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Ce jeudi 28 janvier à 11h 19min 45sec (heure française), Boris Herrmann (Seaexplorer – Yacht Club de Monaco) a coupé la ligne d’arrivée après 80 jours, 20 heures, 59 minutes et 45 secondes de course autour du monde en solitaire sans escale et sans assistance, 11 heures 14 minutes 59 secondes derrière Yannick Bestaven (Maître CoQ IV), premier au temps officiel (après compensations).

Son histoire, si belle, a pris un tour dramatique quand, à 90 milles de l’arrivée dans l’obscurité profonde, Seaexplorer – Yacht Club de Monaco est entré en collision avec un chalutier. Au ralenti, voiles déchirées, foil tribord endommagé et bout-dehors cassé, le skipper allemand a rejoint la ligne d’arrivée. Terrible, cette fortune de mer a privé Boris Herrmann du podium qui lui semblait promis.

Les données essentielles

Seaexplorer - Yacht Club De Monaco

Arrivée : 28 janvier 2021 à 11h 19min 45sec (FR)
Temps de course : 80j 20h 59min 45s
Compensation : -06h 00min 00s
Temps officiel : 80j 14h 59min 45s
Ecart au premier : 11h 14min 59s
Ecart au précédent : 04h 34min 33s

LE CONTEXTE
Il était dit que ce Vendée Globe sèmerait le trouble dans les scénarios imaginés, et que les papiers écrits par anticipation étaient voués à la corbeille. Hier soir, tandis que le skipper allemand fonçait vers la ligne d’arrivée, porté par l’espérance de terminer sur ce podium très mérité, avant même que le temps de compensation dont il bénéficiait – 6 heures – entre en jeu, Seaexplorer-Yacht Club de Monaco a croisé la route d’un chalutier. La collision, violente, a engendré de multiples dégâts. A l’étrave, le balcon a cédé, tout comme le bout-dehors. Les voiles, prises dans le chalutier, se sont déchirées au gré des mouvements des deux bateaux ; le foil tribord, coincé entre les deux carènes, s’est cassé. Et tous les efforts du skipper allemand pour rejoindre la ligne d’arrivée dans les temps du podium, voire d’une prise de pouvoir, se sont avérés vains. Injuste. Cruel.

Une consolation qui n’effacera pas tout
Dans la soirée, le Hambourgeois a raconté l’ampleur de sa surprise : « Ce qui m’intrigue est de savoir comment cela s’est passé. Mes alarmes étaient allumées. Avec les bateaux cet après-midi, l’alarme du radar sonnait, l’alarme de l’AIS aussi, et OSCAR fonctionnait. Je vérifie toujours que cela marche bien. En remontant ici après l’incident, je ne voyais pas d’alarme. D’habitude, il faut accepter (valider, ndlr) qu’on a entendu l’alarme. Mais comment le radar n’a-t-il pas vu ce bateau ? Je n’en ai aucune idée. Parfois les pêcheurs ne mettent pas l’AIS... »

Au moment où l’incident s’est produit, Boris Herrmann était à 90 milles environ de l’arrivée, Charlie Dalin était aux abords de la ligne, et il était alors fort probable que, lancé à 20 nœuds, le Hambourgeois allait s’emparer de la tête du Vendée Globe au bénéfice de sa compensation de 6 heures. Il aurait probablement aussi été détrôné par Yannick Bestaven, fort d’une vitesse similaire et de 10h15 de compensation pour sa participation au sauvetage de Kevin Escoffier le 1er décembre dernier.

Pour son 4e tour du monde, mais son premier Vendée Globe, le premier Allemand du Vendée Globe s’apprêtait à signer un coup rendu somptueux par son sens marin et sa capacité à aller vite sans jamais abîmer le bateau. Il aura fallu que la route d’un autre navire s’en mêle pour que tous ces efforts soient réduits à néant, si près de la ligne. Cruel pour tous, dont le vainqueur Yannick Bestaven : « C’est sans doute le skipper avec qui j’ai le plus communiqué depuis le début de la course. Boris est une belle personne, un skipper aussi doué que discret. Je suis très déçu de ne pas partager la fête avec lui ». La superbe 4e du marin allemand restera comme une consolation, mais elle n’effacera pas tout.

 

LA COURSE DE BORIS HERRMANN


Parti au cœur du peloton, Boris Herrmann aborde la première grosse difficulté du parcours, la tempête tropicale Thêta, au nord des îles Canaries, de la meilleure des manières. Dans le bon timing, sans chercher à glisser vers son cœur, il exploite la dépression au reaching et en profite pour gagner quelques places. Le voici 9e au septième jour de course.

« Maintenant c’est bon, j’ai trouvé mon rythme »

Bien que gêné par des sargasses dans ses hydrogénérateurs (une de ses deux sources d’énergie à bord avec les panneaux solaires), Boris Herrmann fait alors un premier point : « Depuis deux jours, je me sens chez moi sur mon bateau. Ça m’a demandé un peu de temps pour évacuer la pression, les coups de frayeur, le stress du départ. Maintenant, c’est bon, j’ai trouvé mon rythme ». 


Dans le bon groupe, il négocie sans délai le pot au noir qui, un jour plus tard, freinera les poursuivants. À l’équateur le 19 novembre, le skipper allemand est 7e après 10 jours 17 heures et 30 minutes d’une course qui n’est pas partie sur un tempo affolant, soit 17h31 après le leader d’alors, son ami Alex Thomson (HUGO BOSS). Mer cassante, vents contrariants, la descente de l’Atlantique sud n’est pas une partie de plaisir ni de vitesse.

L’appel de la direction de course qui change tout


Le matin du 30 novembre, tandis que Seaexplorer – Yacht Club de Monaco, 8e, flirte pour la première fois avec les Quarantièmes Rugissants, l’entrée des mers australes, il concède ses difficultés à avancer : « La mer est très cassée, ce n’est pas très joli, ni très agréable. Je n’avance pas comme je veux, le bateau n’est pas à 100% ». Une poignée d’heures plus tard, un appel de la direction de course : 120 milles devant lui, Kevin Escoffier a vu son bateau s’ouvrir en deux. Boris Herrmann est officiellement dérouté aux alentours de 19 heures (heure française) pour renforcer le dispositif de recherches du skipper malouin, que Jean le Cam a vu dans un radeau de survie un peu moins de deux heures auparavant.

Pour y parvenir, le marin allemand abat légèrement dans des vents de sud-ouest de plus de 20 nœuds et sur une mer formée et cassée. Six heures plus tard, Boris Herrmann est sur zone et participe au quadrillage. À 02h18, le 1er décembre, le skipper de PRB rejoint le bord de Jean le Cam, la course reprend pour le Hambourgeois. Il faudra attendre le 16 décembre pour que le jury livre les compensations. Six heures seront portées au crédit du skipper une fois franchie la ligne d’arrivée.

Toujours au contact de la tête de course


1 jour et 4 heures après Charlie Dalin (Apivia), Boris passe la longitude du cap de Bonne-Espérance, après 23j 13h de mer. Sous l’Australie, à l’extrémité de la zone d’exclusion antarctique, Seaexplorer – Yacht Club de Monaco est au contact de Jean le Cam, Yannick Bestaven, Benjamin Dutreux et Damien Seguin. Dans un enchevêtrement étonnant de schémas météo, une partie de la flotte de tête avance bord à bord. Les IMOCA à dérives droites et à foils ne savent pas se départager et, pour ce groupe de chasse, c’est comme un nouveau départ qui est donné, à 500 milles du leader.

Le cap Leeuwin est franchi par Boris le 14 décembre, 20 heures et 43 minutes après le leader, Charlie Dalin. Quatre jours plus tôt, le navigateur germanique a dû stopper pour réparer une latte et une partie de la grand-voile et, sur la route qui mène désormais au cap Horn, les conditions pour aller vite ne sont toujours pas réunies, faute d’angles au vent favorables. Le 4 janvier, la grand-voile de Seaexplorer – Yacht Club de Monaco est à nouveau déchirée. Il faudra cravacher dans les jours suivants pour effacer l’ardoise. 


L’Atlantique, la remontée parfaite
Le Cap Horn, Seaexplorer – Yacht Club de Monaco le franchit le 5 janvier, après 57 jours de mer, et à 2j 12h 44 min du nouveau patron, Yannick Bestaven (Maître CoQ IV), qui s’est envolé. Mais ce n’est que provisoire : il était écrit que ce Vendée Globe ne sourirait pas aux leaders. Même les 400 milles d’avance de Maître CoQ IV sur son dauphin, Charlie Dalin, se réduisent comme peau de chagrin dans la remontée vers le Brésil.

Boris, lui, réalise une remontée parfaite et, de ses 2 jours et 12 heures de retard au cap Horn, il ne lui reste plus que 2 heures et 16 minutes de dédit au second franchissement de l’équateur. Le retour dans l’hémisphère Nord donne alors lieu à une fantastique régate quasiment au contact entre neuf, puis cinq bateaux, qui se seront disputé la victoire finale jusqu’au bout, le « jeu » des compensations achevant de magnifier la course de l’enfant de la mer des Wadden, qui termine son 4e tour du monde, sur une 4e place, malgré l’incroyable coup du sort des dernières heures de course.

 

Les stats de Boris Herrmann / SeaExplorer – Yacht Club de Monaco

Distance réelle parcourue sur l’eau (fond) : 24 365,74 nm / 12,55 nœuds
Vitesse moyenne réelle (fond) : 28 448,53 nm / 14,66 nœuds

Les grands passages 

Equateur (aller)
7e, le 19/11/202 à 6h50 UTC après 10j 17h 30min de course 

Cap de Bonne Espérance
5e, le 02/12/2020 à 3H35 UTC après 25j 14h 15min de course 

Cap Leeuwin
8e, le 14/12/2020 à 08h09 UTC après 35j 18h 49min de course 

Cap Horn 
10e, le 05/01/2021 à 02h27 UTC, après 57j 13h 07min de course

Equateur (retour)
3e, le 16/01/2021 à 20h49 UTC, après 69j 07h 29min de course 
 

Le bateau
SeaExplorer – Yacht Club de Monaco (ex-Gitana 16 Edmond de Rothschild, ex-Malizia II)

Architectes : VPLP/Verdier

Construction : Multiplast

Mise à l’eau : 06/08/2015

Voilerie : North Sails
Foils : VPLP