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JOURNÉE MONDIALE DU CLIMAT : Au-delà de leur course en solitaire autour du monde, plus d'un tiers des skippers du Vendée Globe 2020-21 apportent une contribution importante à la prévision météorologique mondiale et à la compréhension de l’Océan.

Treize des 33 skippers ayant pris la mer début novembre ont embarqué à bord de leur IMOCA des bouées dérivantes (7 bouées) qui recueillent des informations climatologiques ainsi que des flotteurs Argo (3 flotteurs) qui analysent l'eau et d’autres instruments scientifiques.

Après un mois en mer, les skippers ont maintenant déployé toutes les bouées dérivantes et presque tous les flotteurs Argo aux coordonnées convenues avant le départ.

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Le dernier instrument sera déployé par la navigatrice française Alexia Barrier depuis son IMOCA TSE - 4MYPLANET lorsqu'elle atteindra un point défini dans le sud de l'océan Indien d’ici une dizaine de jours, près des Iles Kerguelen (Terres et mers australes françaises classées au patrimoine de l'UNESCO).

Martin Kramp, le coordinateur des navires à OceanOPS - organisme officiant sous la houlette de la Commission Océanographique Intergouvernementale (COI) de l'UNESCO et de l'Organisation Météorologique Mondiale qui contribue au Global Ocean Observing System - explique que les skippers apportent une contribution importante.

"Ces instruments nous aident dans des endroits où nous avons peu de moyens pour rassembler des données nécessaires aux prévisions météorologiques mondiales quotidiennes", déclare-t-il. "Cela améliore la sécurité de la vie en mer et nous aide à comprendre les courants océaniques."
 
Il ajoute : "Les informations provenant des flotteurs Argo sont utilisées pour la climatologie et servent également à la prévision à court terme de phénomènes météorologiques tels que El Niño et La Niña, événements qui ont un impact immédiat sur l'humanité avec des sécheresses et des inondations".
 
Marin passionné d’origine allemande, Martin Kramp souligne également que dans un monde où le grand public a parfois du mal à entendre les avertissements sur le changement climatique, la participation de certains des plus célèbres marins de course au large à ce programme international est précieux.
 
"Le grand public est parfois agacé d’entendre parler du changement climatique", confie-t-il, "et il est difficile pour les scientifiques de bien aborder le sujet. Ces coureurs au large sont les meilleurs ambassadeurs que nous puissions avoir. Lorsqu’ils parlent des questions relatives aux océans, les gens écoutent".
 
L'implication de l’IMOCA dans OceanOPS remonte au partenariat que la Classe a signé avec la COI à Paris en 2015. Cet accord a été renouvelé avant le départ de ce Vendée Globe et comprend un certain nombre d'activités conjointes dans le monde entier en vue du lancement, le 1er janvier prochain, de la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030).
 
Le grand avantage pour les climatologues est que les skippers se rendent dans des parties de l'océan où la navigation commerciale ne va pas. Pour les marins, en revanche, l'inconvénient réside dans le fait qu'ils doivent transporter des instruments pesant autour de 20 kilos, sur des bateaux de course sur lesquels ils cherchent constamment à gagner du poids pour obtenir des performances optimales.

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Selon Martin Kramp, les skippers volontaires ont accepté de participer à un système de tirage au sort pour définir les endroits où déployer leurs instruments. "Nous avons identifié les zones cibles pour les déploiements et les skippers ont accepté de participer au tirage au sort", explique-t-il. "Lorsqu'ils descendaient l'Atlantique, nous leur avons donné des points de déploiement à des latitudes espacées de cinq degrés. Nous avons commencé à 40 degrés nord. Ils avaient également besoin d'être à une distance minimale de 200 milles des côtes. Ensuite, ils étaient autorisés à déployer de jour et dans des bonnes conditions de sécurité".
 
Les bouées dérivantes envoient des informations sur la pression atmosphérique en temps réel par satellite à un réseau international de données climatiques. La pression atmosphérique ne peut pas être mesurée par satellite, donc avoir un instrument en mer reste le meilleur moyen de surveiller cet élément essentiel dans les prévisions météorologiques mondiales.
 
Les bouées commencent à émettre dès qu'elles sont larguées et activées par les skippers. Les concurrents du Vendée Globe bénéficieront alors des informations que les bouées introduisent dans les modèles météorologiques mondiaux, car ces informations seront immédiatement intégrées dans les modèles qu'ils téléchargent pour réaliser leurs propres routages en course. Et pour rappel, les logiciels de navigation embarqués permettent également de connaître en temps réel la dernière position des bouées météorologiques sur la surface du globe.

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Les flotteurs Argo, quant à eux, peuvent durer jusqu'à sept ou même dix ans et fonctionnent en plongeant à une profondeur de 2 000 mètres tous les dix jours, puis en remontant à la surface, mesurant ainsi la conductivité, la température et la pression de l'eau. Ce sont des paramètres clés qui aident les scientifiques à calculer les niveaux de salinité et les courants océaniques. Les informations fournies par les flotteurs sont également utilisées pour mesurer le réchauffement climatique.
 
"Avant, quand nous devions compter principalement sur les navires de recherche pour prendre des mesures, nous ne pouvions observer l’océan qu’au travers de certains points isolés", complète Martin. "Maintenant, à l'échelle mondiale, grâce aux flotteurs Argo, nous pouvons observer jusqu'à 2 000 mètres de profondeur partout et tout le temps. Nous savons quelle quantité de chaleur intègre l'océan, donc, pour étudier le changement climatique, cela change tout pour les scientifiques".
 
Trois des skippers de la Classe IMOCA - Boris Herrmann sur Seaexplorer-Yacht Club de Monaco, Fabrice Amadeo sur Newrest-Art & Fenêtres et Alexia Barrier - ont non seulement déployé des instruments mais ils collectent et analysent également des échantillons d'eau de mer. Leurs travaux aident les scientifiques à comprendre les niveaux de pollution plastique, de CO2 et d'autres paramètres océaniques, grâce à un mini laboratoire de bord que Martin Kramp a contribué à mettre au point.

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La participation de la Classe IMOCA à cet important travail pendant le Vendée Globe fait suite à des initiatives similaires des marins sur la dernière Volvo Ocean Race (et cela sera encore le cas sur The Ocean Race 2022-23), ainsi que sur la Barcelona World Race, la Clipper Race, ou encore les rallyes organisés par Jimmy Cornell. En 2020, un programme similaire a pu aussi être mis en place sur la Vendée - Arctique - Les Sables D'Olonne, dernière épreuve de préparation des IMOCA au Vendée Globe.
 
Martin Kramp affirme qu'à long terme, il aimerait que le transport d'instruments météorologiques et d’instruments d’analyse de l’eau fasse partie des règles de la Classe IMOCA pour les courses au large, afin que chaque skipper, qu'il soit sur le podium ou non, y participe. "Nous aimerions que ce soit la même chose pour tous les skippers, afin que cela soit égalitaire sur toute la flotte,’’ conclue-t-il.