COLMAN Conrad h 2022

Outre l’actualité de The Ocean Race et avant la reprise des courses en France début mai avec la Guyader Bermudes 1000 Race à Brest, les titres de la Classe IMOCA évoquent régulièrement les nouveaux bateaux, les nouveaux sponsors, mais aussi les nouvelles structures d'équipes.

Évoquons aujourd’hui les skippers qui se battent pour faire survivre leur projet, en quête de sponsors pour leur campagne Vendée Globe.

L'un d'entre eux est le fameux Conrad Colman, un Néo-Zélandais de 39 ans qui possède également la nationalité américaine. Cela peut paraître étrange qu'il fasse partie de cette catégorie. En effet, il est difficile de trouver un candidat au profil plus complet dans les rangs de l'IMOCA pour porter les couleurs d'une grande entreprise internationale, qu'elle soit basée en France ou ailleurs.

Conrad possède un CV impressionnant. Il a couru trois fois autour du monde, terminant notamment le Vendée Globe 2016-17 à la 16e place. Il a été le premier Kiwi à réaliser cet exploit, comme il a été le premier Néo-Zélandais à entrer dans la Classe Figaro ou à participer à la Route du Rhum. De plus, il a une forte sensibilité écologique : Conrad a notamment été le premier skipper à boucler le Vendée Globe sans utiliser d’énergie fossile.

Conrad Colman 1© Olivier Blanchet / DPPI

Outre ses exploits sur l'eau, Conrad parle couramment français et est un excellent communiquant. Il a notamment travaillé pour l’équipe d’organisation de la dernière Volvo Ocean Race en tant qu'expert et analyste, aidant à expliquer la course au grand public.

Conrad a également démontré son engagement total envers son rêve de participer au prochain Vendée Globe en contractant un prêt de 800 000 euros. Celui-ci a financé l'achat d'Imagine - un plan VPLP Verdier de 2007 - et sa participation à toutes les courses du Championnat IMOCA GLOBE SERIES en 2022, y compris la Route du Rhum, qu’il a terminée 18e et 4e des bateaux sans foils.

Pourtant, ce sympathique et modeste Kiwi, qui admet que le prêt pèse lourd dans sa vie et interrompt même son sommeil, n'a pas encore le soutien dont il a besoin. "Jamais je n'ai été un candidat aussi complet" confie-t-il. "Personne ne remet en question mon expérience ou mon niveau sur l'eau. Même avec un bateau plus lent sur le papier, j'ai fait de belles places en course l'année dernière".

Les discussions avec d'éventuels sponsors ou partenaires se poursuivent, mais Conrad estime que s'il ne parvient pas à obtenir un partenaire titre d'ici juillet, pour soutenir un budget opérationnel d'environ 600 000 euros par an, il met en péril l'ensemble de sa campagne de Vendée Globe 2024 et de sa saison 2023.

A certains moments, un accord a semblé proche, mais Conrad s'est rendu compte qu'il était au pied d'un mur qu'il ne pouvait pas franchir. "L'idée était de faire la saison 2022 pour montrer mon potentiel, puis d'utiliser ce palmarès pour vendre du sponsoring",déclare-t-il à la Classe IMOCA cette semaine. "Nous avons fait de très bons progrès dans ce sens et un certain nombre d'entreprises étaient vraiment intéressées, en particulier grâce à une Route du Rhum solide, avec un bon classement et une bonne communication. Mais l'économie s'est effondrée et les entreprises auxquelles nous nous adressions appartenaient au secteur technologique américain, qui a été particulièrement touché ces derniers temps."

101430 conrad colman imagine dix huitieme en imoca route du rhum destination r 1200 900

Conrad est en première ligne, essayant de parler au monde entier de ce qu'est l’IMOCA et de ce qu’est le Vendée Globe et ses courses de qualification. Il prend du temps à expliquer ce qu'elles représentent pour les personnes qui y participent et pour ceux qui les soutiennent et les suivent.

"C'est difficile pour un skipper international anglophone basé en France",explique-t-il. "Ma carte à jouer dans ce domaine est d'amener les entreprises internationales, qui ont une présence en France, pour contribuer à faire grandir leur exposition et d'ouvrir notre monde de la course au large à un public encore plus large. Cette recherche de sponsors m'a également exposé un peu plus aux imprévus de l'économie internationale, avec la guerre en Ukraine, l'inflation post-Covid et ainsi de suite, ce qui a rendu les choses encore plus difficiles à vendre".

Il tient à préciser que des entreprises françaises s'intéressent à lui, ainsi que des sociétés internationales. Il est actuellement en discussion avec plusieurs d'entre elles, proposant le naming du projet et tous les droits associés.

Nous pourrions penser que la passion de la Nouvelle-Zélande pour la voile - nation qui détient actuellement l’America’s Cup - pourrait créer un lien particulier avec ce pays. Mais Conrad estime que le Vendée Globe reste un événement lointain pour le public et les entreprises kiwis, même s'il aimerait que ce ne soit pas le cas. "J'ai beaucoup de Kiwis enthousiastes qui me souhaitent bonne chance, mais j'ai eu du mal à attirer l'attention des entreprises néo-zélandaises - ou du moins jusqu'à présent, et j'aimerais bien qu'on me prouve le contraire", explique-t-il.

JLC Bermudes1000 07031© Jean-Louis Carli / ALEA

Les prochaines semaines lui seront cruciales, alors qu'il se prépare pour la saison 2023, espérant ce contrat qui pourrait marquer le début d'une nouvelle ère dans sa carrière, une ère qui pourrait inclure non seulement le prochain Vendée Globe, mais aussi la prochaine course océanique en équipage. Après avoir travaillé pour la Volvo Ocean Race, il suit l’événement en cours avec attention et est impressionné.

"Je pense que c'est une incroyable première édition qui montre vraiment le potentiel",a-t-il déclaré. "Les gens ont souvent critiqué le passage à l'IMOCA parce qu'ils pensaient que les bateaux exploseraient en vol et qu'il n'y aurait pas d'action sur l'eau, surtout si l’on vient du monde de la monotypie. Mais en fait, c'est encore plus serré que ce que nous avons vu sur l'édition précédente."

"Jamais nous n'avons vu quatre bateaux naviguer à vue les uns des autres au Point Nemo ! C'est absolument inédit et je trouve cela merveilleux",ajoute-t-il. "La course est un formidable coup de projecteur sur ce que nous faisons. C'est aussi impressionnant d'avoir des hommes et des femmes Onboard Reporters en IMOCA. Les images sont incroyablement spectaculaires et les récits qui permettent de mieux connaître les marins du bord sont fantastiques."

Ed Gorman (traduit de l'anglais)