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Ces deux là ont une complicité évidente. Les regards en disent long sur l’accomplissement du duo Thomas Ruyant et Morgan Lagravière.

Cette magnifique victoire en Martinique était attendue depuis un moment par l’équipe LinkedOut. En effet, la gloire est passée à plusieurs reprises pas loin de l’étrave de ce bateau, bien né, rapide et qui a démontré toute sa polyvalence sur ce nouveau parcours. En conférence de presse de midi à Fort-de-France, les skippers se disent ‘cuits de fatigue’ mais leurs sourires sont communicatifs. Morceaux choisis.

A quoi est due cette victoire ? 

Thomas Ruyant : "On savait qu’il y avait un long chemin à parcourir. Nous n’étions pas tous d’accord sur la stratégie de départ à adopter mais l’une des clefs reste la météo. Nous avons réussi à trouver les bonnes manettes et à apporter aussi ce plus de vitesse au bateau."

Morgan Lagravière : "J’ai du mal à identifier un seul paramètre ou une situation, car c’est l'accumulation des bons et des mauvais moments qui nous ont apporté cette victoire. L’élastique s’est tendu et détendu au fur et à mesure de la course, nous avons su garder notre concentration et notre motivation jusqu’au bout. J’ai le sentiment que nous avions un niveau de jeu inférieur à APIVIA et Charal avant le départ, mais nous nous sommes inscrits dans une dynamique de progression permanente. C’est une victoire qui s’est construite jour après jour."

Thomas, tu ne veux pas forcément mettre trop cela en avant mais peut-on quand même dire que cette victoire est comme une sorte de revanche sur le Vendée Globe ? 

"Je ne suis pas quelqu’un de revanchard mais en tant que sportif, on a besoin de victoire pour avancer. La Transat Jacques Vabre est une grande classique et avoir cette victoire au palmarès, cela donne de la confiance, de la crédibilité, et pour la suite c’est important."

Ton équipe construit un bateau neuf actuellement, vous allez garder celui-là aussi ? 

"Pour l'instant, ce bateau reste le mien et celui avec lequel je vais courir la Route du Rhum en 2022. C’est un excellent bateau. Je suis convaincu qu’il est possible de faire un bateau, pas forcément beaucoup plus rapide, mais encore mieux adapté au solitaire et donc au Vendée Globe."

Tu cumules quatre victoires en transatlantique sur quatre supports différents, qu’en dis-tu ?

"Ce n’est peut-être pas à moi de dire ça… mais c’est vrai que j’ai appris beaucoup de choses avec ces victoires, et notamment sur mes saisons en mini. Mon passage en Classe 40 a été court mais j’ai remporté une belle victoire sur la Route du Rhum. En 2018, avec Adrien Hardy, c’était génial, en Figaro sur la Transat AG2R. Ces victoires passées me servent bien sûr aujourd’hui. Je me sens super bien en IMOCA. On a eu la chance d’avoir 23 bateaux au départ de cette course quelques mois seulement après le Vendée Globe, c’est super et c’est une Classe qui ne cesse de se développer !"

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Morgan, c’est ta première victoire en IMOCA et tu as aussi eu des instants difficiles par le passé dans cette catégorie. Comment vis-tu ce moment ? 

"Je pense vraiment que les échecs sont des moments qui nous construisent en tant que sportifs et ces expériences permettent aussi de gagner ensuite. Je suis presque plus content de la manière que du résultat. On a tout donné. J’ai côtoyé beaucoup de grands marins et Thomas est incroyable ! Je n'aimerais vraiment pas être son concurrent sur le prochain Vendée Globe ..."

Tu pars bientôt en record autour du monde sur le Trophée Jules Verne avec le Gitana Team, tu changes régulièrement de supports. Tu aimes plus cela que d’avoir ton propre projet ?

"Maintenant, je prends la vie comme elle vient, je suis heureux dans cet équilibre. Je ne suis pas carriériste. Ce que j’ai appris sur Gitana me sert ici. C’est riche, d’avoir cette possibilité de varier les supports."

Franck Cammas dit que Morgan est obsédé par la vitesse ! Thomas, c’est comment de passer la barre à Morgan ? 

"Ce ne sont pas des bateaux faciles à barrer, nous avons finalement assez peu barré pendant la course. Morgan a une exigence permanente alors, par exemple, quand il sort de son quart, alors que j’ai tout donné pour régler le bateau du mieux possible, il trouvera toujours quelque chose à redire. Il relève les moindres détails ! J’ai appris beaucoup de choses avec lui qui vont au-delà du côté humain qu’on a déjà évoqué. Si c’était à refaire, je repartirai avec lui sans hésiter."

Le bateau a progressé en vitesse mais donnez-nous une chose que vous avez découverte; si vous voulez bien nous le dire… ?

TR : "Non, on ne va pas vous le dire (rires) ! Le bateau a progressé sous toutes les allures et c’est à force d’aller creuser dans les détails qu’on a réussi à être plus rapides. On a surtout progressé au portant VMG et on en a fait beaucoup sur cette course."

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Morgan, on vous sent particulièrement complices …

"Thomas fait confiance aux gens qui montent à bord. J'ai pu lui dire ce que je pensais quand je le pensais. Il crée un contexte autour de lui qui permet à chacun d’être comme il est et cela permet de donner son maximum. C’est un très bon solitaire mais aussi un très bon chef d’équipe."

Mais vous avez aussi des défauts ?

TR :"On en a parlé à bord. Morgan a les défauts de ses qualités. Il va au bout des choses et de son feeling. Il fait corps avec sa machine : je sais que le bateau n’est pas à 100% quand je vois sa tête ! Il a une telle exigence que ça le mine parfois."

MLG : "Je lui ai dis aussi à bord. Thomas est un très bon généraliste mais sur certains aspects techniques, il peut encore devenir plus pointu. Sur une course comme le Vendée Globe, tu n'as pas besoin d’avoir ce niveau d’exigence pour gagner la course, il faut être bon en tout mais pas spécialiste. Sur une transatlantique, c’est différent. Par exemple, sur le jeu de voiles, on voit bien qu’APIVIA est allé plus loin."

Un mot sur le parcours, comment était la navigation, notamment le long de la zone interdite au large du Brésil après Fernando ?

TR :"Je ne me suis pas posé la question, cela faisait partie de la course et du terrain de jeu qui nous était imposé ! 

Par contre, on a silloné l’Atlantique pendant une grande partie de la course au niveau de l’équateur et la chaleur est très compliquée à gérer avec nos bateaux, qui sont très fermés. Je ne suis pas habitué à passer autant de temps en zone chaude et c’est très éprouvant."