JB Charal2

Jérémie Beyou a déjà pris quatre fois le départ du Vendée Globe. Il a réussi à boucler deux fois ce parcours extrême et s'est hissé sur le podium en 2016-17. Durant l’édition 2020-21, le skipper de Charal avait dû s’élancer une deuxième fois, neuf jours après le coup d’envoi, en raison d’une avarie.

Le marin pugnace a malgré tout été au bout du tour et de lui-même. Nous aurions pu alors très bien entendre qu’il en ait assez du Vendée Globe. Bien au contraire, Jérémie y retourne armé d’un bateau neuf qui touchera l’eau lundi.

Le Finistérien de 46 ans est loin d'en avoir fini avec l’IMOCA et avec le légendaire tour du monde en solitaire. Chaque jour, ce père de deux garçons se lève animé par l'objectif de remporter enfin cette course qui lui échappe jusqu'à présent.

Ce lundi 11 juillet, à Lorient, son équipe mettra à l'eau Charal 2 : un plan Sam Manuard avec une étrave ronde caractéristique de l’architecte. Lorsque nous demandons à Jérémie le principal moteur de sa motivation, la réponse est sans détour : "Revenir sur le Vendée Globe et gagner. Je pense avoir la capacité de le faire et l'équipe pour y arriver et comme je suis très déterminé, c'est bien l'envie de victoire qui domine."

Mais alors, ce bateau sera-t-il son dernier nouvel IMOCA ? "C'est la grande question", répond le triple vainqueur de La Solitaire du Figaro et de la Volvo Ocean Race. "Pour l’instant, je suis concentré sur celui-ci, je ne sais pas encore ce qu’il se passera pour 2028. Je vous le dirai après le prochain tour du monde. Je suis toujours aussi passionné par ce que je fais et j'ai une vraie chance. Chaque jour, je me réveille, je viens au chantier ou au bureau d'études et je réalise l'opportunité qui m'est offerte. Je voudrais que cela ne s’arrête jamais."

M27416 vg2020 20210206 charal finishvc 6540b haute dfinition vi© © Vincent Curutchet/Alea

Un plan Manuard, main dans la main avec le team Charal

Ce nouvel IMOCA, dont Jérémie Beyou et son équipe ont à nouveau pu lancer la construction très tôt dans le cycle de quatre ans entre deux Vendée Globe, est assez fascinant. Après le cabinet d’architectes VPLP qui avait conçu Charal 1, le premier de sa génération mis à l’eau en 2018, l’équipe Charal s’est tournée vers Sam Manuard. Cette décision s'appuie en partie sur l'évaluation que le team avait faite du L'Occitane en Provence (aujourd'hui Bureau Vallée), mené par Armel Tripon autour du monde en 2020-21, qui avait impressionné par sa vitesse.

Jérémie Beyou n’hésite pas non plus à avouer que le lien entre Guillaume Verdier et MerConcept, qui produit actuellement le nouvel APIVIA de Charlie Dalin, principal rival de Jérémie Beyou, est un exemple qu’il aimerait suivre. "Je pense que c'est l'une des grandes forces d'APIVIA et de MerConcept", déclare-t-il.

"Tout est internalisé au projet. Ils travaillent avec Guillaume Verdier mais je pense que Guillaume laisse l'équipe faire une grande partie du travail. Il fournit les idées, puis l'équipe de MerConcept les concrétise. C'est de cette façon que nous essayons de travailler avec Sam. Il a beaucoup d'expérience et est convaincu par certaines idées de design mais, à un moment donné, c'est l'équipe de design de Charal qui concrétise le projet et c'est pourquoi nous avons adopté cette méthode."

CharalSailingTeam© Eloi Stichelbaut - polaRYSE / Charal

Pour Jérémie Beyou, les équipes de design ne se contentent plus de délivrer un concept tous les quatre ans mais travaillent avec les teams tout au long du projet pour faire évoluer les bateaux.

Lors du dernier cycle, les adaptations et optimisations de Charal 1 ont été permanentes, avec des modifications sur presque tous les aspects du bateau - forme de la coque, safrans, quille, foils, ballast, accastillage et voiles. "L'évolution est un processus continu", explique-t-il. "C'est quelque chose qui est au cœur de l’esprit de notre sponsor, Charal, dans son travail dans l'industrie et ils ont voulu faire quelque chose de similaire avec nous donc c’est comme cela que nous travaillons."

292407204 586978859452789 7422927922697793365 n© Eloi Stichelbaut - polaRYSE / Charal

"L'IMOCA le moins large jamais conçu"

Avec ce bateau, Jérémie n'a rien perdu de son appétit pour les changements forts si cela s'avère nécessaire et il espère bien avoir réussi cette nouvelle forme de coque. "Cette fois, avec toutes les données et l’expérience que nous avons, je pense que nous n'aurons plus beaucoup de choses à faire évoluer concernant la forme de la coque", confie-t-il. "Mais nous savons qu'avec le volume du lest, le poids du bulbe, les voiles et les appendices, etc. nous aurons forcément des optimisations à imaginer."

La précédente génération d’IMOCA avait tendance à s'écraser dans les vagues et à décrocher facilement. Aussi, le nouveau bateau est basé sur une analyse approfondie de Charal 1 et de Bureau Vallée dans le but d'essayer de produire une forme de coque rapide, stable et efficace qui soit gérable dans des conditions fortes au portant. "C'est sûr que l’actuel Bureau Vallée (ex-L’Occitane en Provence sur le Vendée Globe 2020-21) était bien meilleur pour le Vendée Globe lorsqu’il faut naviguer au portant dans une mer formée." poursuit le skipper. "Donc oui, cela faisait partie de la conception. Nous avons tout comparé entre les deux bateaux... et Sam a eu l'intelligence de dire que même s'il était convaincu du type de coque dont nous avions besoin pour le Vendée Globe, il était heureux d'envisager une forme de coque différente."

292385261 586979272786081 8037940244244348130 n© Maxime Horlaville / polaRYSE / Charal

"Nous avons donc étudié les deux concepts,"ajoute-t-il, "et à la fin, nous savions que nous avions besoin de quelque chose avec une étrave en scow (ronde), quelque chose avec plus de redressement que Charal 1, mais nous avions besoin que l'ensemble ait peu de trainée. La coque n'est donc pas très large - je pense que c'est l'IMOCA le moins large jamais conçu, tout en ressemblant beaucoup à Bureau Vallée."

Le cockpit est également basé sur l'ex-plan Manuard, mais a été modifié en détail pour améliorer la vie en solitaire. "J'ai eu l'occasion de visiter le bateau quand il était skippé par Armel Tripon. Le cockpit est vraiment agréable et il y a une grande vision de tout ce qui se passe sur le pont. Le cockpit est globalement le même, mais nous y avons ajouté quelques nouveaux détails. Nous avons beaucoup travaillé sur les moyens de régler les voiles plus facilement, nous avons donc plus de winches sur Charal 2 que sur Charal 1 et plus d'hydraulique. Pour les appendices, l'idée était exactement la même que pour la forme de la coque, c’est à dire avoir un bateau qui va droit tout en étant stable - nous avons vraiment mis tous nos efforts là-dessus."

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Sept IMOCA neufs en novembre sur la Route du Rhum

Le nouveau bateau, qui a été révélé pour la première fois le 4 juillet, sera mis à l’eau ce lundi. Il fera ses débuts au Défi Azimut-Lorient Agglomération en septembre, puis participera à sa première grande course lors de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe au mois de novembre.

Parmi ses rivaux, il y aura non seulement le premier APIVIA et le Bureau Vallée, mais aussi de nouveaux bateaux comme PRB (Kevin Escoffier), V and B-Monbana-Mayenne (Maxime Sorel), Malizia-Seaexplorer (Boris Herrmann), Maître CoQ V (Yannick Bestaven), le nouveau sistership de Bureau Vallée, Initiatives-Cœur (Sam Davies) ainsi que Biotherm (Paul Meilhat).

Pour Jérémie Beyou, le prochain vainqueur du Vendée Globe en 2024-25 sera issu de cette dernière génération de foilers mais admet aussi que rien n'est écrit. "J'en suis certain, mais j'en étais assez certain la dernière fois aussi, donc je n’y mettrai pas ma main à couper", déclare-t-il. "Cela reste une course de bateaux à voiles, la météo sera alors l'un des facteurs décisifs, c’est donc difficile de se prononcer. Nous pouvons voir que les bateaux de la précédente génération qui changent leurs foils vont très bien aussi. Le bateau et le skipper qui gagneront seront surtout ceux qui auront effectué un très gros travail en amont."

Ed Gorman (traduit de l’Anglais)