Va2022 20220612 va22 startbellionjml 2009 basse dfinition vi

Avant la décision de la Direction de Course de neutraliser cette nuit la Vendée Arctique afin de laisser passer une forte dépression au large de l’Islande, le Classe IMOCA s'est entretenue avec Kevin Escoffier, l'un des skippers qui observent la course depuis la terre.

Le skipper de PRB s’est montré particulièrement impressionné par les performances de deux nouveaux venus dans les rangs de l'IMOCA, Benjamin Ferré et Guirec Soudée.

Les deux Français - âgés de 30 et 31 ans - n’ont pas manqué de mettre en application tout ce qu’ils ont appris sur la Guyader Bermudes 1000 Race le mois dernier et réalisent une très belle performance. En effet, Benjamin Ferré occupe actuellement la quatrième place, à bord de Monnoyeur-Duo for a Job, et Guirec Soudée, la cinquième, aux commandes de Freelance.com.

Les deux hommes ont des parcours maritimes atypiques, mais ont pourtant su s’adapter vite à l’exercice, donnant presque l’impression d’avoir toujours régaté en IMOCA. Kevin Escoffier sait combien il est difficile de réaliser ce qu'ils font avec si peu d'expérience, d’autant plus lorsque la bataille se joue avec des foilers récents.

Va2022 20220615 va22 onboard1506 ferre 2304 basse dfinition vi

"Je suis très impressionné par ces deux skippers parce que la Guyader Bermudes 1000 Race était leur première course en IMOCA et qu’il peut être compliqué de naviguer en course sur ces bateaux à mesure qu’on les découvre”, expliquait-il hier soir à son retour d’entraînement à bord de son tout nouveau PRB.

"Je suis également impressionné car être marin en IMOCA ne consiste pas seulement à naviguer mais aussi à gérer un projet de A à Z. Ils s'occupent à 100% de leurs projets - du budget, des détails techniques, de la recherche de partenaires, etc. Pour eux, ce n'est pas seulement un défi sur l’eau, mais aussi à terre."

Va2022 20220604 va22 ferrebi0406jlc 1863 basse dfinition vi

Les premiers jours de cette course ont été assez étonnants. En effet, les 24 skippers encore en course (Szabolcs Weöres ayant abandonné) sont partis très rapidement des Sables d’Olonne dimanche, puis ont dû faire face à deux grandes zones de calme, avant de s'installer dans un flux de sud-ouest les portant vers l’Islande.

Il est intéressant de noter que les bateaux à dérives droites ont alors choisi une route plus courte, en se positionnant le plus à l’est de la flotte, ce qui a permis à six d'entre eux de se glisser dans le top 12 du classement après quatre jours et demi de course. Kevin souligne que, dans ces conditions de vents légers, les skippers de foilers sont parfois confrontés à un grand dilemme, celui de suivre ou non le routage optimal proposé en fonction de leurs polaires de vitesses*.

Va2022 20220615 va22 onboard1506 soudee 2311 basse dfinition vi1

“En course, pour un bateau à foils, le routage donné par le logiciel utilisé pour trouver la route la plus rapide oblige à parcourir beaucoup plus de milles que les anciens bateaux équipés de dérives. Mais les prévisions météorologiques ne sont pas fiables à 100 % et lorsque vous n'êtes pas en mesure de réaliser le routage donné par le logiciel, vous pouvez rester bloqués dans une zone sans vent et voir les bateaux plus lents qui ont parcouru moins de milles, se retrouver à l’avant de la flotte.”

“Dans ces conditions de vent faible, les foilers sont parfois davantage mis à rude épreuve que les bateaux à dérives. Des navigateurs comme Charlie Dalin ou Jérémie Beyou qui parviennent à suivre le rythme du routage, sont capables de gérer et de rester ainsi en tête, mais comme nous pouvons le voir, ce n’est pas si simple”, complète-t-il.

Va2022 20220612 va22 startfreelancejml 1928 basse dfinition vi

Kevin Escoffier souligne aussi que les choix du skipper quant à la route à prendre et l’utilisation des foils restent primordiaux. “La réussite ne réside pas seulement dans le logiciel puisque, en finalité, c'est le skipper qui choisit la trajectoire qu’il souhaite prendre.", précise-t-il. “Vous pouvez ensuite utiliser les foils de deux manières : soit pour trouver la trajectoire la plus rapide atteignable avec des foils, soit vous utilisez le logiciel avec des polaires d'un bateau à dérives et vous utilisez les foils occasionnellement comme un turbo".

Un autre exemple d’un skipper qui navigue bien sur un bateau à dérives sur cette course est Éric Bellion, 9e du Vendée Globe 2016-17, cette année à la barre du fameux « Hubert », l’IMOCA avec lequel Jean Le Cam a bouclé le dernier Vendée Globe, désormais aux couleurs de COMMEUNSEULHOMME powered by Altavia. Ce dernier a redoublé d’efforts depuis le départ des Sables d’Olonne et réussi à naviguer aux avant postes du peloton, en 11ème position.

"Il fait une belle course", commente Kevin. "Les foilers sont des bateaux beaucoup plus complexes à gérer que ceux à dérives. Je pense que quand on a un bateau polyvalent et facile à utiliser et que l’on est un bon marin comme Éric, on est capable de jouer avec les meilleurs."

Eric Bellion, ravi de son retour en course cette année, était assez satisfait de sa position même si la seconde zone de calme ne lui a pas été favorable. "C'était horrible pour moi", a-t-il confié à l’IMOCA alors que son bateau surfait sous le vent vers l'Islande dans des vents croissants. "C'était la pire zone de haute pression que j'ai connue dans ma vie. Il n'y avait pas de vent du tout et des vagues assez grosses, donc je n'avais pas d'autre choix que de rouler mes voiles d'avant et d'attendre. En plus, dans ces conditions, vous voulez dormir, vous voulez manger, mais vous êtes tellement nerveux que vous ne pouvez rien faire à part attendre le vent qui ne vient jamais."

Va2022 20220612 va22 startbellionjml 2016 basse dfinition vi

Le skipper est plutôt content du résultat de son positionnement dans l’est dès le début de la course, une option payante selon lui. "Je suis heureux à deux égards", explique-t-il."Tout d’abord, cela signifie que je n'ai pas oublié comment gérer un IMOCA et je le fais à ma façon, avec beaucoup d’enthousiasme et de confiance. Ensuite, cela conforte notre choix avec Jean Le Cam et l’architecte David Raison de construire un nouvel IMOCA à dérives. En effet, cette performance me plaît car elle montre qu'il y a moyen d'être compétitif sans foils."

Avant même que la course ne soit neutralisée, la décision de raccourcir le parcours avait déjà été saluée par Kevin Escoffier qui estime que c'était la bonne décision compte tenu des conditions météorologiques autour de l'Islande. "Je pense que oui, l’organisation a fait le bon choix", affirme-t-il. "Le parcours était très au nord et si vous avez un problème là-haut, il n'est pas évident de s’arrêter dans un port sur l’île en raison de la taille de nos bateaux. Je pense que cela ne changera rien sur le plan sportif et le mieux est toujours d’arriver tous en sécurité à la fin."

Ed Gorman (traduit de l'anglais)