14 04 230429 GAL GUYOT 0280

Pas de fête du travail et donc de jour chômé à bord des IMOCA de The Ocean Race, et encore moins de muguet ! Holcim-PRB a signifié ce week-end à Rio de Janeiro qu’il se retirait finalement de l’étape 4, afin de charger le bateau quillé sur un cargo direction Newport.

Un nouveau mât devrait partir vers Rhode Island, également par cargo. L’objectif pour l’équipe autour de Kevin Escoffier le skipper et de Marine Derrien, la team manager, est de pouvoir prendre à temps le départ de la cinquième étape le 21 mai. Le timing est ultra serré, et chaque heure va compter. Ses quatre adversaires naviguent dans un alizé de sud-est modéré, et sont en approche du Pot au Noir.

A l’est de Fortaleza après la pointe orientale du Brésil, ayant inspiré il y a 44 ans une célèbre chanson de Bernard Lavilliers, l’on doute que les marins aient le loisir d’écouter le chanteur stéphanois. La flotte emmenée par Team Malizia skippé par Will Harris, navigue dans un alizé de sud-est d’une douzaine de nœuds, par trois degrés sud et 36 ouest, mais avec un angle de vent optimal et glisse à près de 20 nœuds. Les équipages ont surtout l’équateur dans le viseur. Le fameux Pot au Noir rime souvent avec cauchemar pour un marin, tant le vent peut être aléatoire, que ce soit en force ou en direction, avec orages, grains, trombes d’eau, parfois sans un souffle d’air… Le célèbre routeur et formateur en météo Jean-Yves Bernot compare souvent le Pot à une casserole d’eau bouillante, où il est impossible de savoir où vont se créer les bulles.

14 04 230429 GAL GUYOT 0003

La ZCIT - zone de convergence intertropicale -, nom scientifique du Pot au Noir, se forme par la rencontre des masses d’air chaudes et humides, provenant des tropiques. Si les Anglo-saxons appellent la ZCIT « doldrums », nombre de légendes sont associées à cette zone située entre trois et huit degrés du sud au nord, et 25 et 35 degrés ouest. Il se dit qu’outre la couleur sombre du ciel même en plein jour, cette appellation de Pot au Noir proviendrait des capitaines de navires négriers au XIV ème siècle lors du commerce triangulaire. Encalminés des semaines, ces derniers n’hésitaient pas à jeter par-dessus bord les esclaves malades. Les Anglais ont longtemps parlé de « horse latitude », car dans les mêmes conditions, les capitaines des navires se débarrassaient des chevaux assoiffés de la même manière. Les équidés étaient tout simplement accusés de consommer trop d’eau douce…

14 04 230430 GAL GUYOT 3933

Ce phénomène arbitraire et craint par les navigateurs est la conséquence d’une « guerre » sans merci entre les alizés de l’hémisphère sud dans lesquels naviguent actuellement les concurrents, et ceux de l’hémisphère nord de part et d’autre de l’équateur. Les eaux y sont très chaudes, et l’évaporation génère alors des millions de mètres cubes de vapeur d’eau qui se transforment en énormes nuages de type cumulonimbus, avant de se déverser dans la mer. Selon Christian Dumard météorologue de la course, les concurrents devraient subir de forts grains et beaucoup de pluie dès la fin de journée, outre un violent courant en approche du Pot, mais rapidement toucher les alizés de nord-est, et accélérer. Aujourd’hui, tribord amures et donc dans un alizé bien établi de sud-est, la flotte file plein nord à près de 20 nœuds. A partir du 3 mai, à l’est des Caraïbes, les bateaux devraient à nouveau aligner des moyennes impressionnantes dans un vent relativement régulier, mais dans un vacarme assez effrayant.

A bord de Biotherm, Mariana Lobato et Alan Roberts en tenue de plage et de quart, « cuisent à petit feu » dans le cockpit uniquement ouvert sur l’arrière. « Il fait un peu plus de 38 degrés »explique en souriant le Britannique, télécommande de pilote en mains. « Le pire c’est le matossage ! »Sur GUYOT Environnement -Team Europe, Sébastien Simon confirme, mais préfère en rire et prendre les choses du bon côté : « disons qu’on déplace quelques dizaines de sacs et voiles plusieurs fois par jour… Quand le vent est léger et instable, on groupe tout au milieu du bateau, et quand l’alizé se renforce, alors là, on stocke tout sur tribord ! » A voir les marins lampes frontales dans la soute, en train de suer sang et eau pour déplacer au vent des voiles de plusieurs centaines de kilos, il n’est pas difficile d’imaginer combien l’exercice relève de la punition.

14 04 230430 ANB BIOTH 3929

En proie à un ennui technique ce week-end, quand le bout permettant de descendre le foil bâbord s’est rompu, GUYOT Environnement - Team Europe mené par Benjamin Dutreux, s’est malheureusement fait décrocher par le trio de tête, le temps de réparer, le bateau ne pouvant voler. C’est là que l’on voit la différence de performance entre les IMOCA avec ou sans foil. Ce 1er mai en fin de nuit à la corne du Brésil, il navigue dans un autre système météo que ses concurrents, et pointe à 190 milles de Team Malizia à la lutte avec 11th Hour Racing Team, les deux bateaux n’étant séparés que de 1,1 mille. Au vu des vitesses à deux chiffres, le Pot au Noir a manifestement décidé d’être coopératif… mais reste lunatique !

Source The Ocean Race