Transat Jacques Vabre: and that makes two for PRB!

Après dix-sept jours de course, Vincent Riou et Sébastien Col ont glané une victoire sans appel sur la Transat Jacques Vabre en catégorie IMOCA. C’est la deuxième consécutive pour Vincent, déjà vainqueur de cette épreuve en 2013 avec Jean Le Cam. PRB a finalement réussi à maintenir à distance Banque Populaire et Quéguiner-Leucémie Espoir, qui complètent ce podium royal.

Perseverare diabolicum est? On ne sait pas si Vincent Riou est diabolique, mais on est vraiment tenté de le croire en examinant la trajectoire parfaite dessinée avec Sébastien Col entre Le Havre et Itajai. Cette trajectoire qui permet à PRB de doubler la mise. Hier mercredi 11 novembre à 13h52 heure française, les deux hommes ont coupé la ligne d’arrivée au Brésil après 17 jours, 22 minutes et 24 secondes de course. Sur le parcours théorique de 5400 milles, cela correspond à une moyenne de 13,22 noeuds. Sur l’eau, PRB a parcouru en réalité 6034 milles, soit une moyenne de vitesse réelle de près de 15 noeuds (14,78).

Sans indicateurs de vent dès la première nuit !

Vincent Riou et Sébastien Col pouvaient bien laisser éclater leur joie sur la ligne. Oubliés la première semaine de course, ses incessantes tempêtes et les abandons qui touchèrent la moitié de la flotte des IMOCA dans ces conditions particulièrement féroces. Presque oubliée aussi l’avarie d’instruments qui les a obligés à naviguer à l’ancienne, sans indication de vent “avec comme seul affichage la route et la vitesse sur le fond” ! Il était écrit que PRB, très bien préparé et déjà dominateur cette saison, ne ferait pas partie de la charrette. Même la menace d’une petite bulle de vents faibles devant la ligne ne se concrétisait finalement pas, leur permettant de gagner à Itajai avec 8 et 10 heures d’avance sur les deux autres grands animateurs de la course : le tout nouveau Banque Populaire VIII d’Armel Le Cléac’h et Erwan Tabarly et le Quéguiner-Leucémie Espoir de Yann Eliès et Charlie Dalin. Au passage, voir trois bateaux de trois générations différentes sur le podium montre bien que la classe IMOCA a réussi le pari de l’équité sportive. C’est de bon augure aussi pour le Vendée Globe, où ces trois bateaux et leurs skippers seront à coup sûr parmi les favoris.

Le trio infernal

Dès la sortie de Manche, PRB s’est installé dans le groupe de tête, allant chercher à l’ouest, dans des conditions très dures, une rotation au vent portant. A un rythme effréné et dans des pointes de vitesse parfois supérieures à 25 noeuds, le monocoque de Vincent Riou et Sébastien Col faisait le break dès les trois premiers jours de course... mais pas tout seul. Car PRB "bénéficiait" alors de la proche compagnie de trois autres IMOCA : le SMA de Paul Meilhat et Michel Desjoyeaux, Banque Populaire et Quéguiner-Leucémie Espoir. L’abandon de SMA sur avarie transformera rapidement le quatuor en trio infernal. Et dès la hauteur des Canaries, il était déjà quasiment impensable de voir le reste de la flotte revenir sur eux, le quatrième étant alors 200 milles dans le sillage. Dans l’ordre Quéguiner-Leucémie Espoir, Banque Populaire et enfin PRB s’échangeaient le fauteuil de leader. Un moment, on a cru que le tout nouveau Banque Populaire VIII, avec ses foils, avait une chance de s’échapper. Mais le Pot au Noir, très complexe, en décida autrement. On eut même droit à une carte postale totalement inédite juste avant l’équateur, avec les trois bateaux de tête obligés de tirer des bords de près pour progresser tant bien que mal !

Le 3 novembre, à 2300 milles de l’arrivée, c’est dans cette phase de la course que PRB parvient à reprendre la tête de course à Banque Populaire, au beau milieu de l’Atlantique. Vincent Riou et Sébastien Col ne la lâcheront plus. Pendant les huit derniers jours de cette Transat Jacques Vabre, ils contrôlent implacablement leurs deux adversaires et parviennent même à bonifier le petit capital de 30 milles constaté à la corne du Brésil. Les dernières incertitudes météo du final sont avalées elles aussi sans dommage. Et comme il y a deux ans, PRB s’adjuge la victoire en 17 jours. Banque Populaire et Quéguiner coupaient la ligne quelques heures plus tard, le vent étant tombé pour eux dans les derniers milles. Armel Le Cléac’h et Erwan Tabarly prenaient la deuxième place juste avant 22h heure française, Yann Eliès et Charlie Dalin s’adjugeaient la troisième à 23h31. Sur le podium, on constatait alors que deux bateaux à dérives droites  encadraient une nouvelle machine à foils et que trois IMOCA lancés respectivement en 2010, 2015 et 2007 pouvaient parfaitement se livrer une bataille collée-serrée et passionnante de bout en bout. Diabolicum!

 

Ils ont dit

 Vincent Riou

«Nous sommes heureux. On ne faisait pas les malins voilà deux semaines et demie au départ du Havre… On savait que nous partions sur une course engagée et que l’objectif était de réussir à passer sans encombre et d'être dans le paquet de tête aux Açores. Ce fut un beau match, avec jamais plus de 35 milles d’avance, jusqu’à avant-hier, entre le premier et le deuxième. Il y a eu beaucoup de changements de leader. (…) Le Pot au noir était étrange, mais il me réussit à chaque fois, je vais finir par aimer ça ! Il fallait avoir les nerfs solides car ça s’est joué à pas grand chose. La nouvelle génération d’IMOCA est en phase d’apprentissage, de découverte, alors que nous avons un bateau éprouvé dont nous connaissons bien les manettes. C’est sur que les foils c’est l’avenir de la voile, nous en aurons tous un jour. (…) Sinon, nous avons bien travaillé nos sensations sur cette Transat Jacques Vabre : dès la première nuit la centrale de navigation est tombée en panne et nous n’avions plus du tout d’indicateurs de force, de direction et d’angle du vent. Seulement la route et la vitesse fond. On a même pensé mettre des rubans dans les haubans, comme quand on était petits, en 420. Si on m’avait dit ça avant le départ, j’aurais dit non pas question, ça ne peut pas marcher ! On a tout fait aux sensations. »

 

Sébastien Col

« C’était un plaisir, c’était impressionnant de voir fonctionner Vincent qui est très complet et maîtrise beaucoup de choses, aussi bien du point de vue technique que de celui de la navigation. Au final, notre avarie d’électronique est une bonne leçon : on se rend compte qu’on est de plus en plus assistés dans la vie en général, alors que l’être humain est capable de faire de grande chose, de sentir les choses. »

 

Armel Le Cléac’h

« Nous avons formé un super duo avec Erwan (Tabarly) sur un bateau certes en rodage, avec pas mal de bricoles à faire. Nous étions en tête à l’entrée du Pot au Noir, malheureusement nous avons eu des nuages pas été très gentils avec nous. Un orage nous a fait perdre 35 milles ! Et il y a eu beaucoup de près, ce n’est pas l’allure favorite des foils. Il y a un zeste de déception parce qu’on aurait aimé gagner évidemment, mais nous sommes super contents d’avoir terminé la course et d’avoir pu jouer la gagne pendant toute la traversée. On a manqué un peu de réussite mais les foils, on les garde ! Il y a des moments où ça marche bien (Erwan Tabarly évoque des pointes à 29 nœuds) et d’autres où on est moins à l’aise… Banque Populaire VIII a été mis à l’eau il y a 6 mois seulement, alors que PRB navigue depuis 5 ans. Nous avons une grosse marge de progression. »

 

Yann Eliès

« Cette troisième place vient couronner une belle année pour toute l’équipe après la victoire dans la Solitaire du Figaro. Il y a un gros boulot cet hiver pour préparer le bateau en vue du Vendée Globe : tout doit être millimétré quand tu avances à 25 nœuds ! Cette transat a été très complexe, non seulement à cause des conditions rugueuses, mais aussi dans le Pot au Noir… et pourtant nous mettons le même temps que la dernière fois ; ça veut dire que nous avons bien tiré sur les machines… et qu’elles ont bien progressé. »

 

Le podium de la Transat Jacques Vabre 2015

1. PRB - Vincent Riou et Sébastien Col en 17 jours 00h 22 minutes et 24 secondes

2. Banque Populaire - Armel Le Cléac’h et Erwan Tabarly en 17 jours 08h 29 mn et 09 sc

3. Quéguiner-Leucémie Espoir - Yann Eliès et Charlie Dalin en en 17 jours 10h 01 mn et 23 sc