée ». Le bateau n’est plus à apprivoiser et Clarisse en parle « comme de son meilleur ami ». Avec lui, elle parvient à distancer durablement Alan Roura (La Fabrique), à réaliser un long bout de chemin avec Romain Attanasio (PURE-Best Western Hotels & Resort) et à résister jusqu’à la semaine dernière au retour du foiler d’Armel Tripon (L’Occitane en Provence).

La remontée de l’Atlantique oblige encore à surmonter quelques tracas : deux montées au mât pour une réparation de J2, un pot-au-noir un peu récalcitrant et les dépressions qui s’amoncellent à proximité des côtes de l’Europe. L’arrivée a valeur de libération et souligne aussi une ambition nouvelle, une volonté tenace de ne pas s’arrêter là. « Si je pouvais repartir tout de suite pour un tour du monde, je le ferais », a-t-elle confié il y a quelques jours, comme une envie irrépressible de se jeter à nouveau dans ce tourbillon d’émotions.

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Ses premiers mots au ponton

"Il va me falloir du temps pour assimiler tout ça. C’est violent l’arrivée, dans le bon sens du terme mais le passage de tout seul à tout ça, on le sait et on s’y prépare mais c’est quelque chose.

J’ai beaucoup appris pendant cette course et cela donne presque envie de repartir maintenant et avec ce bateau. Au début du Vendée Globe, je ne savais pas trop m’en servir et il m’a fallu du temps. J’ai découvert la bête et c’est sympa d’être à l’aise sur sa machine et d’arriver un peu plus à sa hauteur. Le temps de préparation était un peu court et je l’ai senti dans la première semaine où j’étais un peu perdue et intimidée par tout ce qu’il y avait à faire devant moi.

La femme la plus rapide ? C’est merveilleux mais, vous savez, c’est un sport mixte et il n’y a pas de classement féminin. Quand je suis sur l’eau, je ne pense pas à ça, je suis un marin d’abord et je ne me dis pas le bateau devant ou derrière moi, c’est un mec ou une fille.

Oui j’en ai bavé un peu mais surement moins que d'autres, j’ai eu la chance d’avoir une équipe de dingue avec un bateau hyper prêt. C’était aussi un parti pris depuis le début de faire très attention à mon bateau, l’objectif était vraiment de finir.

Ce que je trouve très dur, c’est le stress de la machine et l’épée de Damoclès permanente du prochain pépin et au moment où j’ai arrêté de penser au prochain pépin et bien, cela a été mieux.

L'envie d'arrivée ? Alors, on est content d’en finir parce qu’on est content d’atteindre son objectif et d’avoir réussi mais je ne souffrais pas de la solitude et j’étais plutôt bien en mer.

Je pense qu’en trois mois, on vit dix ans d’émotions ! Le Vendée Globe c’est un condensé des émotions d’une vie. Et cela fait partie des choses qu’il faut que je travaille d'ailleurs, la stabilité, car je n’ai pas toujours le moral très stable et je suis très à l’écoute de mes émotions.

Là, j’ai envie de profiter de mes proches car c’est ce qui est beau dans la course au large, c’est que cela réunit les familles pour ces moments. Et sinon, de la bonne nourriture, une bonne douche et un lit qui ne bouge pas et qui ne bipe pas ; un moment où tu n’es pas inquiète que le ciel te tombe sur la tête."

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LES STATS DE CLARISSE CRÉMER / BANQUE POPULAIRE X

Elle a parcouru les 24 365.74 milles du parcours théorique à la vitesse moyenne de 11.66 nœuds.

Distance réellement parcourue sur l’eau : 27 697.07 milles à 13.25 nœuds de moyenne.

Les grands passages

L’équateur (aller)
17e le 20/11/2020 à 11h50 UTC à 1j 22h 31min du leader

Le cap de Bonne-Espérance
14e, le 03/12/2020 à 22h03 UTC à 2j 22h 52min du leader

Le cap Leeuwin
12e, le 16/12/2020 à 15h05 UTC à 3j 03h 39min du leader

Le Cap Horn
12e, le 05/01/2021 à 22h18 UTC à 3j 08h 18min du leader

L’équateur (retour) 
12e le 21/01/2021 à 03h42 TU, à 4j 08h 30 min du leader

Son bateau
Banque Populaire X, plan Verdier VPLP, construit chez CDK – Mer Agitée (ex-Macif, ex-SMA)
Mise à l’eau : mars 2011