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Charles Caudrelier, co-skipper du trimaran Maxi Edmond de Rothschild, est aussi l'homme qui a mené Dongfeng Race Team à la victoire sur la Volvo Ocean Race en 2017-18 avec, entre autres, Kevin Escoffier et Jérémie Beyou à ses côtés. Actuellement en campagne pour le record du Trophée Jules Verne, il livre à la Classe IMOCA son analyse du Vendée Globe et notamment du parcours de Charlie Dalin.

"Charlie Dalin réalise une course inspirée, contrôlée et mesurée à bord de son plan Guillaume Verdier. Le fait qu'il soit en tête du Vendée Globe depuis plus de deux semaines n’est pas une surprise," assure-t-il.
 
Selon lui, Charlie Dalin montre qu'il est capable de naviguer en tête sur la durée. Il pense que cela reflète non seulement la compréhension stratégique du rythme à avoir, mais aussi l'influence de François Gabart et de son équipe MerConcept dans la gestion de la campagne d’APIVIA.
 
"Je pense que Charlie est quelqu’un d’intelligent et qui bénéficie en plus de l'expérience de François Gabart et de toute l’équipe derrière lui,"  poursuit-il. "Il avait vraiment une idée claire de la façon dont il voulait gérer sa course. Il le fait depuis le départ et cela porte ses fruits. C'est sûr qu'il a de la chance de ne rien avoir touché mais je pense aussi qu'il a très bien navigué."

Charlie Dalin et François Gabart   2© Team APIVIA

 
Charles Caudrelier qui sera de nouveau en stand-by ce week-end aux côtés de Franck Cammas et de leur équipage pour une seconde tentative sur le record Jules Verne, constate la prudence avec laquelle Charlie Dalin a navigué dans les deux premières grosses tempêtes dans l’Atlantique, alors que certains ont pris plus de risques que lui.
 
"Je pense qu'il sait qu'en cas de tempête, il doit être prudent car c'est dangereux pour son bateau, celui-ci est capable d’aller trop vite", confie-t-il. "Il sait qu'il doit être patient et que, lorsque les conditions seront meilleures, il pourra pousser et être plus rapide que les bateaux à dérives, ou même que Thomas (Ruyant en deuxième position sur LinkedOut) qui a un bateau désormais ‘semi-volant’ (perte du foil bâbord)."
 
"Peut-être que Charlie a des problèmes dont nous n’avons pas connaissance,"poursuit-il. "Mais il semble que son bateau soit en parfait état, ce qui est un gros avantage sur tous ses adversaires".
 
Charles Caudrelier trouve cela fascinant de voir la course s’écrire jour après jour et de suivre à quel point les anciens bateaux ont réussi alors que certains nouveaux foilers ont eu des problèmes. Le Breton fait valoir un point très intéressant, à savoir que ce Vendée Globe souligne vraiment que la nature du marin à bord est généralement plus importante en termes de performance que la nature du bateau, qu’il ou elle mène. 

"Vous pouvez voir la différence", développe-t-il. "Il s'agit de savoir qui est à bord, la psychologie qui s’exprime dans manière dont ils ressentent les choses ou réagissent à la pression d’un coup de vent par exemple. C'est une course difficile et le marin fait une différence dans le Vendée Globe, plus que dans n'importe quelle autre course."

L’impressionnant Damien Seguin
 
Lorsque nous l’interrogeons au sujet de Damien Seguin, Charles Caudrelier ne semble pas surpris du tout de le voir faire une si belle course à bord son Groupe APICIL, bateau à dérives droites. Charles affirme que Damien et Yoann Richomme ont fait un excellent travail de préparation et que le skipper a aussi amélioré son bateau de manière très efficace alors qu’il partait de loin avec cet IMOCA construit en 2007.
 
"Damien a travaillé avec Yoann et je pense qu'ils ont été très malins. Et oui, Damien est assez impressionnant. Nous savons que c'est un très bon marin et un gars très dur... cela se voit sur ce Vendée Globe".

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Naufrage de Kevin Escoffier

Bien sûr, Charles était extrêmement inquiet lorsque Kevin Escoffier, son ami et ancien équipier de Dongfeng Race Team, était dans son radeau de survie. Charles explique qu’avant que Jean Le Cam ne signale avoir vu Kevin pour la première fois, il s'inquiétait qu'il n'ait pas réussi à monter dans son radeau en toute sécurité, avec le peu de temps qu'il a eu pour évacuer PRB.

13 03 171213 DFG MTK 00035© Martin Keruzore/Volvo Ocean Race


"C’était extrêmement stressant parce que je ne comprenais pas pourquoi il était dans son radeau sans communication", explique le marin. "Nous avons découvert par la suite qu'il n'avait pas eu le temps de prendre le grab-bag (sac avec du matériel de sécurité et de communication). C’est incroyable car il est normalement positionné à bord, de sorte d’être récupéré très rapidement dans ce type de situation. Il n’a même pas eu le temps de le prendre... Ce qui veut dire que tout a été vraiment très, très vite."
 
Le co-skipper du Gitana Team félicite Jean Le Cam pour le sauvetage. "Jean a vraiment réalisé un travail incroyable pour arriver à s'approcher du radeau sans l'endommager, ni blesser Kevin."

Un Vendée Globe en 2024 ?

 
Caudrelier sera-t-il au départ d'un futur Vendée Globe, une course à laquelle il n'a encore jamais participé ? L'homme de 45 ans estime lui-même qu'il est peut-être trop vieux pour s’élancer en vainqueur potentiel. Mais l'aventure de la course et la possibilité d'un podium l'attire toujours.
 
"Je voudrais le faire comme une aventure et une expérience pour moi, même si je serais peut-être trop vieux pour prétendre à la victoire", avoue-t-il. "Mais j'aimerais me lancer ce défi - et Jean le Cam nous montre que l'on peut avoir un bateau plus vieux, être plus âgé que tout le monde et faire une très belle course."

Un seul objectif : le record

Après la réparation du foil bâbord du Maxi Edmond de Rothschild, le Gitana Team se remettra en stand-by pour le record du Trophée Jules Verne à partir de ce week-end, même si Charles Caudrelier indique qu'il n'y a pas de fenêtre météo avant au moins le milieu de la semaine prochaine. Il rappelle que lors de la première tentative - avortée après trois jours de mer et après avoir heurté quelque chose dans l'eau-, le grand trimaran s’est montré véloce mais que les conditions météorologiques n'étaient pas aussi favorables que le routage l'avait laissé entendre.

200917 ES GITANA 0611 Edit 3© Eloi Stichelbaut - polaRYSE / GITANA S.A.


Charles Caudrelier indique aussi que Franck Cammas et lui se sont fixé l’objectif - idéalement - d'avoir deux jours d'avance sur le record d'IDEC au Cap de Bonne-Espérance, afin d'avoir une chance de battre le record en arrivant au Cap Horn. Il souligne que même si Thomas Coville et l'équipage de Sodebo ont actuellement 300 milles d'avance sur le temps de référence, juste après être entrés dans le sud de l'océan Indien, cela pourrait ne pas suffire pour égaler les vitesses remarquables de Francis Joyon et de son parcours sur l’ensemble du Grand Sud.
 
"On pense que Sodebo est très avancé par rapport à IDEC", explique-t-il, "mais en fait, IDEC a fait un très mauvais Atlantique - il a mis 13 jours - mais après cela, il a battu le record de traversée de l'océan Indien puis du Pacifique. Il a donc beaucoup gagné dans cette section - il est simplement allé tout droit, alors que tous les autres avaient dû empanner…"
 
Durant notre conversation, Charles Caudrelier a répété à plusieurs reprises que ce record - à 40 jours et 23 heures - est très difficile à battre et qu’il se donne à fond pour réussir. "C'est mon seul objectif et aujourd'hui, je ne me concentre que sur cela et je sais que j'ai beaucoup de chance de naviguer à bord de ce bateau incroyable."

Ed Gorman (traduit de l’Anglais)