2020 kalamata CMAS day1 1

L’apnéiste français Arnaud Jerald a obtenu le record du monde bi-palmes (en poids constant) le 15 septembre 2020 en plongeant à 112 mètres à Kalamata, en Grèce. Il livre sa vision de son sport et décrit les analogies avec la course au large, plus spécifiquement sur le Vendée Globe.

Du haut de ses 24 ans, Arnaud Jerald est étonnant de maturité. Pour lui, l’apnée va au-delà du défi sportif, des records. Tout comme un tour du monde en solitaire, une plongée est une véritable introspection. À 16 ans, alors que le jeune apnéiste - timide et plutôt renfermé - souffre de dyslexie, il a un déclic, en plein mois de février, lors d’une plongée à 30 mètres : « J’ai ouvert les yeux et il n’y avait rien à voir autour de moi. Tout était bleu, il n’y avait ni poisson, ni épave, rien du tout. Ça a fait un effet miroir et j’ai pu comprendre qui j’étais, au lieu de me regarder au travers du regard des autres. »

2020 kalamata CMAS day1 2© Takuya Terajima

Des émotions, au-delà du résultat
Au-delà de cette introspection, il évoque ce que lui inspire l’aventure du Vendée Globe : « Ce que j’aime dans le sport, ce sont les émotions qui en transpirent. Sur un Vendée Globe, bien sûr la victoire est importante, mais si l’on écoute le marin qui est dixième, il a autant de plaisir à raconter son aventure que le gagnant. Chacun sort grandi de son expérience. Petit à petit, j’ai cherché à tendre vers cet état d’esprit dans mon sport. Dans n’importe quelle discipline, on peut en apprendre sur soi quel que soit le résultat à l’arrivée. »

 
 
 
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Si pour certains, les performances des marins génèrent une véritable fascination, pour d’autres, elles peuvent aussi se réduire à un sentiment d’incompréhension, de peur. Pourquoi se lancer un tel défi ? Qu’est-ce qui pousse un marin à faire un tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance ? De la même manière, le jeune apnéiste raconte qu’il est toujours délicat de mettre des mots sur ce qu’il vit, d’expliquer aux terriens ce qui le pousse à se dépasser dans sa pratique. Tout comme un coureur au large, il est difficile de décrire le plaisir qu’il trouve dans sa discipline. Il explique que ses plongées lui apportent un certain recul, semblable aux marins, qu’il transpose dans sa vie de tous les jours : « Lorsque l’on se trouve sous l’eau ou sur l’eau, loin des côtes, on est totalement à nu. C’est déstabilisant, mais cela nous donne un certain recul dans la vie de tous les jours. On ne cherche pas à tout contrôler. »
 
L’importance de l’équipe
Le long de la corde qui le guide jusqu’aux profondeurs sous-marines, l’apnéiste est seul. Mais pour chaque plongée, toute une équipe l’entoure à la surface, et c’est bien grâce à elle qu’il peut réaliser ces exploits, ces records. De la même manière, un marin ne pourra jamais être sur la ligne de départ d’un Vendée Globe sans l’appui d’une équipe technique et le soutien sans faille de son entourage, de sa famille.
 
Le risque, partie intégrante du sport
En apnée, tout comme en course au large – les événements récents survenus sur le Vendée Globe n’ont pas manqué de nous le rappeler – le risque fait partie intégrante du sport. « Il faut toujours équilibrer la balance entre le risque et la performance. Si on n’équilibre pas cette balance, on va à l’accident. » déclare-t-il. Naviguant dans les conditions musclées des mers du Sud, c’est cette balance que recherchent actuellement les skippers de la Classe IMOCA. Il faut aller vite, certes, mais il faut surtout préserver son bateau. Charlie Dalin, à l’entrée de l’océan Indien déclarait devoir apprendre une nouvelle façon de naviguer, en déréglant son bateau pour lui permettre de décélérer et ainsi faire face au risque rencontré dans les mers démontées des Quarantièmes Rugissants.
 
« Le risque, il faut le regarder droit dans les yeux » déclare Arnaud Jerald, bien conscient des dangers de son sport. « Parfois on veut détourner le regard du risque, pour faciliter l’action. Mais on peut en faire une force. Il ne faut pas oublier qu’il y a plus d’hommes à être allés dans l’espace qu’à avoir plongé en apnée à plus de 100 mètres ! » Il y aussi nettement plus d’hommes à être allés dans l’espace qu’à avoir bouclé cette course mythique qu'est le Vendée Globe ! 

Anne Gourcuff 

La sagesse des profondeurs - Arnaud Jerald, l’histoire d'un record
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