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Pointé en 3ème position du classement ce mercredi à 9h00, Charlie Dalin navigue ce matin à 20,7 nœuds. S'il a réussi à limiter l’hémorragie de milles suite à l’avarie survenue lundi après-midi sur la cale basse du foil bâbord (gauche), il est important de constater ce matin qu’APIVIA a navigué 12 heures consécutives hier, tribord amures (vent venant de la droite) soit en appui sur le foil réparé.

Un vrai test grandeur nature dans un vent forcissant de plus de 20 nœuds. Côté écarts, APIVIA pointe ce matin à 144 milles de Thomas Ruyant (LinkedOut) et 149 milles de Yannick Bestaven (Maître CoQ IV). Rapide retour sur les faits et témoignage de Charlie pour décrire la situation.

Alors en tête de la 9e édition du Vendée Globe depuis le mardi 24 novembre dernier, Charlie informe son équipe à terre le lundi 14 décembre vers 19h00 qu’il a entendu un bruit important à bord et qu’il met la course entre parenthèses, pour prendre le temps d’inspecter APIVIA. Il constate que le système de foil bâbord (gauche) est endommagé, mais qu’aucune voie d’eau n’est constatée à bord. L’avarie concerne la cale basse (point d’appui bas du foil soit la jonction entre le foil et le bateau) bâbord qui est endommagée. Analyse de la situation et échanges avec l’équipe à terre d’APIVIA commencent. Une cellule de crise est aussitôt mise en place chez MerConcept à Concarneau, composée d ‘Antoine Carraz (Directeur Technique), d’Antoine Gautier (Directeur des Etudes) et de François Gabart (MerConcept) pour étudier la meilleure solution à mettre en œuvre.

Les conditions attendues sur zone le mardi 15 décembre semblent favorables pour tenter une réparation. Au pointage de 9h00 (heure française), APIVIA empanne et suit un cap au 93°, vent bâbord amures (vent venant de la gauche) soulageant ainsi le foil bâbord (gauche) endommagé, qui n’est plus sollicité, ni en appui sur l’eau. APIVIA progresse entre 4 et 5 nœuds, Charlie peut alors commencer la procédure de réparation envisagée.

Explications d’Antoine Carraz, (Directeur Technique d’APIVIA) : « Charlie a fabriqué une pièce de 70 cm de large en sandwich carbone / mousse qu’il est venu poser en remplacement de la pièce abîmée. Pour cela, il a dû mettre le bateau à la cape avec la quille sous le vent pour le faire giter le plus possible. Il est ensuite monté sur le foil en prenant les mesures de sécurité nécessaires pour aller remplacer la cale basse. En tout, il y a d’abord eu un temps de réflexion et par la suite 14-16 heures de mise en œuvre. »

Le classement de mardi 15h00 confirme l’information : APIVIA a de nouveau empanné et a repris une route normale, naviguant alors à la vitesse de 8,62 nœuds, en suivant un cap au 155°, soit au Sud-Est vers la Zone d’Exclusion Antarctique. Charlie a donc repris sa route et sa stratégie, sollicitant de fait et volontairement APIVIA sur son foil bâbord réparé. Un test grandeur nature de près de 12 heures dans un vent forcissant de plus de 20 nœuds, qui semble fonctionner pour le moment. L’observation se poursuit pour valider la réparation effectuée, si elle est bien conforme à celle imaginée.

Arrivé aux portes de la zone des glaces en milieu de nuit, APIVIA a de nouveau empanné pour longer la zone interdite, qu’il ne devrait plus quitter plusieurs jours durant. Un long bord bâbord amures (vent venant de la gauche), dans un vent maniable. La chasse pourrait alors être lancée. 

 

 

Charlie raconte le déroulé des opérations :

« Lundi soir en fin de nuit pour moi, environ 2 heures avant le lever du jour, je réalise que j’ai de l’eau qui, de temps en temps, coule dans le cockpit par le tunnel alors que ça n’arrive jamais. Je trouve ça bizarre, j’envoie un message à l’équipe pour leur en faire part. Je continue à cogiter. Je me demande si ce n’est pas le peigne du tunnel… J’en parle à l’équipe. La 2e alerte, une alarme d’envahissement d’eau dans la zone du puits de quille. Je vais voir et il y a effectivement un peu d’eau qui est rentrée mais je ne sais pas trop par où. Je finis par me rendre compte que le puits de foil est plein d’eau et je vois mon foil bouger dans un sens dans lequel il ne le devrait pas. Il a un degré de liberté dans lequel il devrait être contraint... Je me dis tout de suite que j’ai dû perdre la cale basse... Au début je n’ose pas y croire. J’ai pris ma caméra que j’ai mis sur une perche et ralenti le bateau pour filmer à l’extérieur et voir autour du foil. Est-ce que je vois la cale ? Je réalise que la cale basse inférieure a disparu. Ça a été horrible car instantanément j’ai vu mon Vendée Globe se terminer. C’était l’abandon à coup sûr… J’ai éclaté en larmes de désespoir de me rendre compte de ça, je me suis dit que c’était fini et que ça n’allait jamais le faire. Toute l’équipe était très déçue de cette avarie, ça les a marqué aussi. »

« J’ai tout de suite remonté le foil au max, ainsi il a tendance à se plaquer contre la cale du haut et j’ai fait des essais de navigation en accélérant au fur et à mesure pour voir ce qu’il se passait… Malgré tout, je voyais que de temps en temps, il y avait des inversions de force et que le foil redescendait et s’appuyait sur le puits, qu’il était plein d’eau et que ça le mettait trop sous pression. »

« Il y a une période où l’équipe a réfléchi en fonction de ce que j’avais à bord et de toutes les contraintes que l’on connait, d’être tout seul sur un IMOCA à l’autre bout du monde pour réparer ce genre de truc. On a convenu de fabriquer une cale de substitution avec des morceaux de carbone et un morceau de mousse. J’ai découpé mes bouts de carbone à la meuleuse (NDLR : disque diam). Puis j’ai assemblé mes pièces et fait le collage. Pendant qu’il prenait, je dormais un peu car je savais que la suite allait être compliquée… »

« Pour la phase d’installation de la pièce, je savais que j’allais avoir à me suspendre dans mon baudrier à une drisse pour atteindre le niveau de la sortie du foil et réussir ainsi à l’installer en la maintenant en position avec des bouts qui viennent de l’intérieur. »

« Je me suis mis à la cape au dernier moment car je savais que j’irais dans le mauvais sens à ce moment-là. J’y suis allé quand vraiment tout était prêt : mon baudrier, mon harnais, ma combinaison étanche… J’étais accroché à une drisse et à une longe qui me reliait au pont. J’avais une double sécurité. J’ai commencé mes allers-retours. J’allais au niveau du foil par l’extérieur du bateau pour tenter d’insérer ma cale, voir où il y avait trop de carbone et là j’ai fait je ne sais pas combien de dizaines d’allers-retours pour ajuster la pièce, dégraisser à droite et à gauche, pour réussir à la faire rentrer dans le puits. Là, ça a été long, et je voyais le soleil qui commençait à baisser. Il fallait que je continue et que j’y arrive avant la tombée de la nuit. C’était vraiment mon objectif. Ça aurait été dur pour moi d’attendre le jour suivant pour continuer. Vraiment au bout de mes forces et au bout de ma fatigue, j’ai réussi à insérer la pièce. »

« Heureusement, ça a fini par rentrer. J’ai réussi à sécuriser la pièce par l’intérieur comme on avait prévu de le faire. J’ai pu réempanner et reprendre ma route. Au début, je ne pensais qu’à dormir… mais il n’y avait plus beaucoup de vent donc ça a été plus fort que moi et j’ai déroulé une voile plus grande pour aller plus vite. Même si je restais sur des valeurs tranquilles de vitesse. Par la suite, je n’ai fait que dormir. »

« Ce matin, j’ai observé mon foil. On a commencé à faire des essais en allant un petit plus vite, en accélérant… pour voir si le foil bougeait et dans quel sens. La conclusion, c’est que le foil bouge peu au final. A priori, ça a l’air d’aller… Une fois empanné, j’ai refait une inspection en reprenant des photos par l’extérieur du bateau pour voir si la pièce avait bougé mais elle ne paraît pas avoir bougé. C’est plutôt bon signe après quelques accélérations de voir que tout est en ordre de marche et que ça a l’air de tenir. »

« On continue de réfléchir s’il faut encore sécuriser davantage mais, en tous cas, le tribord que j’ai fait cette nuit pour moi était plutôt encourageant et ça m’a donné confiance dans la réparation qu’on a effectué. »