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Celles et ceux qui n’ont pas eu le privilège de naviguer par ces vents de sud-est dans l’hémisphère sud, et de nord-est dans l’hémisphère nord, croient souvent que les alizés sont ces brises douces et régulières soufflant sous un ciel bleu parsemé de petit cumulus et sur une mer belle.

Le nom est si ravissant et évocateur qu’il a donné nombre de prénoms à de petites Alizée - près de 13 000 en France. Sauf que les alizés sont assez caractériels, et pas si gentils que cela…

Depuis qu’elle a retrouvé l’hémisphère nord, la flotte de The Ocean Race caracole à des moyennes stratosphériques, alignant entre 500 et 550 milles par 24 heures, avant d’aborder une zone de transition plutôt complexe. Il suffit de regarder les images des marins engagés dans cette 4ème étape entre Itajaí et Newport, subir des chocs d’une violence à se déchausser une dent, tenter de porter une cuillère à la bouche manger sans tout renverser… pour comprendre que sur un IMOCA, la navigation dans les alizés, n’est pas une sinécure.

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Contrairement aux idées reçues, les alizés qui soufflent des hautes pressions vers les basses pressions dans les régions intertropicales entre 24 degrés sud et 24 degrés nord, ne sont pas vraiment réguliers, que ce soit en force ou en direction. Will Harris, skipper de Team Malizia sur cette étape confirme : « le vent oscille entre 10 et 18 nœuds, et parfois le bateau vole, parfois non. Il faut sans cesse réguler aux écoutes, adapter les réglages, être d’une grande vigilance lors des grains et surventes… »

Les femmes et hommes de quart ont beau naviguer en short et tee-shirt, on sent bien que la vie à bord reste brutale, dans une atmosphère étouffante. Les corps sont fatigués après déjà 27 000 milles de course, les réveils de plus en plus laborieux, et avec des vitesses moyennes entre 20 et 24 nœuds, il n’est plus trop question de garder ouvertes les portes à l’arrière du rouf. L’on s’arrache la place où un semblant d’air circule, avec une impression de légère fraicheur sur le visage.

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Pour une fois, le Pot au Noir a été bienveillant avec les concurrents, les trois premiers le traversant quasiment sans ralentir. GUYOT Environnement - Team Europe, un peu décroché depuis ses ennuis de foil, n’a pas spécialement été verni, devant manœuvrer sans cesse, et passer toute la garde-robe des voiles d’avant.

Il est des traditions bien ancrées lorsque l’on franchit l’équateur, comme de remercier Neptune, Dieu de la mer, d’avoir bien voulu laisser passer les marins. L’on sort une mini bouteille de je ne sais quelle cachette, l’on verse alors quelques gouttes dans la mer, quelques autres dans le cockpit, et enfin le peu qu’il reste est partagé par l’équipage. Ce rituel païen au passage de l’équateur est aussi le signe de la superstition des marins, comme d’embarquer un objet fétiche ou glisser un Louis d’or sous le mât… Et quand en navigation, l’on change d’hémisphère pour la première fois, le rituel du « baptême de la ligne » devient même théâtral. Sur Biotherm, Alan Roberts, qui a disputé dix saisons en Figaro et rêve désormais de Vendée Globe, passe l’équateur pour la première fois. Selon la tradition, Paul Meilhat le skipper est déguisé en Neptune, barbe blanche confectionnée dans du papier toilette, et gaffe en guise du trident symbolique. Les deux équipières du bord Mariana Lobato et Marie Riou habillent alors le Britannique en femme, le maquille… sous les applaudissements.

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La priorité est désormais de gagner dans le nord, de rester « dans la roue » des leaders, et d’étudier les prochaines échéances météorologiques. Ce vendredi 5 mai, à la latitude des Bahamas, la flotte rencontre des vents de secteur sud-est à sud en naviguant à l’avant d’un nouvel anticyclone. Le vent instable et de véritables champs de sargasses - Ces longues algues se collant dans la quille, les foils et les safrans – nécessitent une concentration maximale. « La suite et le week-end s’annoncent plus incertains » explique Christian Dumard, le météorologue de la course. « Au nord de la Floride, les IMOCA vont traverser un front, avec des vents s’orientant à l’ouest nord-ouest, puis ensuite rencontrer des zones de transition avec des hautes pressions le long de la côte nord-américaine. La fin de l’étape s’annonce bien complexe et tout pourrait se jouer lors des trois derniers jours. »L’ETA est prévue le 10 ou 11 mai. 

Ce vendredi matin, à 1 600 milles de Newport, l’IMOCA allemand Team Malizia a repris la tête, et précède les Américains de 11th Hour Racing Team de seulement 3,2 milles, Biotherm de 44, et GUYOT Environnement Team Europe de 200. Holcim-PRB, lui est en route pour l’ancien fief de la Coupe de l’America… mais sur un cargo, et dans un véritable « contre la montre. »