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La compétition reprend samedi à Lorient avec le départ de The Ocean Race Europe. Antoine Mermod, président de la Classe IMOCA, revient sur le succès du Vendée Globe et la bonne santé de l’IMOCA à l’aube d’un nouveau cycle de quatre années de championnat.

Classe IMOCA : Antoine, l’IMOCA pourrait être en retrait après plus d’un an d'une situation sanitaire sans précédent et subir une récession économique. L'inverse se produit, avec de nouveaux bateaux en construction, d’autres qui changent de mains et une belle flotte de skippers, accompagnée par des partenaires qui cherchent à s'impliquer. Comment expliquez-vous ce tour de force ?  

Antoine Mermod :« Tout d'abord, l’an dernier, nous avons mis en place une stratégie de groupe pour traverser la crise. L’objectif était surtout d’avancer avec ce que nous savions déjà faire. Pendant le confinement, nous parlions de courses qui se disputent en solitaire et qui pouvaient également se dérouler sans public. Nous sommes aussi proches de nos partenaires avec des relations très fortes avec nos décideurs.

Grâce à ces atouts et au travail collectif, il était ainsi possible d’atteindre nos objectifs. Le Vendée Globe fut un immense succès, au-delà même de nos espérances. Après la course, la plupart des partenaires étaient satisfaits de leur retour sur investissement et la dynamique se poursuit car, en temps de crise, il est plus facile de garder une continuité que d’entamer de grands changements. Pour la plupart des entreprises engagées, il a donc été plus facile de dire "continuons" que de changer de sport par exemple.

Les partenaires qui sont déjà avec nous, sont donc heureux de continuer et la plupart d'entre eux investiront davantage car ils ont confiance dans l'organisation de l'IMOCA et dans ce qu'ils peuvent attendre des trois ou quatre prochaines années. »

Vg2020 20201105 fleet start9158 haute dfinition vi© © Jean-Marie Liot / Alea

IC : Certains marins accueillent même de nouveaux sponsors au moment où nous parlons, à l’image de Nexans avec Fabrice Amadeo et Fortinet aux côtés de Romain Attanasio ?

AM :« Oui, ce sont d'excellents nouveaux sponsors. Nous constatons que les partenaires historiques sont satisfaits et, naturellement, cela favorise l'arrivée de nouvelles entreprises. Tout semble donc positif. Pour être honnête, je ne m'attendais pas à ce que la situation soit aussi bonne - les équipes et les skippers ont fait un travail fantastique ! Nous sommes impatients d’ouvrir le prochain chapitre de l'histoire de l'IMOCA, avec ces skippers qui courent et bataillent fort. »

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IC : Comme vous dites, le Vendée Globe s’est bien déroulé alors même que le contexte et la préparation furent difficiles.

AM :« Oui, il y a douze mois, nous avions un tapis rouge devant nous avec une saison qui s’annonçait parfaitement mais, avec la pandémie, nous avons dû rouler le tapis et nous adapter afin d’organiser la course et atteindre l'objectif de conclure le Championnat IMOCA Globe Series 2018-21.

Ce Vendée Globe est peut-être même l’une des meilleures éditions et c'est le résultat de beaucoup de choses. Il faut d'abord saluer le rôle essentiel joué par la SAEM Vendée (l'organisation du Vendée Globe) dirigée par Laura Le Goff qui a fait tout son possible pour que la course ait lieu en temps de crise, avec le soutien du Président du Conseil Général de Vendée, Yves Auvinet. Sans leur enthousiasme et leur engagement, nous n'aurions jamais connu la belle aventure que nous avons tous partagée cet hiver.

Nous avons eu la chance que la course soit organisée à un moment où il n'y avait pas beaucoup d'autres événements sportifs. Les équipes et les skippers qui ont très bien navigué, ont fait un excellent travail en racontant et en partageant leurs histoires avec les fans du monde entier et 27 d'entre eux sont revenus aux Sables d'Olonne dont deux hors-course. »

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IC : Il semble que les améliorations apportées à la jauge, ainsi que la préparation professionnelle des équipes, ont rendu les IMOCA plus fiables. Finir le parcours est-il désormais la norme ?

AM :« Lorsque les skippers s'inscrivent au Vendée Globe comme à toute autre course à laquelle ils participent, l’objectif premier est de finir. Lorsque vous cassez votre bateau, c'est très difficile. C'est également important pour les sponsors car il est plus simple de négocier un budget pour une course si vous avez 80% de chance de la finir, plutôt que 50 ou 40%.

La voile n'est pas seulement un sport de haut niveau, c'est aussi une entreprise avec des investisseurs qui doivent être sûrs de faire le bon choix et la viabilité est un paramètre très important pour eux. »

IC : Nous nous préparons maintenant à la première édition de The Ocean Race Europe. Vous devez être content de voir une flotte IMOCA, certes petite mais de grande qualité au départ ?

AM :« Nous sommes en période de transition entre deux cycles. Nous voyons que de nombreuses équipes montent d’un cran, changent de bateau ou en achètent un autre et les skippers sont encore fatigués de leur tour du monde. C'est donc toujours une période où il peut être difficile de repartir en compétition. Nous avons cinq équipes qui s’aligneront sur The Ocean Race Europe et, comme vous le dites, ce sont cinq très belles équipes constituées de certains des meilleurs éléments du dernier Vendée Globe ou de la dernière Volvo Ocean Race. »

210330 11HRT CONCARNEAUTRAINING AMO 000270© Copyright Amory Ross/11th Hour Racing

IC : Êtes-vous confiant dans le fait que The Ocean Race Europe puisse devenir un rendez-vous régulier du calendrier IMOCA Globe Series, notamment en préparation du tour du monde en équipage ?

AM :« C'est l'objectif. Nous faisons un bon travail avec l'organisation de The Ocean Race. Avoir cet événement en Europe entre le Vendée Globe et The Ocean Race l’an prochain, est certainement la meilleure stratégie pour ceux qui veulent commencer un nouveau cycle. Et notamment pour ceux dont l'objectif principal est The Ocean Race, comme 11th Hour Racing par exemple. »

IC : Espérez-vous que davantage d'équipes IMOCA envisagent de participer à The Ocean Race ? Quel est votre objectif à cet égard ?

AM :« C'est encore difficile à dire pour être honnête, les discussions pour les partenariats ont été freinées par la situation sanitaire. Beaucoup de choses bougent en ce moment et nous avons récemment vu Boris Herrmann annoncer sa participation. D’autres équipes sont également sur le point de finaliser leur financement donc nous sommes assez optimistes. Je dirais que six ou sept équipes, ce serait un bon objectif. »

210128 VGFINISH MK 354A2925© All rights reserved - Editorial only - Image by Martin Keruzoré / Team Malizia

IC : Vous avez toujours été un fervent défenseur de la participation des IMOCA à The Ocean Race qui, selon vous, ajoute une nouvelle dimension ?

AM :« La force de l'IMOCA est la diversité des projets dans lesquels les partenaires peuvent s'impliquer. Certains skippers et partenaires sont très attachés au circuit historique français et au Vendée Globe, car c'est leur marché et le niveau de budget qui leur convient. D'autres grandes entreprises arrivent dans la Classe et s'intéressent à la fois au Vendée Globe et à The Ocean Race qui offre une histoire différente, notamment grâce à sa dimension internationale. Nous sommes heureux de pouvoir proposer cela à nos parties prenantes. C’est intéressant de pouvoir choisir entre faire le Vendée Globe, The Ocean Race ou les deux. Si vous venez à l'IMOCA, vous pouvez trouver ce que vous cherchez, quel que soit le niveau d’investissement. »

IC : Vous avez également été un fervent défenseur de l’intégration des femmes dans les rangs de l'IMOCA et le dernier Vendée Globe a vu six femmes skippers jouer un rôle majeur dans la course. En espérez-vous toujours plus à l'avenir ?

AM :« C'est ce que nous voulons. Un aspect positif de The Ocean Race Europe et de The Ocean Race est qu'elles exigent un équipage mixte avec au moins une femme à bord. C’est une excellente opportunité pour les femmes de régater en IMOCA, d'apprendre à connaître ces bateaux et de renforcer leur confiance pour se lancer, entre autres, sur le Vendée Globe. Si vous regardez d’autres Classes, comme la Mini et la Class40 - surtout la Mini - il y a de plus en plus de jeunes femmes qui progressent vite et obtiennent de bons résultats. C'est un excellent signe pour l'avenir. Il semble qu'une nouvelle génération de femmes skippers soit en train de naître et nous espérons qu'elles finiront par s'aligner au départ d’un tour du monde. »

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IC : Vous êtes en poste depuis quatre ans et vous semblez toujours apprécier le défi. Comment décririez-vous votre ligne directrice ?

AM :« Lorsque j'ai commencé dans ce rôle, c'était un défi pour moi de m'assurer que l'organisation de la Classe était au bon niveau. Quand vous comprenez l'engagement et le dévouement des skippers qui naviguent autour du monde, vous vous devez d’être à un niveau similaire pour gérer au mieux cette organisation. Tous ensemble, nous avons construit cette réussite ; les organisateurs, les marins, les skippers et les partenaires peuvent être fiers de notre situation. Je pense qu'il y a beaucoup d'améliorations et d'évolutions possibles pour les quatre prochaines années et c'est passionnant d'en faire partie, c'est la raison pour laquelle j’aime ce poste. »

IC : Merci Antoine.

Propos recueillis par Ed Gorman