Heading for the front

La flotte des IMOCA60 de la Transat Saint-Barth/Port-la-Forêt évolue à la latitude de la Floride et commence à infléchir sa trajectoire vers les Açores. Les shorts et les T-shirts sont encore de mise, mais plus pour longtemps. Sébastien Josse (Edmond de Rothschild) mène toujours devant un Paul Meilhat (SMA) inspiré. Morgan Lagravière (Safran) complète ce podium provisoire. Dès ce soir, la course prendra une tournure nouvelle.

Mer plate, grand soleil, les solitaires de cette 3e manche du Championnat du Monde IMOCA Ocean Masters sont concentrés sur leurs fichiers météo. Le groupe de tête est à l’affut : le vent, encore de secteur est, va, ce mardi après-midi, s’orienter à l’ouest et ce, en l’espace d’une heure ou deux… Ce timing-là, il ne faut pas le rater. Pas question de siester à l’heure « H », ni de ne pas avoir parfaitement anticipé sa manœuvre. Comme un surfeur en haut de sa vague, l’objectif est de se trouver au bon endroit, au bon moment afin d’exploiter pleinement cette rotation et de réussir à « accrocher » ces flux porteurs le plus tôt possible. Car ensuite, la brise va se renforcer progressivement par l’ouest et « ça risque de partir par devant », prévient Paul Meilhat.

Joli coup

En 2e position depuis le départ, le skipper de SMA, auteur hier d’un placement bien dosé dans l’ouest, s’est retrouvé la nuit dernière à 0,4 mille du leadership. Un petit souci technique l’a ensuite empêché de transformer l’essai, mais le coup fut joli.

Hiérarchie stable

À une trentaine de milles des leaders, Morgan Lagravière (Safran) se maintient en troisième position sur une trajectoire toujours un peu plus ouest, qui lui permet pour le moment de contenir les assauts de Thomas Ruyant (Le Souffle du Nord), quatrième.

Privé de la garde-robe idéale, Fabrice Amedeo (Newrest – Matmut) est contraint d’opter pour une trajectoire plus proche de l’anticyclone, donc moins ventée. Même stratégie pour le Canadien Éric Holden (O Canada), en 6e position à une centaine de milles de la tête de flotte.

L’irlandais Enda O’Coineen (Currency House Kilcullen) parti 24h après ses camarades de transat bénéficie encore d’un alizé soutenu, il file à 13 nœuds cet après-midi : de quoi rattraper un peu de son retard.

Demain sera un autre jour

Dès ce soir, la tête de flotte fera cap vers les Açores. La chute de la température sera proportionnelle à la hausse du taux d’humidité. 17 à 20 nœuds de nord-ouest sont annoncés demain avec des rafales possibles à 30-35 nœuds dans une mer formée au passage du front. Fini les belles manœuvres et les réglages fins, place à la glisse musclée et à la gestion du matériel.

Mots du large

Paul Meilhat (SMA)

« C’est grand bleu, pas un nuage, pas un grain… Il y a 9 nœuds de vent, mais il est instable.

J’ai eu des petits soucis techniques la nuit dernière, rien de grave, mais cela m’a fait perdre une heure sur Sébastien. J’ai réussi à tout remettre en ordre, je peux à nouveau utiliser toutes mes voiles.

Le vent commence à tourner, on empannera dans quelques heures, on sera alors de l’autre côté de la dorsale. On sera dans un flux de sud-ouest puis ouest et enfin nord-ouest. Ce sera parfait pour faire route vers les Açores.

Ça risque de partir par devant, il faut rester dans le bon wagon. Le changement va être assez radical : je suis encore en short et en T-shirt, une fois dans la dépression, ce sera polaires et cirés !

Ce début de première transat en solo en IMOCA60 se passe bien même si c’est hyper compliqué : il faut bien réfléchir et anticiper chaque manœuvre. Je m’y étais préparé, le vivre est très intéressant ! Ce sera a priori presque plus facile lorsque l’on sera au portant dans la dépression que maintenant où il y a beaucoup de manœuvres à enchainer : depuis le départ, toute la garde-robe du bateau y est passée !

S’il y a du jeu à tenter, je le ferai, ça reste une course, mais je sais aussi que Sébastien est plus rapide au vent de travers. L’objectif majeur reste la qualification au Vendée Globe. »

Fabrice Amedeo (Newrest – Matmut)

« Tout va très bien ! Je suis parti avec pour objectif d’apprendre et de découvrir : c’est exactement ce que je fais ! J’ai pris un départ prudent et je gère ma course comme j’avais prévu de le faire… mais c’est quand même une course et je suis un peu frustré car il me manque un Code 0 (grande voile d’avant, ndlr) et un souci de hook m’empêche d’utiliser mon gennaker. Sans ces deux voiles, je ne peux pas suivre la même trajectoire que les autres, je suis obligé de lofer, donc de faire une route plus proche de l’anticyclone. Là, j’ai 6 nœuds de vent seulement… heureusement, la mer est plate, ça glisse bien.

Cela va durer encore 48h environ, ensuite, au portant, dans une brise soutenue, je pourrai à nouveau utiliser pleinement mon bateau.

À part ça, je suis super à l’aise sur mon bateau, j’ai pris mon rythme. Je prends le temps de tout inspecter, tous les jours… C’est une très bonne chose de faire sa première transat dans ce sens-là : on commence par des conditions tranquilles avant d’attaquer les dépressions, c’est mieux que de faire l’inverse ! »