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Ce mardi 7 novembre, la flotte des 40 IMOCA s’est élancée sur la Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre, offrant un départ des plus spectaculaires dans des conditions parfaites.

Maintenant, les duos s’apprêtent à aborder leur première nuit en mer avec déjà un choix cornélien à faire, disons même la plus grande décision stratégique à prendre de cette course vers la Martinique : faut-il partir sur la route nord ou sud ?

Cette transat en double qui a lieu tous les deux ans s’est élancée cette fois-ci un peu plus tard dans le calendrier que les éditions précédentes. Aussi, l’Atlantique Nord offre des conditions météorologiques des plus turbulentes et rend ainsi le choix de route très complexe.

Nous nous sommes entretenus avec Marcel Van Triest, météorologue de renom dans le milieu de la course au large, qui a conseillé quatre équipes IMOCA dans leur préparation d’avant-course (le routage en course est ensuite interdit pour cette Classe) et qui route actuellement de duo du Maxi Banque Populaire XI, en tête de la flotte des Ultim.

Ses équipes sont quatre des meilleurs bateaux de la flotte - Jérémie Beyou et Franck Cammas sur Charal, Justine Mettraux et Julien Villion sur Teamwork, Sam Goodchild et Antoine Koch sur For The Planet et le champion en titre de la Transat Jacques Vabre, Thomas Ruyant naviguant avec Morgan Lagravière sur For People.

Marcel Van Triest simplifie le tableau météorologique en parlant d’une option nord, face à une succession de dépressions et une route sud, plus douce pour les bateaux et les marins, mais potentiellement beaucoup plus lente.

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Que réserve le sud ?

Sur l'option sud, dont l'efficacité dépendra d’abord de l'évolution d'un anticyclone centré au sud-ouest de Lisbonne, les bateaux devront commencer par traverser un système dépressionnaire au large de l’ile de Ouessant, en sortie de Manche. Viendra ensuite l’heure de la décision.

« S'ils choisissent la route sud, ils pointeront vers le Cap Finisterre et essaieront de gagner au sud avant que le chemin ne se referme »,explique Marcel Van Triest. « En effet, il y a un anticyclone qui devient une dorsale. Tant que c'est un anticyclone, il est possible de le contourner - il y a un certain flux autour de lui - alors qu'après, cela devient une zone peu active, avec très peu de vent. La fenêtre se referme et il est donc déjà extrêmement incertain qu'ils puissent réussir à traverser, pour finir ensuite près des côtes marocaines ou des îles Canaries. »

Cette option comporte également une incertitude à plus long terme : « Le danger est que les bateaux qui vont vers le sud devront investir beaucoup pour traverser », ajoute Marcel. « Il y aura un passage avec des airs très légers, sous le vent. Ils devront enchaîner les empannages pour faire route vers le sud jusqu’à toucher les alizés. Une fois installés dans les alizés, il y aura des vents portants, mais légers jusqu'en Martinique, donc cela de donne globalement pas une course très rapide. »

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Que réserve le nord ?

L’option nord est une autre paire de manches, avec moins de soleil, une mer plus froide, beaucoup d’eau sur le pont et une navigation plus rude. « Sur cette route, vous devez affronter une série de dépressions, ce qui n'est pas très attrayant, à moins que vous aimiez les punitions », explique Marcel Van Triest. « Vous ferez beaucoup de près, avec pas moins de trois fronts à négocier… Puis, à la fin, il faudra espérer que l'anticyclone localisé sur les Bermudes se déplace et laisse une porte ouverte pour descendre vers la Martinique. »

Nous avons donc demandé à Marcel quel aurait été son choix, entre la souffrance du nord ou la douceur du sud, s’il avait été à bord d’un IMOCA. « Je choisirais le nord »,déclare-t-il. « Pour moi, ce n'est pas une bonne option de mettre tous ses jetons sur la table (si tôt) dans la course et d'essayer de percer dans le sud. Vous ne savez pas si vous allez passer et, une fois que vous êtes passé, c’est loin d’être gagné ! En effet, la route Sud sera gagnante uniquement si la route Nord ne fonctionne pas. Psychologiquement, c'est un choix très difficile à faire. »

Pour le météorologue, l’option nord est préférable car elle permettra aux navigateurs de s’adapter plus facilement aux conditions. « Sur l'option nord, vous avez beaucoup plus de contrôle sur votre destin »,explique Marcel Van Triest. « Les fichiers disent qu'il va y avoir beaucoup de vent, mais ce n'est pas nécessairement vrai et vous n'êtes pas non plus obligé de prendre la route optimale - vous pouvez placer le curseur là où vous le souhaitez. »

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« La route sud est tout à fait envisageable aussi. Elle sera optimale pour les polaires des bateaux (performances optimales globales) et les conditions seront clémentes, plus chaudes et plus agréables pour les marins. Mais, à ce stade, je dirais que le bateau gagnant ira au nord… »

Cependant, Marcel Van Triest souligne qu'il ne s'agit que des premiers stades d'une évolution plus irrégulière qu'à l'accoutumée. « Ce qu'il faut garder à l'esprit, c'est que les systèmes météorologiques sont ce que nous appelons progressifs, par opposition à stationnaires »,déclare-t-il. « Tout évolue à un rythme soutenu, tous les phénomènes se succèdent très rapidement, de sorte qu'il va se passer plein de choses d’ici la Martinique et qu'il y aura des coups à jouer. Ce n'est pas comme si vous étiez dans une sorte de situation statique dont vous ne pouvez pas sortir. »

Marcel Van Triest indique enfin que les alizés devraient être de force moyenne - 15-20 nœuds - mais aussi de force variable en raison de la mauvaise installation de l'anticyclone au nord. « Tout se déplace très rapidement et, si l’on observe des périodes d'alizés corrects dans un premier temps, le vent redevient ensuite assez faible », résume-t-il.

Ed Gorman (traduit de l’anglais)