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Les cinq équipages IMOCA engagées sur The Ocean Race partent demain mercredi sur une deuxième étape contrastée. Après les conditions brutales rencontrées sur les premières heures de la première étape, place à la patience et la finesse.

Sur le papier, cette seconde étape représente 4 600 milles ente le Cap-Vert et Cape Town mais celle-ci pourrait s’avérer être bien plus longue en raison d'une météo annoncée délicate des alizés de nord-est à la traversée du Pot au Noir (zone de convergence intertropicale), avant une longue négociation de l’anticyclone de Sainte-Hélène.

Christian Dumard, consultant météo de la course, explique qu'après un départ dans un vent faible mercredi, les stratèges devront rapidement choisir entre une trajectoire sud à travers l'archipel cap-verdien ou une route ouest pour s'extraire du dévent des îles.

La manière dont les équipages aborderont cette première décision aura une incidence sur l'endroit où ils traverseront ensuite le Pot au Noir. "S'ils veulent le traverser par l'ouest, ils doivent faire de l'ouest dès le départ", annonce Christian. Pour lui, ils n'auront pas besoin de pointer non plus trop vers la cote brésilienne et Recife puisque le passage du Pot au Noir pourrait être relativement rapide, au niveau de la longitude 28 ouest. 


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"Les équipages pourraient rester bloqués pendant quelques heures dans le Pot au Noir mais probablement pas longtemps. Deux ou trois jours après le départ, ils feront principalement cap au sud avant de passer sous l'anticyclone de Sainte-Hélène. Avec un peu de chance, celui-ci se déplacera dans l'est, de sorte qu'ils pourraient faire une route certes longue mais pas la plus longue jamais vu non plus."

Toutefois, Christian Dumard prévient que si, en revanche, le centre de l'anticyclone se déplace lentement vers le sud au fur et à mesure de l'étape, les choses pourraient alors se compliquer ... "C'est complexe et cette étape ne sera vraiment jamais jouée avant l'arrivée. Si l'anticyclone descend, cela pourrait tourner comme nous l'avions vu sur la Brest Atlantique en 2019, lorsque les maxi trimarans étaient restés coincés dans les hautes pressions avant Cape Town", déclare-t-il.

Cette étape va donc être sollicitante pour les régleurs et les spécialistes des navigations dans les petits airs, mais aussi pour les navigateurs, comme Simon Fisher sur 11th Hour Racing Team, Nico Lunven sur Team Malizia ou encore Kevin Escoffier sur Holcim-PRB, l'actuel leader de la course. Chacun devra donc tracer son chemin à travers de grandes zones de vents légers et changeants.

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Au Cap-Vert, les bateaux sont réparés et préparés par les marins et nous voyons bien que les équipes s'adaptent de plus en plus à cette course par étapes qui ne se terminera que début juillet.

Parmi ceux qui rejoignent la course à Mindelo, nous retrouvons les navigatrices Justine Mettraux, qui remplace Francesca Clapcich à bord de 11th Hour Racing Team-Mālama, Anne-Claire Le Berre qui prend le relais d'Annie Lush sur Guyot Environnement-Team Europe et enfin Susann Beucke, au poste d'Abby Ehler sur Holcim-PRB.

Par ailleurs, deux skippers ont fait le choix de se reposer avant d’attaquer la très longue troisième étape entre Cape Town et Itajaí. Benjamin Dutreux passe les commandes à Robert Stanjeck et est remplacé par Sébastien Simon qui entre comme équipier tandis que Boris Herrmann est remplacé par Yann Eliès et c'est Will Harris qui endosse le rôle de skipper.

En effet, l'équipe allemande révélait dimanche que celui-ci s’était gravement brûlé le pied dans les dernières heures de la première étape. Boris Herrmann espérait initialement pouvoir continuer sur la deuxième étape mais après une visite à l'hôpital de Mindelo, il s'est imposé que Boris devait rester sur le banc de touche pour s'assurer une bonne cicatrisation avant d'attaquer l'étape du Grand Sud.

Cet incident souligne bien les dangers auxquels les équipages sont confrontés sur ces bateaux. Les équipes discutent notamment entre elles et partagent leurs petites astuces. A l'image de 11th Hour Racing Team qui a installé un robinet sur la bouilloire pour réduire le risque de se bruler.

220522 11HRT AMO CONCOFFSHORE 01121© © Amory Ross / 11th Hour Racing

Il s'agit de la troisième participation à cette course pour la Suissesse Justine Mettraux, après Team SCA en 2014-15, puis Dongfeng Race Team en 2017-18. "C'est agréable d'être de retour sur The Ocean Race", déclare-t-elle Mindelo. “Cette course fait partie de ma carrière et de ma vie ; et je suis vraiment heureuse d'être de là. Je me sent vraiment chanceuse de faire partie à nouveau de cet événement génial."

La skipper de Teamwork, qui a terminé septième de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe 2022, affirme que cette campagne avec l'équipe américaine, lui sera utile pour son projet mais qu'elle apporte aussi au team. "C'est sûr que j'apprends des choses avec 11th Hour Racing Team qui vont m'aider ensuite dans mon projet Teamwork mais cela fonctionne aussi dans l'autre sens. Et puis, c'est toujours plus de temps passé sur l'eau en IMOCA, donc c'est vraiment bien pour moi de combiner les deux campagnes", confie-t-elle.

La navigatrice fait ensuite l'écho de la prédiction de Christian Dumard concernant l'étape. "Cela ne sera pas facile stratégiquement. Nous allons surtout essayer d'éviter les grosses erreurs", déclare-t-elle. "Nous devrons bien mesurer les risques et décider de tenter ou non des choses, tout en essayant d'aller vite tout le temps. Il y aura probablement beaucoup d'opportunités et de moments clés et il faudra rester à fond concentrés d'un bout à l'autre."

S 14 01 230120 JUC Holcim  JC 2627© (C) Julien CHAMPOLION | polaRYSE | HolcimPRB ((C) Julien CHAMPOLION | polaRYSE | HolcimPRB (Photog

Les organisateurs sont très satisfaits de la manière dont l'IMOCA relève jusqu'ici le défi de cette première Ocean Race. Phil Lawrence, directeur de course, confirme qu'il est génial de voir ce qu'il appelle l'esprit "super-compétitif" qui existe entre les équipages. "Ils sont là pour gagner et travaillent aussi très bien avec l'organisation (de la course), ce qui est vraiment agréable”, se réjouit-t-il.

"Je suis très heureux de la façon dont les choses se passent", poursuit-il. "Les IMOCA ont eu une sortie de Méditerranée absolument brutale, avec des vents de plus de 50 nœuds de face, qui ne sont pas les conditions optimales pour ces bateaux, et ils l'ont plutôt bien géré. Ils ont eu quelques dégâts notamment sur les voiles, mais ils s'occupent de tout cela ici. Il n'y a pas de dommage structurel majeur à ma connaissance, donc tout va bien. Ils ont été ensuite très rapides dans l'Atlantique dès qu'ils ont rencontré des conditions favorables et réussi à accumuler des journées à 500 milles, ce qui est très impressionnant".

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Phil Lawrence ajoute qu'il n'était pas surpris que les équipages fassent preuve de prudence. "Il faut que ces bateaux fassent le tour du monde et lorsqu'on leur lâche la bride, ce sont vraiment des bêtes. Certains ont fait des pics de vitesse supérieurs à 30km/h, du jamais vu encore sur notre système de suivi en direct. C’est vraiment très élevé ! Il est évident qu'ils ont des alarmes de charge sur les bateaux, donc ils gèrent leurs bateaux, ce qui est essentiel", déclare-t-il.

Alors que Kevin Escoffier et son équipe sur Holcim-PRB chercheront à confirmer leur bonne performance de la première étape, il ne fait aucun doute que Charlie Enright et son équipe bien entraînée sur Mãlama chercheront à les rattraper sur le chemin de Cape Town. À l'arrière de la flotte, Paul Meilhat sur Biotherm (quatrième de la première étape) et l'équipage de Guyot Environnement-Team Europe espèrent améliorer leurs performances avant la troisième étape, dans les mers du Sud jusqu'au Brésil.

Il est aussi frappant d'observer la confiance que Boris Herrmann et son Team Malizia retirent de leur troisième place dans la première étape. Personne dans cette équipe ne cachait sa nervosité à propos de la vitesse du bateau avant de quitter Alicante, mais l'humeur est définitivement plus optimiste.

"Boris n’avait pas été aussi heureux depuis longtemps parce que le bateau va très bien et que l'équipe travaille magnifiquement", nous confie Holly Cova, team manager du projet. "Il est revenu de la première étape très satisfait, malgré sa blessure. Il disait que 'cela ne pourrait pas aller mieux'. Il n'a jamais eu autant confiance dans le bateau et dans l'équipe", ajoute-t-elle.

Ed Gorman (traduit de l'Anglais)