Vg2020 20201018 charal vg bi gl 6112 haute dfinition vi

Après une grosse nuit dans des vents contraires violents et une mer bouillonnante au large de l'Espagne, Jérémie Beyou sur Charal a été contraint de faire route vers les Sables d’Olonne.

Le skipper s’est élancé dimanche en tant que grand favori de cette 9e édition, mais une série d’avaries puis un choc avec un objet flottant sur l’un de ses safrans, ont obligé le triple vainqueur de la Solitaire du Figaro à mettre le cap vers le seul port où une escale technique est autorisée (et ce jusqu’au 18 novembre 13h02).

Cette décision est un coup dur pour Beyou qui mène, sans aucun doute, l’IMOCA de dernière génération le plus éprouvé. Les dégâts subis sont survenus alors que la flotte s'attaquait à un front actif au large du Cap Finisterre avec des rafales à 40 nœuds et une mer comme un véritable « chaudron » selon les mots ce midi de Thomas Ruyant (LinkedOut).

Charal n'est pas le seul bateau à avoir des problèmes. Armel Tripon à bord de L'Occitane en Provence a rebroussé chemin dans la nuit, cap vers la côte espagnole, afin de se mettre à l’abris pour réparer son hook de trinquette (J3). Finalement, après avoir évalué les différentes solutions techniques possibles, Armel Tripon a repris sa route en ayant sécurisé son mat ; il profitera plus tard d’une accalmie pour réparer en mer.

Quelques minutes plus tard, c'est Kevin Escoffier sur PRB qui faisait lui face à une importante voie d'eau due la casse d’une vanne d’évacuation dans le puit de foil…

Après cette première tempête, le leader nominal est Maxime Sorel à bord de V And B-Mayenne. Il fait partie d'un groupe de bateaux, pour la plupart non foilers, ayant choisi de passer entre la côte et le DST (Dispositif de Séparation de Traffic) pour tenter d'éviter le pire des conditions cette nuit.

Mais la véritable bataille pour la tête de flotte semble se dérouler à 175 miles dans le nord-ouest de Maxime Sorel, là où Thomas Ruyant sur LinkedOut a désormais pris le lead d'un groupe resserré de trois bateaux qui plonge au sud dans un flux nord-ouest. En effet, le Dunkerquois est poursuivi par Sébastien Simon sur ARKEA PAPREC et Louis Burton à bord de Bureau Vallée 2 qui naviguent actuellement tous les deux à moins de 25 milles de lui.

Sous le vent, trois autres foilers progressent sur la même allure : APIVIA de Charlie Dalin, HUGO BOSS d’Alex et PRB de Kevin Escoffier. Enfin, à environ 25 miles dans le sillage de Dalin, Sam Davies semble elle-aussi bien placée avec Initiatives-Cœur.

Cette situation météorologique complexe et difficile semble se poursuivre durant les prochains jours. Les leaders doivent d'abord se concentrer sur la traversée d'une zone de calme tout en prenant une grande décision stratégique sur la manière dont ils aborderont la tempête tropicale Theta vendredi. Celle-ci bloque actuellement la route directe vers le sud et se concentre à environ 700 miles à l'ouest de Funchal, sur l’Ile de Madère.

Le météorologue Marcel Van Triest, qui a travaillé avant le départ avec plusieurs des skippers du Vendée Globe - parmi lesquels Beyou et Escoffier - explique que les concurrents doivent d’abord éviter de tomber dans le piège de la pétole.

"L'objectif est d'aller vers le sud le plus rapidement possible,"confie-t-il à la Classe IMOCA. "Le briefing que j'ai donné à ‘mes’ skippers est qu'une fois qu’ils ont franchi la première dépression, c'est un changement complet de mentalité car il s'agit de gagner à fond dans le sud pour éviter l’anticyclone positionné dans l’ouest. Une fois seulement qu’ils ont franchi cette haute pression, alors ils pourront commencer à s’inquiéter de la prochaine dépression."

Concernant Thêta, Marcel Van Triest estime que les bateaux de tête n'auront pas d'autre choix que de passer au-dessus du système pour aller chercher des vents favorables et forts du nord-est et, ce faisant, d’allonger leur route dans l'ouest avant d’aller raccrocher ensuite les alizés de nord-ouest. Donc pour lui, pas de route viable dans l'est de la dépression.

"Si vous essayez d'aller vers l'est, vous vous mettez sur la voie du danger, car si le système se déplace un peu plus que prévu, vous allez tomber soudain sur des conditions très fortes," explique-t-il. "Alors que si vous contournez le système par son sommet et que vous voyez qu'il se creuse ou qu'il devient mauvais, vous pouvez toujours vous échapper."

Ed Gorman

CARTOGRAPHIE

Capture d’écran 2020 11 11 à 16.55.55

Ils ont dit

Pierre-François Dargnies, directeur technique du Charal Sailing Team :"Ça a commencé mardi vers 14h quand une poulie de renvoi d'écoute s'est arrachée, ce qui a mis un peu de carbone partout dans le cockpit. Il a fallu que Jérémie fasse une petite réparation, il est rentré dans le bateau pour préparer tout ça, et alors qu'il était à l'intérieur, il a tapé quelque chose. Dans le mouvement, le bateau a empanné, il s'est retrouvé sur l'autre bord, il s'est alors rendu compte que le safran tribord était un peu endommagé. Il a décidé d'attendre le passage du front dans la nuit pour commencer les réparations sur le safran, il a viré de bord ce matin en attendant le lever du jour pour pouvoir attaquer cette réparation, mais au bout de quelques heures, la bastaque tribord (câble qui soutient le mât par l'arrière) a cassé, très certainement, parce que le renvoi d'écoute, qui avait lui-même cassé, est tout à côté de la bastaque, les éclats de carbone ont dû la cisailler."

Thomas Ruyant, skipper de LinkedOut :"C’est le chaudron toute cette descente de l’Atlantique avec ces dépressions qui font bouillonner l’océan. C’était mouvementé, je ne dois pas être le seul à faire ce retour ! C’était assez pénible, c’est difficile de naviguer sur ces bateaux-là dans ces conditions-là, on les fait souffrir. J’ai eu quelques petits soucis que je dois régler en partie dans la journée. Le virement n’était pas évident ni le redémarrage au portant avec la mer de face. Je m’y suis pris bien en avance pour le matossage, sac par sac à une heure du virement environ. Du coup, quand le virement est arrivé, je n’étais pas cramé. J’ai essayé de faire ça calmement, en prenant mon temps. Le bateau faisait des sauts de vagues."

Pip Hare, skipper de Medallia :"C'est un peu étrange d'être assise ici, à taper sur mon clavier pendant que le monde fait rage dehors. Le vent souffle en rafales à 38 nœuds, l'état de la mer est assez agressif et nous claquons dans les vagues, ce qui fait que tout le bateau saute. Je suis trois ris-trinquette et nous nous en sortons bien comme cela, mais le tourmentin est en haut de la pile, prêt à sortir".

Giancarlo Pedote, skipper de Prysmian Group :"La nuit a été blanche ! C’était compliqué de dormir, le temps était costaud, la mer démontée. Je me suis concentré sur les bases. On s’est pris quelques claques. Les voiles n’ont pas souffert. Tout a été dans le bon sens heureusement. Je suis fatigué mais c’était bien de se prendre un front, après quand on sera dans le Sud, on va vivre d’autres situations comme ça. Ça permet de tester le bateau. C’est mieux de se le prendre ici plutôt que d’avoir de mauvaises surprises dans le Sud où on sera un peu loin de tout !"