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Si tout s’était déroulé comme prévu, Jack Bouttell aurait été sur la ligne de départ de ce Vendée Globe à la barre d’un vieil IMOCA prêt à tenter son premier tour du monde en solitaire.

Malheureusement, ses espoirs de sponsoring sont tombés à l'eau et le projet n'a jamais pu se concrétiser jusqu'au bout. Jack Bouttell, 29 ans, équipier clé de Dongfeng Race Team, vainqueur de la Volvo Ocean Race 2017-18, a été contraint de revendre le bateau qu'il avait racheté en 2017 et a dû renoncer à la course. L’échec de son projet fut difficile à avaler pour le jeune marin. Après avoir remis le bateau à son nouveau propriétaire en janvier dernier, Jack Boutell a décidé de mettre un peu de côté le Vendée Globe.

Même si le quadruple participant de la Solitaire du Figaro, n’a jamais pris part au mythique tour du monde, il imagine déjà à quel point cela peut être difficile. "En regardant le départ, je pensais à ce qui aurait pu se passer mais mon fils venait de naître quelques jours avant et cela a un petit peu aidé à la transition. Cette édition n'était visiblement pas pour moi, pour plusieurs raisons ".

Les choses ont évolué positivement depuis et Jean est de nouveau à la recherche d'un bateau et de partenaires pour l'édition 2024. " Je suis beaucoup plus positif pour la prochaine édition ", a-t-il déclaré à la Classe IMOCA. "Je suis dans un meilleur état d'esprit, un peu plus âgé et un peu plus sage, et j'essaie simplement de faire en sorte que cela se réalise. "

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Et qu'est ce que le marin australien pense de ce qu'il se passe sur l'eau actuellement ? Comme tout coureur au large, il  étudie l'impact des derniers modèles de foils et la façon dont les marins ont fait face à leur puissance. Selon lui, les bateaux équipés de foils entièrement rétractables sont les mieux lotis dans toutes les conditions car ils peuvent maximiser la vitesse et l’efficacité par gros et plus petit temps.  

"Je pense que les foils sont une bonne innovation mais il faudra surement pousser davantage la conception. J’ai été déçu qu'Alex (Thomson) et Seb Simon aient abandonné parce que, pour moi, ils avaient un système de foils assez intéressant. Ils pouvaient les rétracter entièrement, ce que je trouvais être un bon compromis... " 

"Beaucoup de skippers (qui ont des foils pas entièrement rétractables) disent avoir beaucoup de mal à gérer l'accélération de leur bateau. Ils ont dû tirer sur leurs foils pour essayer de ralentir le bateau et de le rendre plus maniable, mais ils se retrouvent avec un bateau soit à plat et lent, soit en gîte avec les foils encore dans l'eau", déclare-t-il. 

Par rapport à la dernière édition du Vendée Globe, nous n'avons pas encore vu les bateaux naviguer longtemps dans des conditions parfaites pour que ces foilers dernière génération puissent exceller. "Ils ont eu pas mal de près, beaucoup de dépressions à gérer ou ils n’ont pas pu naviguer à 100% de leur performance, et les alizés n'étaient pas très bien établis et positionnés assez loin au Sud. Et une fois arrivés dans l’océan Indien, il était plus difficile de s’envoler", dit-il.

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Nous lui avons aussi demandé quels marins il avait trouvé impressionnants sur ces premières semaines de course. Les trois premiers de la catégorie des non-foilers sont évidemment sur la liste, avec Jean Le Cam (Yes We Cam !), Damien Seguin (Groupe APICIL) et Benjamin Dutreux (OMIA-Water Family). "Ces gars naviguent vraiment bien. Stratégiquement, ils avaient les conditions idéales la première semaine. Jean navigue évidemment bien, mais son option de tirer des bords au Cap Finisterre était très bonne. La façon dont ils naviguent, le fait de pouvoir pousser sur leurs bateaux, et de ne pas être plus lents que les foilers dans ces conditions, me semblent très impressionnants ".

Charlie Dalin (APIVIA) vient ensuite, c'est selon lui, celui qui mérite d'être en tête de la course. "Il a navigué de la meilleure manière. Il faut voir sa stratégie et la façon dont il a géré son bateau. Il fait au mieux pour ne pas casser et naviguer vite quand il le faut. Juste avant qu'ils ne passent le cap de Bonne-Espérance, il était très proche de Thomas (Ruyant) et il a pris son envol. Il a très bien fait sa transition vers l’Est et il a touché la brise en premier. Pour moi, il mérite d'être là où il est. "

Et puis, il évoque la course de Jérémie Beyou (Charal) qui a maintenant rattrapé la queue de la flotte, accomplissant alors le premier objectif qu’il s’était fixé à la suite de son deuxième départ des Sables d’Olonne. Selon Jack Bouttell, le skipper de Charal a pris la bonne décision de repartir, non seulement pour lui personnellement, mais aussi pour son équipe et ses sponsors. "Je pense qu'il sera plus facile pour lui de tourner la page de cette course, après avoir au moins essayé de continuer » déclare-t-il. " S'il avait jeté l'éponge tout de suite, je pense que la récupération mentale aurait été brutale et qu'il se serait enfoncé dans un trou assez profond." Jack sait à quel point il est difficile de pousser un IMOCA de dernière génération à 100% de ses performances et ne peut qu’imaginer combien il est encore plus difficile de réaliser cela sans sa principale motivation qui était de gagner. "Je pense que Jérémie y pense constamment en ce moment, car il est réaliste, il sait qu’il ne pourra pas revenir dans le groupe de tête. "

Il est aussi de tout cœur avec Thomas Coville et toute son équipe Sodebo qui a dû avorter sa tentative de record de Trophée Jules Verne dans le sud de l’océan Indien, quasiment au même endroit que Spindrift en 2019. "Ils ont connu exactement le même échec au même endroit que nous avec Spindrift en février l'année dernier, c’est assez incroyable et dur pour eux. A ce stade, nous étions aussi dans le Sud, avec 2 300 milles d’avance sur le record, mais forcément, dès que vous vous arrêtez pour regarder et réparer les choses, vous perdez votre avance assez rapidement". Pour lui, Franck Cammas et Charles Caudrelier auront une meilleure chance de battre le record cet hiver à bord du Maxi Edmond de Rothschild que Thomas Coville, qui n’aura probablement pas le temps de repartir. "Il ne faut jamais dire jamais, mais je ne pense pas qu’ils seront prêts à temps pour repartir sur un tour du monde. "

 Propos receuillis par Ed Gorman (traduit de l'Angalis)