Francesca Clapcich : “Notre meilleure façon de gagner est de rester agressifs”

Bien que l'équipe américaine ait deux points d'avance sur sa grande rivale Holcim-PRB, Francesca Clapcich, originaire de Trieste en Italie, n’hésite pas à dire que son équipe doit continuer à naviguer de manière agressive et non conservatrice dans les derniers milles entre La Haye et Gênes.

"Honnêtement, je pense que nous devons continuer à naviguer de manière agressive comme nous l'avons fait jusqu’ici", déclare Francesca Clapcich, 35 ans, à la Classe IMOCA. "Maintenant que nous avons deux points d'avance au classement général et que nous sommes leaders de celui des In-Port Race (courses inshore), nous pourrions potentiellement naviguer de manière plus conservatrice, mais ce n'est pas notre objectif."

"Je pense que nous devons être à fond et nous focaliser sur notre propre course. La prochaine étape s’annonce difficile en raison des conditions délicates qu’impose la Méditerranée. Un rassemblement de la flotte est tout à fait possible à Gênes,”poursuit-elle. “La course n’est pas encore gagnée. Nous devons continuer à foncer tête baissée jusqu’à la fin. La victoire peut être très belle comme la déception peut être très grande mais, à la fin, nous saurons que nous aurons tout donné.” 

Pour la navigatrice italienne, l’arrivée de sa deuxième participation à The Ocean Race s’annonce spéciale (elle était membre de Turn the Tide on Plastic en 2017-18). “Oui, c'est vraiment cool”, déclare l'athlète olympique qui a participé aux Jeux de Londres en Laser Radial et ceux de Rio en 49er, et est aussi ancienne aviatrice de l'armée de l'air italienne. “Toute ma famille, ma mère et quelques amis prévoient de venir. Honnêtement, j'ai vraiment hâte car ce n'est pas tous les jours qu'une course autour du monde se termine dans votre pays d'origine...”

Lors de l'étape 6 entre Aarhus et La Haye, Clapcich s'est retrouvée aux côtés du renommé Franck Cammas. Nous lui avons demandé comment la course s'était déroulée aux côtés du marin français, vainqueur de la course en 2012 et réputé pour son perfectionnisme impitoyable et son obsession de la victoire. "C'était absolument incroyable, je n'avais jamais vraiment navigué avec Franck auparavant”, déclare-t-elle. "Il apporte une telle quantité d’expérience, même s'il n'avait pas beaucoup navigué sur le bateau avant. Il n'arrêtait pas de nous dire 'vous êtes trop rapides dans les manœuvres, je ne peux rien faire'. C’est parce qu’on a beaucoup navigué ensemble ! Il a pu apporter d’autres connaissances, c'était vraiment bien.”

Lorsque la pression était à son comble, Franck “s’enflammait”, mais il a parfaitement bien joué son rôle de remplaçant. "Je pense qu'il est arrivé dans l'équipe avec beaucoup d'humilité. Il n’avait navigué avec nous que trois jours auparavant donc il ne pouvait pas arriver et tout changer. Il a très bien accepté cela et a apporté son expérience à ce que nous faisions.”

© Pierre Bouras / 11th Hour Racing Team / The Ocean Race

"Franck navigue avec une grande intensité et chaque fois qu'il y avait un bateau dans les parages, le feu sortait. C'était vraiment cool à voir car ça montrait qu’il prenait la course très à cœur et le résultat même s'il n'était avec nous que pour quelques jours".

Chez Holcim-PRB, le principal concurrent de 11th Hour Racing Team, le nouveau skipper Benjamin Schwartz se projette sur la dernière étape et sur ce que son équipe et lui doivent faire pour empêcher le bateau américain de triompher. Il sait aussi que le résultat final dépendra de la performance des autres équipages en Méditerranée, et pas seulement de la sienne.

“Notre objectif sur la dernière étape est de terminer devant 11th Hour Racing Team et il faudra aussi avoir un peu d'aide des autres équipes”, annonce Benjamin, 36 ans. "Il y a tout à jouer et si j'étais à leur place, je ne serrerais pas encore la victoire de trop près car les cartes peuvent encore être rebattues en Méditerranée. Il peut y avoir très peu de vent, on peut arriver quatre heures avant les autres près des côtes italiennes et attendre toute la nuit pour entrer à Gênes…”

© Georgia Schofield / polaRYSE / Team Holcim-PRB

En parlant avec Benjamin Schwartz, on se rend compte à quel point les marges sont minces entre les trois premiers IMOCA au classement (11th Hour Racing Team, Holcim-PRB et Team Malizia). Pour lui, l'étape 6 s'est résumée à de petites victoires et de petites défaites. Des détails critiques, comme la présence d’algues dans la quille qui a ralenti Holcim-PRB à un moment donné, ou le fait de naviguer plus longtemps pour éviter un cargo, ont fait la différence. "Je pense que les bateaux sont très similaires", déclare-t-il. "Par moments, nous étions plus rapides qu'eux et nous avons réussi à les rattraper, si bien que toute la course a consisté à revenir sur eux, se faire distancer, puis revenir à nouveau.”

Pour Benjamin Schwartz, il n'a aucun doute sur le fait que cette petite mais sélective flotte devient de plus en plus rapide au fur et à mesure que la course progresse."Je pense que The Ocean Race est probablement le meilleur moyen d'optimiser un bateau en termes de fiabilité et de compréhension. Il s’agit ici de trouver toutes les techniques pour performer. La meilleure façon de le faire est de régater en équipage et The Ocean Race est l'occasion parfaite pour cela. Chaque heure passée sur ces bateaux est si précieuse qu'elle n'a pas de prix".

Benjamin Schwartz admet que le fait d'endosser le rôle de skipper, à la dernière minute, pour les deux dernières étapes a été un grand défi. "Bien sûr, je n'étais pas préparé à cela", admet-il. "Mais j'ai un bon équipage autour de moi, nous avons une super équipe à terre et le bateau est en parfait état. Je pense que c'est assez facile en fin de compte. Il s'agit juste d'essayer d'apporter de l'énergie à l'équipe et mon seul objectif ici est d'essayer de leur rendre la pareille en naviguant bien sur l'eau et en obtenant le meilleur résultat possible."

© Georgia Schofield / polaRYSE / Team Holcim-PRB

Ed Gorman (traduit de l’anglais)