© Thierry Martinez

A l’issue d’une semaine de course, force est de constater que la flotte des IMOCA a payé un lourd tribut au mauvais temps qui sévit sur l’Atlantique Nord. Trois dépressions successives ont transformé l’Atlantique en un champ de mines. Les équipages comme les bateaux ont été fortement éprouvés par des conditions de navigation extrêmes qui ont associé vents forts, allures de près et mer démontée.

 

Plusieurs skippers avaient exprimé leurs doutes lors du briefing de départ de la Transat Jacques Vabre quant à la situation météorologique que la flotte risquait de rencontrer. En automne, les dépressions qui se forment aux abords de Terre-Neuve balaient de plus en plus fréquemment les latitudes modérées. Au départ de la Transat Jacques Vabre, le dilemme était le suivant : d’une part, faire confiance aux routages qui optimisaient les trajectoires et envoyaient les équipages viser le cœur d’une dépression particulièrement creuse avec, à la clé, des vents pouvant atteindre les 45 nœuds et une mer formée (creux de plus sept mètres) et dans un second temps la possibilité de mettre cap au sud avec des vents et une mer plus portants, c'est-à-dire plus facile à négocier. La deuxième solution consistait à piquer vers le sud-ouest dans le golfe de Gascogne afin d’éviter le plus gros de la dépression, mais au risque de s’enquiller de longues heures au près, allure qui est loin d’être la préférée des monocoques IMOCA. De plus, cette option obérait fortement tout espoir de bien figurer au classement final.

A ce jour, ils sont cinq à avoir déclaré leur abandon, pendant que quatre autres équipages ont décidé de rejoindre un port pour tenter de réparer. Pour plusieurs équipages, la jeunesse du projet, le manque de temps pour fiabiliser la machine, associés au très mauvais temps ont été à la racine des soucis techniques rencontrés. C’est le cas notamment de Edmond de Rothschild, Safran, et HUGO BOSS. Fiabiliser un IMOCA, c’est aujourd’hui plusieurs mois de travail, des heures de navigation d’entraînement comme on répète ses gammes, des aller-retours fréquent entre les données recueillies en mer et le travail de chantier pour optimiser la machine. D’autres pouvaient s’estimer prêts ; mais il ne faut pas perdre de vue que la casse mécanique fait aussi partie du sport. A bord de Maître CoQ, Jérémie Beyou et Philippe Legros ont estimé que la réparation de leur étai ne leur garantissait pas de pouvoir affronter le mauvais temps à venir. La déchirure de la grand-voile de Le bateau des Métiers by Aérocampus condamnait Arnaud Boissières et Stan Maslard à l’abandon. Derniers équipages à mettre le cap sur les côtes, Bastide Otio de Kito de Pavant et Yann Régnaut et Adopteunskipper.net de Nicolas Boidevézi et Ryan Breymaier. Enfin l’équipage de St Michel – Virbac vient d’annoncer qu’il ferait une escale technique à Madère suite à la rupture de plusieurs lisses dans le poste avant.

Des efforts récompensés

Si les hommes de l’ouest ont subi des conditions particulièrement dures, ils ont aussi recueilli les fruits de leur option puisque les quatre équipages les plus radicaux Banque Populaire VIII, PRB, Quéguiner/Leucémie Espoir et SMA ont nettement creusé le trou sur la concurrence. Ces équipages sont aussi parmi ceux qui ont le plus navigué en amont de cette Transat Jacques Vabre. Ce sont aussi les mêmes qui ont trusté les podiums depuis le début de la saison de course.

Derrière, il faut noter les belles prestations de Tanguy de Lamotte et Sam Davies (initiatives Cœur) d’une part, de Thomas Ruyant et Adrien Hardy (Le Souffle du Nord) de l’autre. Partis sur une route médiane, ils mènent le peloton des partisans de l’option est. En cinquième et sixième position, ils pointent néanmoins à plus de 150 milles des leaders.

Il restait encore, dans la nuit de jeudi à vendredi, une dernière dépression à négocier dans le sud des Açores avant d’espérer crocher les régimes d’alizés et passer de l’hiver au printemps. Si les quatre leaders n’ont été atteints que partiellement, les poursuivants affrontent de plein fouet des vents de 40 à 50 nœuds et une mer particulièrement forte avec des creux de plus de huit mètres. Pour Bureau Vallée, Newrest/Matmut, Comme Un seul Homme/Stand As One, MACSF, St Michel Virbac et Spirit of Hungary, ce sont des heures particulièrement difficiles qui s’annoncent.

Trop tôt pour juger des foils

Il ne reste plus que Banque Populaire VIII pour se jauger face aux IMOCA d’ancienne génération. A bord de St-Michel Virbac Jean-Pierre Dick et Fabien Delahaye découvrent leur bateau et les incidents inéluctables qui font partie de la prise en main d’un bateau neuf. N’oublions pas que le bateau n’a été mis à l’eau que très récemment, et que cette Transat Jacques Vabre constituait leur premier banc d’essai grandeur nature ; être dans la course aujourd’hui est déjà une très belle performance

Face aux conditions météo rencontrées, l’apport des foils ne s’est pas encore totalement révélé. Armel Le Cléac’h le disait lors d’une vacation avec son équipe : l’état de la mer fait que l’usage des foils n’apporte ici pas de valeur ajoutée, malgré des allures a priori plutôt favorables à ce nouvel appendice. Il va maintenant falloir attendre la navigation dans les alizés pour mesurer le gain de vitesse attendu aux allures portantes.

Le début de la course a montré que les nouveaux bateaux avaient des possibilités de vitesse remarquables mais aussi des comportements à la mer inédits et des sollicitations extrêmes. Il faudra encore du temps et des navigations pour intégrer au mieux ces nouveaux paramètres.

Seul représentant de la nouvelle génération des monocoques IMOCA dans le peloton de tête, l’équipage de Banque Populaire VIII a une sacrée responsabilité sur les épaules.