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Après neuf jours de course sur cette 15ème édition de la Transat Jacques Vabre, les bateaux en tête de la flotte IMOCA font enfin route vers l'ouest, sous les îles du Cap-Vert, dans une ambiance de tour du monde mais avec l’intensité d’un grand prix.

Avec un peu plus de 3 300 milles (6 110km) encore à parcourir jusqu'à l'arrivée à Fort de France en Martinique (via Fernando de Noronha), les leaders Thomas Ruyant et Morgan Lagravière (LinkedOut) se battent sans relâche avec Charlie Dalin et Paul Meilhat (APIVIA) ainsi qu'avec Jérémie Beyou et Christopher Pratt (CHARAL).

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Vient ensuite Initiatives-Cœur, avec près de 60 milles d'écart et pointé en quatrième position, puis 11th Hour Racing Team-Mālama et ARKEA PAPREC ayant moins de quatre milles de d’écart, et respectivement en cinquième et sixième position. Le retardataire de la flotte IMOCA se nomme EBAC (Antoine Cornic et Jean-Charles Luro) et il pointe à 760 milles au nord de LinkedOut.

Les premiers équipages naviguent au portant dans des conditions légères sous un ciel ensoleillé mais avec un tableau météorologique loin d'être simple. Après être restés très à l'est le long des côtes mauritaniennes et sénégalaises, pour bénéficier des meilleures conditions de vent, ils doivent maintenant regagner dans l'ouest, tout en s'alignant pour la fameuse traversée du Pot au Noir.

Mais le terrible Pot au Noir se fait menaçant, en s'étendant et en se contractant au sud, laissant entrevoir la possibilité que la flotte se comprime dans les prochains jours, permettant ainsi aux bateaux un peu plus en arrière, menés par Prysmian Group (Giancarlo Pedote et Martin Le Pape) - 273 milles derrière le leader - de combler leur retard.

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A bord de 11th Hour Racing Team-Mālama, l’Américain Charlie Enright – joint par téléphone aujourd’hui – savoure cette course au coude à coude dans l'Atlantique. Il voit d'un bon œil le Pot au Noir alors que celui-ci se rapproche. "Nous sommes des marins particulièrement affamés et compétitifs, notre mantra des derniers jours a été – aller là, aller là, aller là ... Maintenant, il s'agit de rester proche, proche, proche... et le Pot au Noir est un monde d'opportunités pour nous," confie-t-il.

Devant eux, Morgan Lagravière sur LinkedOut explique que cette Transat Jacques Vabre ressemble plus à un immense grand prix côtier qu'à un marathon transocéanique. "Cela ressemble plus à une Solitaire du Figaro qu'à une transat dans la mesure où nous avons une proximité avec APIVIA et Charal qui est particulièrement intense", témoigne-t-il, entre deux réglages sur le pont.

“On régate quasiment à vue depuis plusieurs jours. Cela génère de l’intensité tant dans la manière de mener les bateaux que dans la façon s’affiner la stratégie. C’est vrai que c’est un exercice que l’on n’a pas forcément sur des longs bords de transatlantique. Cela a aussi un impact sur le rythme à bord car le niveau de jeu est beaucoup plus haut.”

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Charlie Enright confie lui que leur duel avec Sébastien Simon et Yann Eliès sur ARKEA PAPREC est très amusant. "Ouais, ouais, ces gars-là",lance-t-il. "Nous n’avons pas arrêté de les voir ces derniers jours et à chaque fois qu’ils nous ont lâchés, nous sommes revenus. Il y a eu de bons ‘chambrages’ à la VHF... c’est assez drôle".

Cette course a permis à Charlie et Pascal de mettre le tout nouveau Mālama à l'épreuve. Le skipper américain affirme qu'ils ont réussi à faire face à diverses casses ou pannes mais le bateau est maintenant stable et fonctionne bien, tandis qu’ils apprennent sans cesse sur la vitesse de leur nouveau plan Verdier.

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"Nous sommes vraiment partis sur cette course sans aucune attente et nous avons eu plutôt une bonne sortie de la Manche et un passage rapide de Ouessant", raconte-t-il. "Nous sommes toujours en train d'apprendre du bateau, le maniement des voiles, l'ergonomie, tout ce genre de choses et, en ce qui concerne les performances, nous ne faisons qu'effleurer la surface, donc chaque nouvelle configuration de navigation est une découverte.”

Revenons sur LinkedOut, qui s'avère être un bateau puissant et compétitif malgré ses foils plus petits que ceux d'APIVIA. Morgan Lagravière témoigne d’une situation météorologique "non conventionnelle", à l'approche du Pot au Noir. "Ce n'est vraiment pas facile et c'est le cas depuis le début",poursuit-il. "Nous avons souvent de bonnes surprises, avec un peu plus de vent que sur les fichiers. On arrive à tirer la quintessence du bateau donc c’est très agréable. C’est pareil pour tout le monde alors on essaie de faire au mieux."

Le marin originaire de l’Ile de la Réunion, n'a rien lâché en ce qui concerne le Pot au Noir et l'endroit où ils comptent le traverser. "L'approche est différente des autres années",résume-t-il. "Nous connaîtrons vraiment la situation une fois que nous aurons traversé. Ce sont des choses qui évoluent jusqu'à la dernière minute".

Charlie Enright garde lui bien en tête ce qu’il s'est passé lors de la dernière Transat Jacques Vabre en 2019, lorsque Jérémie Beyou et Christopher Pratt sur Charal sont entrés dans le Pot au Noir très en avance puis se sont arrêtés, permettant aux poursuivants de les contourner. "Nous avons vu Charal entrer dans le Pot au Noir avec 200 milles d'avance puis s'arrêter, alors tout le monde a compris qu'il ne fallait pas aller là ! - N'importe où sauf là !" dit-il en riant.

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Sur Initiatives-Cœur, la Britannique Sam Davies et le Français Nicolas Lunven continuent d'impressionner aux commandes de leur ancien IMOCA rouge et blanc. Ils ne sont pas seulement confrontés à la course, mais aussi à un problème vestimentaire, comme Sam l'a révélé dans son dernier message du bord. En effet, il s'avère que Nico a tout bonnement oublié ses T-shirts à terre !

Il a dit … « Sam ? », « oui », « J’ai oublié mes T-Shirt… »raconte-t-elle dans son message. « Pour une fois je crois que j’ai pris assez T-shirt, je lui ai proposé la solution suivante : Je partage mes T-shirts avec lui et il va porter mes vêtements ‘femme’ en taille 10 (ou 12 s’il a de la chance) pour les prochains 11 jours… Et il va faire la lessive ! »

Ed Gorman (traduit de l’Anglais)